Alors que l'Opéra de Toulon est en plein chantier de rénovation, la direction a annoncé aux représentants du personnel le licenciement, à la fin de la saison, des 21 membres du chœur permanent. Un "tsunami" au sein de l'institution.
La mauvaise nouvelle est tombée une demi-heure avant le début d'un concert de Wagner. L'orchestre s'apprêtait à jouer ce soir-là au Palais Neptune à Toulon dans le Var, en raison du chantier qui bat son plein à l'opéra. Un coup de fil de Richard Garnier, chanteur lyrique et représentant du personnel, informe alors les musiciens que les 21 membres du chœur vont tous être licenciés.
C'est un choc énorme, un tsunami. On ne s'attendait pas à une décision aussi brutale, tranchante.
Richard Garnier, chanteur et délégué du personnel du chœur de l'Opéra de Toulonà France 3 Var
Selon son récit, jeudi dernier, à l'issue d'un conseil d'administration, le directeur de l'opéra a "pris la parole pour nous annoncer que, pour des raisons budgétaires, le chœur allait être licencié".
"Nous n'avions pas les documents en attestant, mais la direction a affirmé que 'le chœur n'était pas viable'", continue Richard Garnier. Ce dont il est loin d'être convaincu : "L'été dernier, nous avons fait une production qui a coûté très cher. 'Le million !' était la blague qui circulait à l'opéra. Cela aurait causé un déficit de 100 000 euros. Mais avec les bénéfices accumulés pendant la période du Covid, le solde serait toujours positif", estime le représentant du personnel.
Des travaux de rénovation pour 39 millions d'euros
Pour l'Opéra Toulon Provence Méditerranée, la saison 2024/2025 se déroule "hors les murs". Le Théâtre de la place Victor Hugo, bâtiment historique, est en pleins travaux de rénovation. 39 millions d'euros sont investis pour sa réhabilitation. Un chantier qui suscite la fierté de la ville :
🔔 Cure de jouvence pour l'Opéra de #Toulon ✨
— Ville de Toulon (@VilleDeToulon) January 9, 2025
Le saviez-vous ❓ Il faudra attendre 2027 pour que l’opéra retrouve son lustre d’antan 💃 pic.twitter.com/EYWWbRlvII
Mais le chœur, fondé il y a plus de 40 ans, ne connaîtra pas le lustre retrouvé de l'opéra. "Il y a quelques mois", poursuit Richard Garnier, "la direction nous disait qu'elle allait recruter deux chanteurs. Puis plus rien. Quand je posais des questions sur la pérennité du chœur, on ne me répondait pas".
La direction de l'opéra n'a pour l'heure pas répondu aux sollicitations de France 3 pour apporter des explications. La Métropole Toulon Provence Méditerranée a quant à elle fait savoir qu'elle ne réagirait pas. Si l'on parle de "raisons budgétaires", certaines voix, en interne, évoquent d'autres dysfonctionnements au sein de l'institution, parlant même d'une "ambiance délétère".
"Le licenciement du chœur ? On en parle depuis 10 ans", lance, sous couvert d'anonymat, une salariée administrative aujourd'hui en arrêt maladie. Elle estime avoir été victime "du service des Relations Humaines et des Finances, comme d'autres personnes. Des gens qui sont partis, parce qu'ils n'en pouvaient plus".
La famille "opéra" ébranlée
Quoi qu'il en soit, l'annonce de ces licenciements a provoqué une vive émotion au sein des équipes de l'opéra. Et notamment parmi les musiciens de l'orchestre.
"Nous venions de recevoir une délégation du chœur", explique, au micro de France 3 Var, Natacha Sedkaoui. Elle est violoncelliste et membre du conseil musical de l'opéra. "Nous étions sur le point de proposer une programmation avec les chanteurs, pour qu'ils soient visibles, pour dire que ce n'est pas parce que l'opéra est en travaux qu'on n'existe pas".
L'opéra, c'est une famille. Quand on apprend ça, c'est comme si on nous amputait d'un membre de la famille.
Natacha Sedkaoui, violoncelliste, membre du conseil musical de l'opéra de Toulonà France 3 Var
À la question de savoir si les musiciens sont inquiets pour l'avenir, la violoncelliste répond : "Je suis inquiète pour la culture en général. Les musiciens sont dépositaire d'un patrimoine, ils transmettent les chefs-d'œuvre. Je vais beaucoup dans les écoles. Pour beaucoup d'enfants, la musique vient des écrans. Mais dès que je fais un son, ils vibrent ! Les machines ne remplaceront jamais l'art vivant".
À VOIR : Visitez l'opéra de Toulon, lieu d'art et de musique
Désormais, les représentants de personnel attendent d'en savoir davantage sur les licenciements des chanteurs, prévus "à la fin de la saison", en juin. Dès cette semaine, un comité d'entreprise extraordinaire devrait leur apporter quelques réponses, notamment sur l'éventuelle ouverture d'un PSE, plan de sauvegarde de l'emploi.
Et peut-être quelques explications sur ce qui reste, pour eux, difficile à accepter. "Tous les chœurs permanents de France, de taille équivalente au nôtre, recrutent", argumente Richard Garnier. "C'est incompréhensible".