Pour faire face au développement des locations meublées proposées sur des plateformes dédiées, le préfet de Haute-Corse a pris 11 arrêtés visant à réguler la conversion des logements en meublés touristiques dans le Cap Corse. Anne-Laure Santucci, maire de Luri, explique ce dispositif et ses objectifs à France 3 Corse ViaStella.
Barrettali, Cagnanu, Canari, Ogliastru, Olmeta di Capicorsu, Luri, Morsiglia, Nonza, Petracurbara, Pino, Siscu. Ces 11 communes du Cap Corse ont chacune obtenu un arrêté préfectoral autorisant les changements d'usage des locaux d'habitation.
Ce dispositif permet ainsi à ces municipalités de pouvoir réguler la conversion des logements en meublés touristiques. Un dispositif d'ores et déjà utilisé à Paris où un changement d'affectation n'est possible que si le propriétaire compense cette conversion en transformant en locaux à usage d'habitation des locaux commerciaux d'une superficie jusqu'à trois fois plus importante que celle du logement considéré.
Selon les estimations de la communauté de communes du Cap Corse, regroupant 18 villages, ces offres représentent actuellement 70 % du parc locatif. Anne-Laure Santucci, maire de Luri, répond aux questions de France 3 Corse.
- Comment s'est organisée la réflexion de ces 11 communes autour de ce dispositif ?
En analysant les données à notre disposition, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait des trous dans la raquette entre le nombre de locations saisonnières présentes sur nos communes et la somme des taxes de séjour reversée. Il faut savoir que cette taxe de séjour est intégralement reversée à l'office de tourisme de l'intercommunalité afin de faire la promotion d'autres offres locatives.
Avec les plateformes dédiées, tout est déclaratif et nous nous sommes interrogés sur les réponses à apporter. Afin de percevoir des financements à hauteur de la location, nous avons opté pour la régulation. Nous nous sommes rapprochés d'un avocat spécialisé qui nous a informé des outils existants et qui nous a proposé l'instauration de la procédure d'autorisation préalable de changement d'usage des locaux destinés à l'habitation prévue aux articles L.631-7 et suivants du Code de la construction et de l'habitation. Puis nous avons déposé notre demande au préfet de Haute-Corse qui, au vu de la taille des communes concernées, est l'autorisation administrative en la matière et qui a tout de suite compris.
- Quelles compensations comptez-vous instaurer et quels types de locations sont visés par ces arrêtés préfectoraux ?
Ces arrêtés permettent à ceux qui voudraient changer d'usage des locaux d'habitation, après autorisation de la commune, d'obtenir un numéro déclaratif. Ce numéro sera ensuite renseigné directement par le loueur sur les plateformes et la taxe de séjour sera automatiquement payée. Cela permettra aussi à chaque commune de maîtriser les changements et donc l'offre de locations meublées.
Le Cap Corse bénéficie d'une activité touristique attractive grâce à sa localisation privilégiée, mais aussi parce qu'il est situé dans l'aire d'attraction de Bastia. C'est une zone sauvage et l'on voit aussi une sorte de flux migratoire des gens du sud de la Corse ce qui contribue aussi à l'attractivité du territoire. Le but n'est pas de stigmatiser les locations meublées, mais nous souhaitons aussi favoriser d'autres offres comme les hôtels, les campings ou encore les gîtes. Lorsque quelqu'un loue ce type d'hébergement, la taxe de séjour est directement payée et face aux offres déclaratives, on peut parler de concurrence déloyale.
- Comment allez-vous organiser les contrôles ?
Avec ces numéros déclaratifs, nous aurons une liste des locations meublées et ce sera la communauté de communes qui contrôlera. Et si nous nous apercevons que le nombre de ces locations devient incontrôlable, nous réfléchissons à une seconde mesure.
Elle est inspirée de ce qui est déployé dans certaines communes du Pays Basque qui font face aux mêmes problématiques que les nôtres. Elle permet de délimiter à l'intérieur même d'une commune ou d'un hameau des zones qui sont soumises à des zones de tensions. Dans ces espaces, il est parfois impossible pour les habitants de se loger à l'année, et si quelqu'un souhaite y proposer une location meublée, elle est dans l'obligation de disposer d'un logement, de surface égale, à louer à l'année. Ce projet pourrait être étendu dans le Cap Corse dans plusieurs mandatures.
Il faut garder en tête que nous ne visons pas, par exemple, un couple de personnes âgées qui pour arrondir ses fins de mois loue un studio durant un ou deux mois. Nous visons plus les gens qui en font un véritable business. Ceux qui peuvent acheter une dizaine d'appartements dans un immeuble et n'en faire que du locatif meublé.
- Espérez-vous donner l'exemple à d'autres communes ou intercommunalités insulaires ?
Nous avons l'impression d'être innovants dans ce domaine. La problématique que nous rencontrons est la même dans tous les territoires touristiques. Nous sommes confrontés à une non-régulation de ces plateformes au niveau international et on ne peut pas participer à cette expansion. Il ne me semble pas que ce dispositif soit déployé ailleurs en Corse et si nous pouvons servir d'exemple c'est très bien.