C'est une pêche peu commune qu'ont effectué les gendarmes du Var. Il y a quelques jours, ils ont perquisitionné chez un habitant qui tentait de revendre sur Internet plus de 300 objets issus de détection sous-marine, dont une cinquantaine de pièces de monnaies anciennes ou antiques. Une pratique très strictement encadrée.
C'est en menant une veille active sur Internet et sur les réseaux sociaux que les gendarmes de la Brigade nautique du Lavandou ont permis d'éviter une vente illégale.
Grâce à leurs recherches, ils ont repéré sur la plateforme Leboncoin des annonces de ventes en ligne de monnaies anciennes, trouvées à l'aide d'un détecteur de métaux.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la "pêche" va s'avérer fructueuse. Lors d'une perquisition menée au domicile du vendeur, les gendarmes découvrent un véritable petit trésor sous-marin.
En tout, plus de 330 objets métalliques, dont 49 s'avèrent être des monnaies anciennes ou antiques.
Les gendarmes découvrent également divers objets susceptibles d’intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie.
Après enquête, il s'avérera que les deux individus, adeptes de la recherche sous-marine grâce à un détecteur de métaux, pratiquent malheureusement dans l'illégalité.
Ils réalisaient des recherches de biens culturels et archéologiques sans autorisation préalable de la préfecture et sans que ces découvertes ne soient déclarées.
Brigade nautique du Lavandouà France 3 Côte d'Azur.
Une pratique strictement encadrée
Il faut dire qu'en France, la détection de métaux est légale, mais elle est strictement encadrée par la loi. Ainsi, l'article L542-1 du Code du Patrimoine stipule que « Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche. »
Dans ces conditions, comme le précise le site spécialisé La Boutique du Fouilleur, c'est uniquement la détection archéologique qui requiert une autorisation préfectorale qui ne sera accordée qu'à des professionnels de l'archéologie.
La détection de loisir, elle, est parfaitement légale à condition de détecter avec l'autorisation du propriétaire et également de déclarer toute découverte datant d'avant 1875 ou afférente aux deux conflits mondiaux.
Des gendarmes spécialement formés
Il faut dire que les gendarmes du Var, mais aussi des départements voisins, sont sur leurs gardes. Et ont été spécifiquement sensibilisés au cours des dernières années pour traquer ce genre de pratique illégale.
La DRAC - Direction régionale des Affaires culturelles - a formé plusieurs gendarmes de la région, pour qu'ils puissent faire de la détection sur les sites de vente ou d'échanges. Après signalement et échange avec les spécialistes en numismatique ou en archéologie, on décide si une perquisition est nécessaire.
Capitaine Coquil, Communication de la Gendarmerie de PACAà France 3.
Des pièces confiées à la DRAC
Dans ce cas précis, la brigade nautique du Lavandou a donc dû faire un tri parmi toutes ces trouvailles sous-marines.
Les objets en rapport avec l'histoire ont été remis à la Direction régionale des affaires culturelles. Les autres pièces ont quant à elles été restituées à l’intéressé.
La détection illégale d'objets peut faire l'objet d'une contravention de 5ᵉ classe, avec à la clé une amende pouvant aller jusqu'à 1 500 euros.
Le trésor de Lava
Une affaire qui n'est pas sans rappeler, toutes proportions gardées évidemment, la rocambolesque découverte du trésor de Lava, en Corse. Sans doute le plus fabuleux trésor jamais découvert en France.
En 1986, alors qu'ils pêchent les oursins, le jeune Felix Biancamaria et son frère font une incroyable trouvaille dans une crique du golfe de Lava, près d'Ajaccio : des centaines de pièces d'or.
Des monnaies de toutes tailles, à l'effigie de quatre empereurs romains.
Au total, ils en ont remonté plus de 600 du fond de l'eau... mais se sont bien gardés de déclarer leur découverte.
Grisés, les deux frères en revendent une grande partie à des numismates parisiens, et empochent de substantifiques bénéfices. Ils mènent alors grand train et s'achètent, de leurs propres aveux, des voitures, des bateaux, des montres...
Mais des années plus tard, la justice les rattrape. En 1995, ils sont condamnés une première fois à 18 mois de prison avec sursis, et à une amende pour détournement d'épave.
En 2010, une suspicion de reprise du trafic d'éléments du trésor donne lieu à une nouvelle enquête, et à la surveillance des deux frères.
Un nouveau procès à Marseille en 2024
Mais c'est une autre pièce du trésor, la plus spectaculaire, qui va les emmener en 2024 de nouveau derrière les tribunaux : un plat en or massif datant du 3ᵉ siècle après J.C., et estimé entre 1 et 7 millions d’euros.
- Reportage en 2024 :
Le 29 janvier 2024, Félix Biancamaria comparait devant le tribunal correctionnel de Marseille. Avec au cœur de ce nouveau procès, une question cruciale: quel est le lieu précis où a été découvert le fabuleux trésor ?
Un trésor découvert en mer... ou sur terre ?
Pour Félix et ses avocats, désormais, la ligne est claire : ce trésor a été trouvé sur terre, car selon eux, aucune épave, ni ancre ni chaînes, n'ont été trouvés dans la crique corse, malgré de nombreuses recherches. Si le trésor a été enfoui sur terre, dans ce cas, l'inventeur du trésor, comme on l'appelle officiellement (en l'occurrence Félix Biancamaria) pourrait légitimement prétendre à 50% de sa valeur.
Mais pour les services archéologiques et l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) , qui tentent de reconstituer ce trésor depuis des décennies et y voient un bien national inestimable, c'est bien en mer qu'il a été trouvé. Dans ce cas, il appartient bien à 100% à l'État français.
Le 27 mars, le tribunal correctionnel de Marseille a rendu sa décision : Felix Biancamaria a été condamné à 12 mois de prison avec sursis pour "recel de biens culturels maritimes". Il a immédiatement annoncé faire appel de ce jugement. Affaire à suivre donc !