Anniversaire de la mort de Jean Nicoli : "Jean était d'une trempe telle que les Italiens n'ont pas pu lui arracher un seul mot"

Fin août 1943, le résistant Jean Nicoli était sauvagement exécuté par les fascistes italiens, quelques jours avant le début de l'insurrection qui conduira à la libération de la Corse. Comme chaque année, un hommage lui sera rendu ce vendredi à Ajaccio.

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Il y a 81 ans, le résistant Jean Nicoli était condamné à mort par un tribunal militaire italien. Jugé les 27 et 28 août 1943, il sera condamné à être fusillé par les Chemises noires de Mussolini. Il meurt le 30 août à Bastia, à l'âge de 43 ans.

Avant de devenir l'un des protagonistes de la résistance dans l'île, ce fils de petits épiciers originaires de San Gavinu di Carbini avait intégré à 17 ans l'École normale d'instituteurs d'Ajaccio.

Après avoir notamment exercé dans le Nebbiu puis à Sainte-Lucie-de-Porto-Vecchio, il part enseigner au Soudan français (l'actuel Mali) en 1925 avec son épouse Marie-Jeanne. Le couple aura deux enfants, Don Jacques et Francette.

Au cours de ces années passées en Afrique, Jean Nicoli découvre les réalités du colonialisme :

"Il avait un sens aigu de l'injustice, de l'injustice sociale, expliquait sa fille Francette Nicoli, face à notre caméra, en août 1988. Il était de famille modeste. Sa vie coloniale, à la différence de la plupart des coloniaux je crois, lui avait laissé au contraire une envie de se battre encore davantage, comme il l'avait dit dans ses dernières lettres, pour les spoliés de la terre."

Le portrait de Jean Nicoli réalisé par Dominique Moret :

durée de la vidéo : 00h02mn05s
Intervenants : Jérôme Santarelli (ancien résistant) - Francette Nicoli (fille de Jean Nicoli) ©D. Moret - A. Valli - V. Madec

Jean  Nicoli restera neuf ans sur le continent africain. En 1934, l'état de santé de son épouse, elle aussi institutrice, se dégrade. Le couple revient en France. En poste dans une école du XVIIIème arrondissement de Paris, le socialiste Jean Nicoli participe aux manifestations du Front Populaire de 1936 et adhère à la SFIO.

Rentré en Corse en 1937, date à laquelle son épouse décède dans l'île, il est ensuite mobilisé dans le Génie quand la guerre éclate.

Après l'armistice de juin 1940, il participe à la formation des premiers groupes de résistants dans l'Alta Rocca et le Taravu, nouant des contacts avec le Front national afin de trouver des armes.

Fervent opposé à l'irrédentisme prôné par le fascisme italien, il adhère au Parti communiste clandestin fin décembre 1942.

À partir de février 1943, il fait partie des résistants chargés de réceptionner et de distribuer les armes transmises par Alger, via le sous-marin Casabianca et les parachutages dans le cadre de la mission Pearl Harbor. Celle-ci avait pour objectif de préparer un débarquement militaire en Corse afin de libérer l'île de la présence italienne et allemande.

Arrêté à Ajaccio, condamné à Bastia

Désigné responsable à l'armement par le comité départemental du Front national, il fait l'objet d'une première tentative d'arrestation à la Brasserie Nouvelle d'Ajaccio. Une opération au cours de laquelle André Giusti et Jules Mondoloni seront tués par les Italiens.

L'OVRA, la police politique de Mussolini, qui possède sa photo, parviendra cependant à appréhender Jean-Nicoli dix jours plus tard.

Vraisemblablement dénoncé, il se cachait dans la cave d'un immeuble ajaccien situé 3 rue de Solférino. Il est arrêté avec d'autres résistants, notamment Jérôme Santarelli et Jacques Bonafedi.

"Le sous-marin Casabianca devait apporter une cargaison d'armes dans le désert des Agriate, nous étions donc ensemble chez Antoinette et Jacques Bonafedi, relatait Jérôme Santarelli en 1993 face à notre caméra. Un jeune patriote a fait irruption dans la pièce et nous a prévenus que les Italiens étaient en train de cerner l'immeuble. Nous avons aussitôt détruit tous les documents, puis nous avons essayé de trouver une issue. Malheureusement c'était trop tard. Les Italiens m'ont trouvé le premier et l'un d'eux a dit : "non è lui". Ce n'est pas lui. Ils avaient entre leurs mains une fausse carte d'identité avec une photo de Jean Nicoli. C'est comme ça qu'ils se sont rendu compte que ce n'était pas Jean Nicoli qui était, lui, visé. Ils ont continué les recherches et ils l'ont trouvé. Naturellement, ils ont pensé obtenir de lui des renseignements qui leur auraient permis de détruire tout le mouvement. Seulement, Jean était d'une trempe telle qu'ils n'ont pas pu lui arracher un seul mot, d'où les tortures les plus atroces qu'il a dû subir."

Emprisonnés à Ajaccio, les trois hommes seront jugés par un tribunal militaire italien à Bastia. 

"L'organisation avait prévu une tentative d'enlèvement au cours du transfert de Jean Nicoli à Bastia, rappelait Jérôme Santarelli, qui sera condamné avec Jacques Bonafedi à 30 ans de réclusion et à la déportation. Ils avaient même prévu l'endroit, le long de la voie ferrée entre Bocognano et Tavera, où ils auraient pu attaquer le train puis le délivrer. Mais seulement, le transfert s'est fait en camion et en grand secret. On n'a rien pu tenter de ce côté-là."

Les tentatives de recours en grâce de la fille de Jean Nicoli auprès du général transalpin qui commande les troupes dans l'île resteront lettre morte.

Le 28 août 1943, le résistant communiste est condamné à être fusillé dans le dos pour "espionnage militaire".

La nuit précédant son exécution, il écrit, sur un paquet de cigarettes, ce mot à ses deux enfants :

"Tout à l'heure je partirai. Si vous saviez comme je suis calme, presque heureux de mourir pour la Corse et pour le parti. Ne pleurez pas, souriez-moi. Soyez fier de votre papa. Il sait que vous pouvez l'être, la tête de Maure et la fleur rouge, c'est le seul deuil que je vous demande. Au seuil de la tombe, je vous dis que la seule idée qui, sur notre pauvre terre, me semble belle, c'est l'idée communiste.
Je meurs pour notre Corse et pour mon Parti."

D'après le témoignage de l'adjudant-chef italien commandant le peloton d'exécution, il aurait lancé à ses bourreaux chargés d'appliquer la sentence : "Vous me fusillez dans le dos parce que vous n’avez pas le courage de me regarder. Vive la France !" 

Les Chemises noires le décapiteront et mutileront son corps à l'arme blanche. 

Jean Nicoli est sauvagement tué dix jours avant le début de l'insurrection qui conduira à la libération de la Corse.

Ce vendredi, comme chaque année, des cérémonies lui rendant hommage sont organisées en fin de journée à Bastia et à Ajaccio, rue de Solférino, au pied de l'immeuble où il a été arrêté il y a 81 ans.

Dans la matinée, un dépôt de gerbes aura également lieu au quartier des Cannes pour honorer la mémoire d'un autre résistant, Michel Bozzi, exécuté le même jour que Jean Nicoli.

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