Bernard Squarcini, l'un des plus hauts responsables policiers en France, poursuivi pour avoir demandé et fait analyser en 2010, en pleine affaire Liliane Bettencourt, les factures téléphoniques d'un journaliste du journal Le Monde pour identifier sa source.
Le procès de l' ancien patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) s'ouvre ce mardi 18 février à 12 heures 30 à Paris.
Le 18 juillet 2010, le quotidien Le Monde publiait un article mentionnant le procès-verbal d'audition de Patrice de Maistre. Le gestionnaire de fortune de l'héritière du groupe de cosmétiques L'Oréal, Liliane Bettencourt, y évoquait ses liens privilégiés avec Eric Woerth, alors ministre du Travail.
Contacté par le directeur général de la police nationale de l'époque, Frédéric Péchenard, Bernard Squarcini avait sollicité la réquisition des factures téléphoniques détaillées de l'auteur de l'article, Gérard Davet, pour identifier sa source.
Ces "fadettes" devaient permettre au patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) de porter ses soupçons sur David Sénat, conseiller de la garde des Sceaux de l'époque, Michèle Alliot-Marie.
Bernard Squarcini, 58 ans, devra répondre du délit de "collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite", passible d'une peine maximale de cinq ans de prison et 300.000 euros d'amende.
Le chef d'atteinte au secret des correspondances par personne dépositaire de l'autorité publique, qui aurait signifié que les conversations du journaliste avaient été écoutées, a finalement été écarté par les juges d'instruction Sylvia Zimmermann et Alain Nguyen-The.
Bernard Squarcini dit avoir agi dans le cadre de la loi de 1991 sur le secret des correspondances, en particulier de l'article 20 qui en autorise le contrôle aux "fins de défense des intérêts nationaux". La violation du secret des sources était donc justifiée en l'espèce, selon la défense.
Mais les juges d'instruction ont estimé que cet article "ne permet en aucun cas de recueillir des données individualisables, visant des personnes déterminées".
Violation "manifeste"
La révélation des déclarations de Patrice de Maistre lors de sa garde à vue "ne pouvait que justifier éventuellement" la saisine de la justice pour violation du secret de l'enquête, ont-ils ajouté. Selon les juges, s'agissant d'un journaliste, "aucun impératif prépondérant d'intérêt public ne pouvait justifier la collecte de ses factures détaillées".
L'ancien patron du renseignement "assume totalement la décision qu'il a prise et il n'entend pas se défausser, ce n'est pas son genre", a déclaré son avocat Patrick Maisonneuve. Pour lui, à la lumière de la loi de 1991, M. Squarcini a agi "en toute bonne foi" et "dans un cadre légal, à la demande de sa hiérarchie".
"Lorsqu'il y a une violation aussi manifeste au sein de l'appareil d'Etat, les investigations sont proportionnelles à l'atteinte au travail des policiers et du
parquet", a affirmé Me Maisonneuve.
L'affaire avait fait grand bruit lors de sa révélation et l'opposition avait critiqué, après sa mise en examen, le maintien en fonction de M. Squarcini, considéré comme proche du président Sarkozy.
Le grand artisan du rapprochement entre la Direction de sûreté du territoire (DST) et la Direction centrale des renseignements généraux, parents de la DCRI, a finalement été écarté de son poste en mai 2012, après le changement de majorité.
"Je suis le seul à qui Manuel Valls n'a rien proposé", a-t-il déclaré dans Libération de vendredi. "J'ai dit au ministre de l'Intérieur de m'appeler en cas de problèmes à l'étranger, mais il ne l'a jamais fait."
Après avoir demandé sa mise en disponibilité début 2013, il a créé une société de conseil en sécurité et en intelligence économique, Kyrnos. Partie civile au procès, M. Sénat a toujours nié avoir transmis le PV au journaliste du Monde. Il est aujourd'hui procureur adjoint près le tribunal de grande instance
de Melun.