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Mouvement de panique à Juan-les-Pins : comment une rumeur d'attentat se propage sur Twitter

Nicolas Vanderbiest, spécialiste des phénomènes d'influence sur les réseaux sociaux, décrypte pour francetv info les mécanismes du bouche-à-oreille à l'œuvre sur Twitter, après un mouvement de foule qui a fait 70 blessés légers à Antibes dimanche.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des secours sont déployés à Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes), dimanche 14 août 2016, après un mouvement de panique causé par un véhicule pétaradant dans les rues. (MAXPPP)

Antibes, dimanche 14 août, peu avant 22h30. Dans le quartier de Juan-les-Pins, prisé pour ses bars de nuit, c'est la panique : des dizaines de personnes, qui pensent avoir entendu une fusillade, dévalent l'avenue Louis-Gallet(Nouvelle fenêtre) et se réfugient à l'intérieur des établissements encore ouverts. Victimes de coupures ou piétinées, 70 personnes sont légèrement blessées dans la bousculade, rapportent nos confrères de France 3 Côte-d'Azur(Nouvelle fenêtre).

Aucun coup de feu n'a, en fait, été tiré. Selon les premiers éléments de l'enquête, le mouvement de panique a été provoqué par le bruit d'un véhicule pétaradant dans les rues de la ville. Sur Twitter, pourtant, la rumeur d'un attentat a circulé pendant de longues minutes, avant d'être démentie officiellement par les autorités, citées par les médias locaux.

Sur son blog ReputatioLab(Nouvelle fenêtre), Nicolas Vanderbiest, assistant universitaire à l’université catholique de Louvain (Belgique), analyse les phénomènes d'influence sur les réseaux sociaux. Interrogé par francetv info, il décrypte les six étapes du bouche-à-oreille à l'œuvre sur Twitter dans ces situations de confusion.

1Les premiers signaux

Le premier message évoquant un attentat, dont Nicolas Vanderbiest a retrouvé la trace, en utilisant l'interface de programmation de Twitter, remonte à 22h27. Il est l'œuvre d'un jeune homme qui affirme être retranché dans un commerce de Juan-les-Pins après avoir entendu des détonations suspectes.

"Comme lors des attentats de Bruxelles, de Paris ou de Nice que j'ai pu observer, on retrouve, dans un premier temps, des messages très factuels qui relaient une information brute accompagnée d'une localisation, parfois avec un mot-dièse géographique", explique le chercheur à francetv info.

Il n'est d'ailleurs pas étonné que le mot attentat soit employé si rapidement. "Une rumeur n'est jamais basée sur quelque chose de complètement irréel, elle se construit sur une distorsion de ce qui est initialement capté par des témoins directs. Dans l'émotion, des bruits de pétards deviennent une fusillade, un attroupement de CRS une prise d'otage..."

2Les mises en garde

Très rapidement, plusieurs messages invitent les riverains à rester chez eux pour ne pas prendre de risques. Certains alertent également les chaînes d'information en continu afin qu'elles relaient ces avertissements à l'antenne.

Difficile, pour le chercheur, de reprocher leur alarmisme aux internautes. "Sans être psychologue, je crois qu'il est tout à fait humain de partager ce genre de messages dans ces moments-là. Par prudence, on se dit : 'Qu'est-ce qui me dit qu'il ne s'agit que d'une rumeur ?'", juge-t-il. 

Les autorités ne l'entendent pas de cette oreille. Après les attentats de Nice et de Saint-Etienne-du-Rouvray, plusieurs comptes officiels, comme celui de la gendarmerie nationale, avaient invité les utilisateurs des réseaux sociaux à s'abstenir de publier des messages relayant une information non vérifiée.

3Les questions

Dans les minutes qui suivent les mises en garde, de nombreux internautes s'adressent directement aux comptes Twitter des chaînes d'information pour obtenir des détails sur la situation.

Cette démarche a interpellé Nicolas Vanderbiest. "On aurait pu s'attendre à ce que les utilisateurs se tournent vers les comptes officiels du ministère de l'Intérieur ou de la préfecture, mais ils ne l'ont pas fait. Je pense que cela s'explique par l'attitude des chaînes d'information lors des précédents attentats : lors de l'attaque de Nice, par exemple, elles ont évoqué à l'antenne des rumeurs de prise d'otages dans un restaurant avant de les démentir, se souvient le chercheur. Par conséquent, certains se tournent naturellement vers ces sources-là, en estimant que les autorités ne communiqueront que bien plus tard." 

4Le démenti

Un peu plus de vingt minutes après le premier tweet évoquant un possible attentat, le compte de la radio France Bleu Azur dément les rumeurs via une source policière.

"C'est à ce moment-là que le nombre de tweets explose et atteint un pic, raconte Nicolas Vanderbiest. J'avais observé le même phénomène lors de la fausse prise d'otages à Nice : plusieurs messages qui en faisaient état étaient faiblement relayés, jusqu'au démenti officiel(Nouvelle fenêtre) qui, lui, a été massivement partagé." 

Pour le spécialiste, ce type de comportement devrait inciter les autorités à réagir plus rapidement pour démentir les rumeurs sur les réseaux sociaux.

5Les doutes

Malgré ce démenti issu d'une source fiable, certains continuent de penser qu'il y a eu une fusillade, en se basant sur des messages venus de la presse étrangère. Cinq minutes après l'information de la rumeur, le compte Twitter de la chaîne publique russe Russia Today faisait, en effet, état de "coups de feu"(Nouvelle fenêtre) rapportés par des témoins.

"C'est un phénomène récurrent et qui pose problème, juge Nicolas Vanderbiest. Les internautes pensent souvent que les médias savent des choses qui leur sont cachées. En répercutant la rumeur sans être sur place, malgré le démenti, certains médias étrangers donnent du crédit à cette rumeur". Russia Today finira par rapporter à son tour l'infirmation de la rumeur(Nouvelle fenêtre), mais son message sera moins partagé que le premier.

6La fin de la rumeur

Malgré la persistance de quelques messages à tendance complotiste, le démenti de source sûre relayé par France Bleu marque le début de la fin de la rumeur d'attentat à Juan-les-Pins, selon les données récoltées par le chercheur.

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