Dix grandes agglomérations, dont Lyon, entreront, au 1er janvier 2015, dans le club très fermé des métropoles. Un nouveau statut qui doit faire d'elles les locomotives de la croissance et de l'emploi dans leur région mais aussi les aider à rayonner au-delà de l'Hexagone.
Au 1er janvier 2015, la Métropole de Lyon nouvellement créée se séparera du conseil général du Rhône et absorbera ses compétences: une innovation institutionnelle unique en France.
Avec un périmètre profondément remanié, le département du "nouveau Rhône" dessinera un territoire essentiellement rural en forme de haricot autour des 59 communes de la nouvelle Métropole de Lyon dotée d'un statut de collectivité territoriale à part entière.
Celle-ci cumulera les compétences d'aménagement de la communauté urbaine du Grand Lyon (habitat, voirie, planification territoriale, développement économique, etc.) et celles davantage centrées sur les personnes (insertion, famille, culture, etc.) d'un conseil général.
Le président de la future entité, Gérard Collomb, présenté par certains comme "l'élu le plus puissant de France", en a fait un slogan répété à l'envi: "réconcilier l'urbain et l'humain".
Deuxième agglomération de France après Paris, elle rassemblera 1,3 million d'habitants et disposera d'un budget d'environ 3,5 milliards d'euros, soit autant que la région Rhône-Alpes. L'objectif: faire du Grand Lyon une métropole capable de rivaliser avec Milan, Manchester ou Munich.
La suppression des doublons vise aussi à faire de substantielles économies. Combien?
Le futur exécutif reste muet. "Ca serait irresponsable d'avancer un chiffre mais si on n'en fait pas, ça sera un échec", glisse une proche de Gérard Collomb, maire de Lyon et Président de l'actuel Grand Lyon.
Le seul montant connu, avec celui des emprunts toxiques dont la charge est désormais mutualisée entre Métropole et Conseil général, est celui de la compensation versée par la future entité au nouveau Rhône: 75 millions d'euros par an, fruit d'un gigantesque travail de répartition entre recettes et dépenses des deux collectivités.
Loi "métropole"
Rendue possible par la loi "métropole" du 27 janvier 2014, la nouvelle collectivité démontre "qu'on peut enlever une couche du millefeuille", s'est enthousiasmé le préfet de région, Jean-François Carenco qui souhaite que le cas lyonnais fasse "école".
Rien n'est moins sûr, tempèrent les deux "pères" de cet ambitieux projet, le sénateur-maire (PS) de Lyon et président de la communauté urbaine du Grand Lyon, Gérard Collomb, et le sénateur (UDI) et ex-patron du département, Michel Mercier. Tous deux ont élaboré ce projet en secret avant de le présenter publiquement en décembre 2012. "La métropole est plus un exemple qu'un modèle", avance M. Collomb. Le modèle lyonnais "n'est pas partout reproductible", complète l'ex-garde des Sceaux, Michel Mercier. "Soit on trouve un accord localement et ça marche, soit on n'en trouve pas et ça ne marche pas. Il n'y a qu'à regarder Paris ou Marseille", où les métropoles ne verront le jour que dans un an. "S'il n'y avait pas eu d'accord d'homme à homme, la métropole n'existerait pas",
décrypte le chef de file UDI au Grand Lyon, Christophe Geourjon. Plus sévère, un baron local du Parti socialiste dénonce une "mise en place" "autocratique".
"Fronde"
Car si l'idée même de métropole fait l'objet d'un relatif consensus parmi la classe politique locale, sa mise en application fait débat.
"Il y a une volonté d'aller très très vite, trop vite", déplore le député et patron de l'UMP dans le Rhône, Philippe Cochet qui prédit "des lendemains qui déchantent". Au sein du Grand Lyon, les maires des petites communes de l'Ouest lyonnais (sans étiquette ou divers droite) réunis au sein du groupe "Synergies" mènent la fronde. Ils dénoncent le découpage des circonscriptions électorales et la répartition des futurs conseillers métropolitains qui affaiblira la représentativité des communes et in fine leurs pouvoirs au sein de la nouvelle collectivité. Ironie de l'histoire, ce sont les maires "Synergies" qui ont permis un troisième mandat de Gérard Collomb à la tête du Grand Lyon au printemps après des municipales dévastatrices pour la gauche. Le nouveau conseil métropolitain sera élu au suffrage universel en 2020. D'ici là, l'assemblée issue du vote communautaire de 2014 continuera de siéger. Autre épine dans le pied de la Métropole, les agents de la future collectivité (8.700) ont manifesté contre la nouvelle organisation de leur temps de travail. Face à ce défi administratif et institutionnel, la Métropole devrait connaître deux années de transition jusqu'en 2017 et l'une de ses gageures sera de rencontrer les citoyens, ces "Grands Lyonnais" que ce big bang territorial laisse indifférents.
Ce défi tient au coeur de Gérard Collomb et permettrait à ce baron du PS exclu des différents gouvernements socialistes de réussir localement là où François Hollande a échoué nationalement.
Qu'est ce que cela va changer?
Le territoire sera modifié
Le territoire de la Métropole de Lyon sera celui de l'actuelle Communauté urbaine de Lyon. Il regroupera les même 59 communes. En revanche, la superficie du département du Rhône, qui sera rebaptisé Nouveau Rhône, passera de 3.249 km² à 2.715 km². Il regroupera 429.000 habitants, soit 75% de moins qu'aujourd'hui. Ce qui en fera le 53e département français en termes de population.
La Métropole aura de nouvelles compétences
L'aménagement urbain, le logement et l'habitat, les transports, le nettoyage notamment, qui sont actuellement gérés par le Grand Lyon, seront pris en charge par la Métropole. Les compétences sociales comme le RSA, les personnes handicapées, les personnes âgées, l'éducation (les collèges), aujourd'hui gérées par le Conseil général seront transférées à la Métropole.
Une nouvelle répartition des recettes et des dépenses
En moyenne, le Conseil général du Rhône engrange presque 1,6 milliard d'euros de recette chaque année. «78% tomberont sur la Métropole et 22% reviendront au Nouveau Rhône, indique Michel Soulas, délégué général aux ressources au sein du Grand Lyon. Cela sera la même chose pour les dépenses de fonctionnement.» Sur le 1,4 milliard d'euros déboursés en moyenne chaque année, un milliard (72,8%) sera à la charge de la Métropole. Le reste, un peu moins de 380.000 euros, sera payé par le nouveau Rhône.
Deux tiers de la dette et les emprunts toxiques pour la Métropole
La dette contractée par le département, approchera 884 millions d'euros à la fin de l'année. «Sur les cinq dernières années, plus de 64% des investissements ont été réalisés au profit du Grand Lyon», note Michel Soulas. Par conséquent la Métropole reprendra à sa charge quasiment les deux tiers de la dette en cours. Elle récupérera également à plus au moins long terme l'un des cadeaux empoisonnés, laissés par Michel Mercier, ancien président du département: les prêts toxiques.
Le Conseil général étant la collectivité qui en a le plus contracté (l'emprunt est estimé à près de 400 millions d'euros), l'addition risque d'être salée. «On partage les risques mais aussi les opportunités», lâche Gérard Collomb, espérant négocier si besoin avec la banque Dexia, comme l'a fait Maurice Vincent, ancien maire de Saint-Etienne.
Une dotation annuelle pour le département
Au terme de la ventilation des charges et recettes de fonctionnement, l'épargne nette de la Métropole ressort à 163,7 millions d'euros. Soit un taux de 13%. Celui du Nouveau Rhône est en revanche largement négatif: -44,8 millions d'euros. Afin de préserver un certain équilibre et de faire en sorte que les deux collectivités aient un taux d'épargne net équivalent, la Métropole versera une dotation annuelle de compensation de 75 millions d'euros au nouveau département.