Initiative rare en France, une école primaire a pris le nom d'une enfant juive, Nelly Ovadia, morte gazée à Auschwitz-Birkenau, lors d'une cérémonie ce lundi à Tourtour, le village du Var où elle fut arrêtée puis déportée à l'âge de 15 mois.
Une plaque avec la photo de la fillette aux joues rebondies, une houppette et des yeux rieurs, a été inaugurée par le comité Yad Vashem Nice Côte d'Azur et le conseil municipal, en présence de sa tante, arrêtée avec elle par la Gestapo.Très alerte malgré ses 95 ans, cette dernière garde un souvenir très vif de ce 30 janvier 1944 où elle dut se livrer aux Allemands, le bébé dans les bras. A cette date, Tourtour est en zone libre comme tout le sud de la France mais l'occupant italien a capitulé et été remplacé par les nazis, et des maires nommés par le gouvernement de Vichy dénoncent les juifs.
"Ma soeur et mon beau-frère ont été pris avant moi pendant que je gardais ma petite nièce. Je me suis échappée avec le bébé dans les bras dans la forêt. J'ai été obligée de me rendre parce que les jeunes du village sont venus nous voir et m'ont dit Annette, si vous ne vous rendez pas, on fera 10 otages. Alors, je me suis rendue, toute penaude, je ne savais plus comment faire", raconte Annette Barbut.
"J'ai frappé à toutes les portes pour qu'on me prenne le bébé, tout le monde avait peur", dit-elle. A Tourtour, une dame, enfant à l'époque, a confié à Annette que sa mère avait eu toute sa vie le remord de n'avoir rien pu faire.
Conduite à la Kommandantur de Draguignan puis à la prison des Baumettes à Marseille, Annette Barbut s'échappera du convoi dans lequel sa nièce est déportée avec ses parents et gazée dès son arrivée à Auschwitz le 27 mars 1944.
A Tourtour, une école a pris le nom de Nelly Ovadia. Cette enfant est morte à Auschwitz alors qu'elle n'avait que deux ans.
Depuis plusieurs années, Annette Barbut se rend dans les écoles pour témoigner. La très vive émotion ressentie par le conseil municipal de Tourtour lors d'une de ses interventions a poussé la commune et l'institutrice du village à baptiser l'école, qui n'avait pas de nom.
"Ce sera une leçon d'histoire, et chaque année on a convenu d'aller parler aux élèves", indique Daniel Wancier de Yad Vashem Nice Côté d'Azur, lui aussi rescapé des persécutions antisémites. Selon M. Wancier, une seule autre école porte le nom d'enfants morts victimes de la Shoah, dans les Pyrénées Orientales.