Jusqu'au 25 avril se tient une concertation publique d'ampleur, organisée par l'agence de développement économique de la Corse (Adec) : "Ecunumia 2030". Alexandre Vinciguerra, président de l'Adec, répond aux questions de France 3 Corse ViaStella.
Projeter à long terme l'économie corse. C'est le but de la concertation publique, "Ecunumia 2030", lancée par l'agence de développement économique de la Corse (Adec) depuis le 21 mars dernier.
Son but : recueillir au plus près des acteurs de terrain les enseignements permettant une réelle co-construction des politiques publiques en matière de développement économique. Ainsi, ces dernières semaines, neuf séminaires thématiques ont été organisés sur les problématiques suivantes : innovation ; foncier et immobilier économique et accompagnement de l'économie de proximité ; action économique dans les territoires ; coopération, rayonnement et attractivité ; économie sociale et solidaire, insertion et emplois ; lingua è cultura ; financement des entreprises ; écosystèmes productifs.
La première étape de cet exercice prenant fin, Alexandre Vinciguerra, président de l'Adec, répond aux questions de France 3 Corse ViaStella.
Dans quel état est l'économie de la Corse actuellement ?
Alexandre Vinciguerra : On peut avoir une vision très paradoxale de l'économie de la Corse. Elle est très intéressante lorsque l'on regarde le nombre de réservations, la saisonnalité, la reprise économique liée à la saisonnalité. Mais l'économie est aussi quelques fois très inquiétante. Lorsque l'on regarde les aspects sociaux. Les salaires en Corse sont les plus bas de France, le coût de la vie est le plus haut de France. C'est une véritable inquiétude. Ou aussi quand on regarde l'inadéquation entre les besoins des entreprises et les salariés disponibles susceptibles de couvrir ces besoins en personnel. C'est très contrasté, mais c'est la Corse.
Quel est le but de cette concertation publique ?
Alexandre Vinciguerra : On a essayé de faire une co-construction avec les entrepreneurs. Plutôt que de projeter la Corse dans les années 2030 à travers un plan qui aurait été fait par un cabinet de conseil, on a fait exactement l'inverse. C'est-à-dire que l'on a pris le parti, difficile, d'écouter les entrepreneurs, d'écouter ce qu'ils avaient à nous dire, comment ils voyaient l'avenir… Donc on a organisé une dizaine de séminaires, cela a mobilisé plus de 400 personnes et ça a permis de dresser les constats, mais aussi d'imaginer des solutions dans une optique très pratiques. Ce n'est pas une énième stratégie de développement. C'est un schéma de méthode qui devrait nous permettre d'être plus efficaces et plus au service de l'entreprise.
Pourquoi avoir choisi cette forme d'échanges avec les entrepreneurs ?
Alexandre Vinciguerra : Je crois que ça fait partie de ce qui constitue la méthode du conseil exécutif actuel. C’est-à-dire la concertation, la co-construction, l'échange, l'écoute. Souvent, on est bien plus intelligent quand on réfléchit ensemble plutôt que de réfléchir seul au bureau du cinquième étage de l'Adec. Moi, j'ai une grande confiance aux entrepreneurs. Ils construisent leur avenir et nous sommes à leur service. On n'a pas à leur dicter des modes de développement. On doit les écouter et les accompagner.
Quels sont les constats dressés par les entrepreneurs ?
Alexandre Vinciguerra : Les entrepreneurs nous disent que la mobilisation de l'aide publique est très difficile, la mobilisation des financements est très difficile, les actions collectives de filière sont très difficiles et les actions de développement du territoire sont inexistantes. L'idée, c'est de trouver des solutions à l'ensemble de ces problèmes. Des solutions simples, partagées, visibles, qui permettent à chaque chef d'entreprise, ou en devenir lorsqu'on est en phase de création, ou en développement, ou en transmission, de trouver des solutions adaptées aux besoins.
Avez-vous des solutions qui se dessinent ?
Alex Vinciguerra : Bien entendu. Par exemple sur le financement, il y a un recours plus important aux outils financiers. Les chefs d'entreprise préfèrent la plupart du temps une avance plutôt qu'une subvention qui arrive deux ans après leur projet. Ils préfèrent aussi se grouper pour avoir des problématiques communes comme la formation, l'immobilier d'entreprise, l'export, l'énergie, donc on aura certainement des solutions qui tourneront autour d'appels à projet plutôt que de financements subventions administratives. On veut réconcilier le temps administratif et le temps de l'entreprise. Ce ne sont pas les mêmes. Il faut qu'ils se rapprochent. Donc c'est faciliter, regrouper, avoir des actions de filière, avoir des actions de territoire. Il faut être très présent sur les territoires parce que l'économie corse ce n'est pas seulement Ajaccio, Bastia et Porto-Vecchio. C'est tout le territoire et il y a beaucoup de richesses dans les territoires.
Quelle sera la prochaine étape ?
Alex Vinciguerra : Quatre réunions sur les territoires vont être organisées, elles commencent mercredi. Elles se tiendront à Francardo, Figari, Vico et L'Île-Rousse. Ensuite, il y aura des réunions de synthèse avec des comités de pilotage qui allient à la fois les politiques et les entrepreneurs. D'ailleurs, les séminaires thématiques étaient très souvent dirigés par des politiques, y compris des élus de la collectivité de Corse faisant partie de groupes qui ne sont pas dans la majorité. Ça permet d'avoir une vision large des problématiques. Il y aura ensuite un passage devant l'Assemblée de Corse et passage devant le Cesec (Conseil économique, social, environnemental et culturel de Corse). Une fois qu'on aura fait tout ça, on espère une validation de l'État puisqu'il n'y a pas de développement sans financements publics ou privés. Et on a absolument besoin de se concerter pour pouvoir mobiliser des programmes actuels comme le Feder (Fonds européen de développement régional) ou les programmes régionaux ou des programmes contractualisés avec l'État : le contrat de plan État-Région, le PTIC (plan de transformation et d'investissement pour la Corse), le plan d'investissement d'avenir et on espère le plan France Relance qu'on va essayer d'aller chercher et d'adapter à la Corse.