50 ans du Parc Naturel Régional de Corse : aux origines du GR20

Ce jeudi, le Parc Naturel Régional de Corse célèbre ses 50 ans d'existence à Corte. Jacky Zuccarelli a travaillé au PNRC de 1974 à 2015. L'ancien chef du service randonnée-montagne revient sur les débuts du GR20 et l'évolution d'un sentier qui a vu sa fréquentation augmenter au fil des années.

Créé sous l’impulsion de François Giacobbi en mai 1972, le Parc Naturel Régional de Corse (PNRC) célèbre ses 50 ans d'existence ce jeudi 13 octobre à Corte.

Embauché au Parc en 1974, Jacky Zuccarelli y a travaillé pendant plus de 40 ans. D’abord guide-moniteur puis chef du service randonnée-montagne à partir de 1997, il a notamment participé à aménager le sentier du GR20. 

"Lorsque j'ai commencé à travailler au Parc, il y avait quatre chefs de secteur et seize guides-moniteurs. Nous étions une petite vingtaine, se souvient le Cortenais parti à la retraite en 2015. Au début, on créait quelque chose. C’était nouveau et génial."

Au moment de souffler les 50 bougies du PNRC, l'ancien guide-moniteur sur le GR20 remonte le temps et pose son regard sur un sentier "fréquenté à l'époque par de rares randonneurs aguerris et des bergers en transhumance".

France 3 Corse : Lorsque vous intégrez le PNRC en 1974, vous faites partie des premiers agents à aménager et à structurer le GR20. Comment se déroulait votre mission ?

Jacky Zuccarelli : Dès le début du Parc, notre première mission a été la concrétisation de l’itinéraire du GR20. À l’origine, c’était l'alpiniste Michel Fabrikant qui avait réalisé le premier tracé. Le Parc avait pris la suite. La première des choses a été de faire les reconnaissances de l’itinéraire, en partant de Calenzana pour arriver à Conca. Après, c’était le balisage et le démaquisage pour l’entretien du sentier. Ensuite, il y a eu la reconnaissance sur le terrain par rapport au nombre d’étapes. On avait fixé une moyenne comprise entre 5 et 7 heures de marche pour chacune d'entre elles.

Vous avez également participé à la mise en place des différents refuges ?  

Deux avaient déjà été construits : un à Campiglione en 1972, l’autre à Petra Piana un peu avant la naissance du Parc. Après, nous avons situé d’autres refuges au fur et à mesure pour pouvoir concrétiser ces étapes. On a suivi toute leur construction. Le dernier qui a été fait est celui de Tighjettu. Le refuge d’Altore avait brûlé et nous avions fait une étape Asco-refuge de Tighjettu, sur la commune d’Albertacce. C’était dans le milieu des années 1980.

Au moment où vous commencez à baliser et structurer le GR, quel était le niveau de fréquentation ?

Aux prémices du GR, on croisait très peu de gens sur le sentier. En Corse, ce n'était pas comme aujourd'hui, très peu de monde faisait de la randonnée. C'est arrivé bien plus tard. Les gens se contentaient de faire des sommets. Les Niulinchi faisaient le Cinto, les Cortenais le Rotondu. Je me souviens d’avoir passé un mois au refuge de Campiglione avec 5-6 personnes maximum. En général, c’étaient des étrangers, surtout des Autrichiens et Allemands. En revanche, il y avait beaucoup de bergers en transhumance. Le refuge de Campiglione a notamment servi d’abri pour les éleveurs du Niolu et des Deux-Sorru. Ils pouvaient faire manger leurs bêtes, les surveiller et dormir là-haut.

Le Parc était à l’origine de la démarche ?  

Au tout début, c’était l'une de nos missions. Nous devions aider les bergers à rénover les bergeries et les casgili. Il y avait une convention tripartite entre le Parc, la commune où se situait la structure et l’éleveur. Le Parc se chargeait avec l'ex-Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt de financer les matériaux, les héliportages et la main-d’oeuvre. Nous avions fait ça pour favoriser la transhumance. Un peu plus de 300 opérations de ce type ont été effectuées par le Parc. Pour nous, c'était génial de travailler sur le GR.

Quand le GR a commencé à se développer, quel était le profil des randonneurs ? 

C’étaient des gens très équipés, aguerris à la montagne. Ils partaient avec des sacs très lourds, de grosses chaussures. C’étaient vraiment des montagnards, surtout les Allemands et les Autrichiens. Par la suite, la randonnée a commencé à connaître un certain engouement et la mayonnaise a pris assez rapidement autour du GR.

À quel moment avez-vous observé un réel changement concernant la fréquentation ?

Ça a commencé dans le milieu des années 1980. Il y avait un peu de monde, mais ce n’était pas énorme. Au début, les gens partaient en randonnée avec des sacs pour une semaine ou 15 jours. Il n’y avait pas de ravitaillement dans les refuges. Après, ça a véritablement changé, notamment quand les randonneurs ont pu se ravitailler dans les refuges. Les gens avaient des sacs moins lourds qu’au début où c’était très difficile. En tant que guide-moniteur, à l’époque, on partait parfois pendant 10 jours avec tout dans le sac. C’était pareil pour les randonneurs.

Comment le Parc s'est-il adapté à cette évolution de la fréquentation ?  

Ce sont surtout les structures qu’il a fallu adapter. Lorsqu’on a commencé à avoir du monde, le refuge de Paliri qui faisait une vingtaine de places est vite devenu obsolète. Petra Piana et ses 28 places également. Pareil à Campiglione. Aujourd’hui, c’est sûr que c’est différent... 

À l’époque, pensiez-vous que le GR pourrait devenir aussi attractif qu'il l'est aujourd'hui ?  

Au début, pas du tout. On se disait qu’on n'aurait que quelques personnes. Puis, au fur et à mesure, on a vu l’ampleur que ça prenait. Qu’on le veuille ou non, aujourd’hui on se mord les doigts mais, au début, nous faisions ça pour faire venir des gens et pour donner un petit coup de pouce à l’économie. Il y avait des emplois à la clé, avec des gardiens et des agents du Parc qui ont ensuite travaillé sur d’autres missions au fur et à mesure du développement de la structure. Il faut reconnaître que le GR a aussi contribué aux finances du Parc. On a donc aussi voulu qu’il y ait plus de monde. Mais là, maintenant, il y en a beaucoup, car tout le monde connaît et parle du GR20. 

Les sentiers "Mare a Mare" et "Mare è Monti" ont aussi été aménagés par le Parc. Ont-ils permis de désengorger un peu le GR ?  

On les a aussi mis en avant sur les salons, avec les sentiers inter-villages. C’était il y a vingt ans. Mais quand les gens arrivaient au stand, ils nous disaient : "bonjour, nous venons pour le GR20". C’était le fleuron et aussi un produit d’appel. Le sentier est à la fois très beau et très difficile. Les gens se disent "j'ai fait le GR, est-ce que je ne pourrais pas faire le "Mare a Mare" ou le "Mare è Monti" qui va être plus facile ?" Il y a d'ailleurs des structures bien équipées. Et, grâce au GR20, les gens viennent de plus en plus pour faire ces deux sentiers-là qui se sont développés dans les années 1980. Après, le GR20 reste le GR20. Sa beauté et sa diversité sont uniques. Sans oublier sa difficulté.

Le côté "défi à relever" ou "record à battre" s'est aussi développé au fil du temps...  

Oui. J'ai vu des gens arriver à Conca et dire "on l'a fait !". Aujourd’hui, vous avez des personnes qui partent sur le GR avec un petit sac et qui le font en trois ou quatre jours. Ils triplent les étapes dans la journée. Ça avant, c’était très rare. Le trail s'est aussi beaucoup développé ces dernières années. Cela a aussi contribué à faire davantage connaitre le GR20. Avant, quand vous disiez que vous étiez corse à l’étranger, les gens répondaient "Napoléon". Maintenant, souvent, ils disent "GR20".

Quand vous voyez la fréquentation du sentier aujourd’hui, quel est votre sentiment ?  

Peut-être que je serai critiqué plus tard mais, pour moi, ce n’est pas une question de surfréquentation. Il faut adapter les structures au monde qui passe sur le GR. Concernant les quotas, cela dépend des sites. Sur le lac de Melo, les gens partent tous des Grotelle, c'est donc peut-être moins difficile à mettre en place. Sur le GR, c'est différent. On peut partir de Calenzana, de Bonifato, d'Asco, des Grotelle, de Verghju, de Soccia etc. Comment voulez-vous qu’on bloque les gens ou qu'on les compte ? Au sein du Parc, il y a des réservations pour les refuges mais beaucoup de gens arrivent sans avoir réservé. Ils ont leur tente. Réguler, c’est parfois plus difficile qu’on ne le pense... 

Que pourrait-on faire selon vous ? Agrandir les refuges ?

Je ne pense pas que la solution se situe uniquement au niveau des refuges, même si certains sont obsolètes et doivent être refaits. Les gens sont aussi contents de dormir sous leur tente. L'important, ce sont donc les sites pour planter les tentes et surtout ce qui concerne les sanitaires. On doit pouvoir accueillir les gens, autour des refuges, avec des toilettes sèches et des douches. En les regroupant, on évite la pollution à différents endroits et le bivouac sauvage. Au tout début du Parc, il n’y avait pas de toilettes, mais il y avait 10 personne par mois sur le sentier. Cela posait moins de problème qu'aujourd'hui. Il faut donc s'adapter même si c’est compliqué.

Le Parc célèbre un demi-siècle d'existence. Quel regard portez-vous sur l'action de ce syndicat mixte dans lequel vous avez travaillé pendant quatre décennies ?

Au début, c’est vrai que nous n’étions pas beaucoup. Néanmoins, nous arrivions à faire nos missions sans problème. Nous étions 20 mais polyvalents. On faisait le terrain mais aussi de l’animation scolaire. On sensibilisait les enfants, on leur montrait les espèces, on leur passait des diapositives. On avait un rôle pédagogique. Après, il y a eu des scientifiques qui se sont occupés des différentes espèces.

Aujourd’hui, c’est différent car les missions se sont élargies. Le Parc est aussi devenu un laboratoire avec la réintroduction des cerfs, les lâchers de mouflons, les études réalisées sur le gypaète. Beaucoup de choses ont été faites sur le plan scientifique. Sans compter qu'il n’y pas que le côté terrain mais aussi tout ce qui relève des dossiers administratifs, des financements européens qui sont assez stricts. Tout ça, c’est quand même un gros travail.

In Tantu consacré aux 50 ans du PNRC :

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