La charte sur les langues régionales à l'Assemblée... quinze ans après

Quinze ans après avoir été signée avec réticence par une France jacobine, la Charte européenne des langues régionales arrive ce mercredi 22 janvier à l'Assemblée, sous la forme d'une proposition de loi constitutionnelle qui vise d'abord à vérifier l'existence d'une majorité pour la ratifier.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Les députés débattent ce mercredi 22 janvier en fin d'après-midi de la Charte européenne des langues régionales, signée par la France en 1999 mais jamais ratifiée en raison de blocages constitutionnels, qu'une proposition de loi se propose de lever.

Cette charte, destinée à protéger et à promouvoir l'emploi des langues régionales ou minoritaires (dans l'enseignement, les médias, les services administratifs, etc), date de... 1992.

Sur les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe, 33 l'ont signée et 25 l'ont ratifiée


La France l'a signée en 1999 mais elle ne l'a jamais ratifiée.


Le processus a été gelé après une décision du Conseil constitutionnel de juin 1999 estimant la charte contraire à l'égalité devant la loi de tous les citoyens d'une part et au fait que "la langue de la République est le français" (article
2 de la Constitution).

Cette décision n'a pas empêché l'application en pratique du contenu de la charte, à savoir la promotion des langues régionales (basque, breton, catalan, corse, alsacien, créoles d'outremer, etc).

Mais celle-ci s'est faite essentiellement sous l'impulsion des collectivités locales et surtout "sans statut légal", selon le rapporteur de la proposition de loi, le socialiste (breton) Jean-Jacques Urvoas.

"Signalétique ou livrets de famille bilingues, subventions aux écoles associatives... la prise d'initiative la plus anodine peut déboucher sur des mises en cause devant les tribunaux", note-t-il.

"Paradoxalement la France défend la richesse culturelle hors de ses frontières alors qu'elle ferme les yeux sur celle de son propre territoire.

Comment réagirait notre pays si le Canada décidait que son administration ne devrait plus pratiquer partout que l'anglais ?" s'interroge l'écologiste (breton) Paul Molac.

Promise par le candidat François Hollande, la ratification a été relancée par Jean-Marc Ayrault en décembre au moment de la crise bretonne et via le dépôt d'une proposition de loi socialiste pour réviser la Constitution.


Consensus et égalité des citoyens devant la loi

Le texte stipule que "la République peut ratifier la Charte" et est complétée d'une "déclaration interprétative" pour tenir compte des objections du Conseil constitutionnel.

Celle-ci rappelle "l'égalité de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion" et que "l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public, ainsi qu'aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics".

"Il s'agit à la fois de s'assurer d'un dispositif solide juridiquement et de présenter un texte consensuel susceptible de rassurer les plus rétifs de nos collèges", selon M. Urvoas.
Les explications en langue corse par Dominique Moret


Les groupes politique divisés


A l'exception des écologistes, aucun groupe ne semble unanime sur la question.

Apparentée au groupe socialiste, l'une des trois chevènementistes, Marie-Françoise Bechtel, se dit hostile à toute "fragmentation" de la République.

L'opposition la plus forte devrait venir de l'UMP où "la position du groupe est de rester à la Constitution telle qu'elle est, même si il y aura quelques votes différents pour des raisons régionales", selon leur chef de file Christian Jacob.

Le radical de gauche (corse) Paul Giacobbi compte néanmoins sur "50 à 80 députés UMP" favorables.

Les socialistes ont demandé un vote solennel, qui aura lieu le 28 janvier, pour permettre aux députés de se compter.

Il s'agit de vérifier si le texte peut être approuvé par les trois cinquièmes des parlementaires (députés et sénateurs), seuil nécessaire pour modifier la Constitution par la voie du Congrès (réunion des deux chambres à Versailles).

S'il apparaît que la majorité des trois cinquièmes peut être atteinte, le gouvernement proposera alors lui-même ...un projet de loi constitutionnelle.

Pourquoi cette démarche ? Parce que, pour réformer la Constitution, les textes déposés par des parlementaires doivent être obligatoirement approuvés par référendum alors que ceux présentés par le gouvernement peuvent être adoptés soit par le Congrès, soit par référendum.

Le gouvernement n'ayant aucune intention d'organiser un référendum, la proposition de loi ne vise donc qu'à "tâter le terrain".
"Cela obligera à reprendre tout le processus", a regretté l'UMP (breton) Marc Le Fur. Et "quand on connait les impondérables de la vie parlementaire...".
Les langues régionales en France: état des lieux
Encore largement utilisées outre-mer, les langues régionales sont en revanche globalement en déclin en France métropolitaine, notamment en raison du faible taux de transmission familiale, mais résistent grâce aux réseaux d'enseignement bilingue, à leur dimension culturelle et aux médias.

- Alsacien: on dénombre quelque 600.000 locuteurs du dialecte alsacien sur 1,8 million d'habitants, selon l'Association pour le bilinguisme et l'Office pour la langue et culture d'Alsace (OLCA). La proportion de dialectophones concerne 74%
des plus de 60 ans mais 12% seulement des 18-29 ans. Il existe un réseau d'écoles bilingues privées (une dizaine) et plusieurs centaines d'écoles bilingues publiques paritaires.

- Basque: Avec 30,5% de personnes le parlant et/ou le comprenant en 2011 (contre 37% en 1991), l'euskara est en régression au pays basque français. Il est enseigné dans le réseau ikastola (système immersif) et des filières bilingues de l'enseignement privé et public. Il reste vivace notamment dans la musique et le théâtre, dans des festivals.

- Breton: Le nombre de bretonnant actifs dans les quatre départements bretons et la Loire-Atlantique (4,5 millions d'habitants) est estimé à 200.000, un chiffre en baisse car le breton est majoritairement parlé par des personnes âgées. Toutefois, quelque 15.338 enfants étaient scolarisés à la rentrée 2013 dans les filières bilingues. France 3 et des télévisions locales proposent des émissions en breton.

- Catalan: Parlé essentiellement dans les Pyrénées-Orientales et en milieu rural, il est également en déclin.

- Corse: Quelque 90.000 personnes, soit 45% de la population adulte de l'île, déclarent s'exprimer en corse avec des
proches, selon une étude de l'Insee (2004). Mais selon le collectif Parlemu corsu, "s'il y a 50.000 personnes qui parlent bien le corse, au quotidien, cela serait déjà bien". A l'école primaire, trois heures d'enseignement sur la langue et la culture corse sont obligatoires. Dans le secondaire, le corse devient facultatif, après un mois d'essai imposé.

- Flamand: Après une chute accélérée de l'usage du flamand depuis les années 1980, il resterait en Flandre française, selon des statistiques d'associations culturelles, au maximum 20.000 locuteurs réguliers de cette langue et 50.000 occasionnels, surtout des personnes âgées. Depuis 2010, une nette progression de l'apprentissage du néerlandais
s'observe à Dunkerque, Bailleul, Lille et Halluin.

- Occitan ou langue d'oc: La zone de diffusion de cette langue romane est le sud de la France. Selon une étude de 2010, 14% des Midi-Pyrénéens parlent l'occitan suffisamment bien pour avoir une conversation simple et 4% en ont une très bonne maîtrise. Le nombre de locuteurs serait en déclin. Durant l'année scolaire 2011-2012 cependant, le nombre d'élèves bénéficiant de l'enseignement de l'occitan était de 55.318, soit +9,4 % par rapport à la rentrée 2009.

- Polynésie: Bien que la plupart des Polynésiens parlent français, certaines personnes âgées s'expriment uniquement en langues polynésiennes. La plus parlée est le tahitien, à Tahiti mais aussi dans les îles proches. Les langues polynésiennes (reo maohi) sont enseignées en maternelle et en primaire. Dans le secondaire, elles sont proposées
en option.

- Créole antillais: cette langue est largement utilisée au quotidien dans les rapports de travail comme dans les relations amicales. Le créole est enseigné à l'école (du collège au lycée), depuis les années 1980, sous la forme d'une option,
ainsi qu'à l'Université.

- Créole réunionnais: Selon l'Insee, 53% des 800.000 Réunionnais déclarent ne parler que créole dans leur vie quotidienne. C'est la langue régionale la plus utilisée dans les départements d'outre-mer, selon une étude Insee de 2010. Huit Réunionnais sur 10 (âgés aujourd'hui de 16 à 64 ans) ne parlaient que créole dans leur enfance, selon l'enquête. Depuis le début des années 2000, le créole est enseigné à l'école.

- Langues kanak: En Nouvelle-Calédonie, une trentaine de langues sont parlées par quelque 70.000 personnes (chiffres 2009), sur une population de 245.600 habitants. Les langues kanak sont intégrées dans les programmes scolaires du premier degré. Certaines sont également enseignées à l'université de Nouvelle-Calédonie.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information