Dans son roman Le Carnet Gris, l'auteur niçois Jean Siccardi explore le silence de son grand-père Laurent, résistant dans le Var pendant la Seconde Guerre mondiale et déporté à Auschwitz après avoir été dénoncé. Élevé par cet homme pudique, l’auteur a découvert son histoire en vidant sa maison et en ouvrant une boîte contenant des écrits secrets.
Son grand-père est mort sans jamais raconter son histoire. Jean Siccardi, auteur prolifique avec plus de 80 romans à son actif, n’a découvert que très tard le véritable héritage de celui que les résistants surnommaient Le capitaine Laurent ou Mimosa.
Dans son roman Le Carnet Gris (éditions Calmann Lévy), il nous entraîne dans une quête de mémoire où le silence de son grand-père vient trouver une voix à travers l’écriture et la littérature.
Le silence, une mémoire enfouie
"Mon grand-père ne parlait pas", confie à France 3 Jean Siccardi. Cet homme-là s’appelait Laurent, immigré piémontais arrivé en France en 1890. Son non-dit - celui d’une vie au nom de ses valeurs - était celui de beaucoup de survivants, terrés dans un silence à la fois pudique et protecteur.
Quand il est mort, j’ai débarrassé la maison, j’ai ouvert une boîte en fer, et j’y ai découvert sa vérité.
Jean Siccardi, auteur de Le Carnet grisà France 3 Côte d'Azur
Dans le Var, où la famille vivait dans les années 1950 (Jean Siccardi a été élevé par son grand-père), le parcours de Laurent était gardé secret : l’homme souriait toujours, mais ne disait rien. "C'était un taiseux. (...) Personne ne connaissait son histoire." confie Jean Siccardi.
Derrière ce silence se cachait en vérité un héros discret, un pilier de la Résistance dans le sud-est de la France, où les collines du Var servaient de refuge aux maquisards. Laurent dirigeait un réseau clandestin avant d’être dénoncé, arrêté par la Milice, torturé pendant une semaine, puis déporté à Drancy, et finalement à Auschwitz. Il trouvera dans l’écriture un refuge.
"Il écrivait sur des petits bouts de papier qu’il réussissait à se procurer, explique l’auteur. Il les cachait dans son lit." Ces écrits, laissés dans une petite boîte, n’étaient pas destinés à voir le jour. Pourtant, sur les conseils de son épouse et d’une amie éditrice, Jean Siccardi a décidé de les partager, considérant cela comme un devoir de mémoire.
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Une enquête familiale et historique
Le Carnet Gris retranscrit à la fois l’horreur des camps et l’âpreté de la survie.
Dans le bloc 20, aucune pitié ! Le détenu doit se défendre et se méfier du voisin avec qui il dort. [...] Seule la vie a de l’importance.
Extrait de Le Carnet grisécrit par Jean Siccardi
Jean Siccardi rappelle que, pendant l’été 1944, Auschwitz brûlait chaque jour "entre 5 000 et 10 000 corps". Grâce à ses nombreuses recherches, il peut aujourd'hui expliquer le rythme effréné des déportations depuis le sud-est : "Le convoi du 31 juillet 1944 transportait 352 enfants, déportés et brûlés vivants faute de matériel pour les asphyxier".
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"J’ai dû réaliser une enquête pour comprendre pourquoi il avait été dénoncé, par qui," raconte Jean Siccardi. Ce travail d’investigation a non seulement permis de révéler la trahison ayant conduit à l’arrestation de son grand-père, mais aussi de redécouvrir le rôle de la résistance dans le Var et les Alpes-Maritimes. "La Résistance a été très importante dans cette région," insiste l’auteur, rappelant que Nice "n’a pas été libérée par les Américains, mais par sa propre résistance".
Le Carnet Gris s’inscrit ainsi dans une démarche de transmission et d’interrogation. "Nous devons nous souvenir du passé en regardant le présent".
Pour Jean Siccardi, le devoir de mémoire dépasse ainsi la simple commémoration et se doit d'être un travail de tous les jours.