Patrick Rébillout, directeur du centre Météo-France d'Ajaccio, était l'invité de Corsica Sera, mardi 18 juillet. Records de chaleur, vigilance canicule ou encore évolution du climat, le météorologiste fait le point sur ce qui nous attend ces prochains jours, voire ces prochaines années.
En Corse, dans l'intérieur des terres, le mercure avoisine les 37, 38 degrés. Ces températures sont-elles très inhabituelles ? Y a-t-il vraiment de quoi s'alarmer ?
Ces températures sont largement au-dessus des normales de saison, 4 à 6 degrés. L'image du dôme de chaleur, c'est exactement ça. C'est un anticyclone qui s'étend sur toute la Méditerranée. Un anticyclone, c'est un peu comme une colline, donc une masse d'air très chaude et avec peu de mouvements d'air dedans qui a tendance à s'écrouler, ce qui ajoute aussi à l'augmentation des températures.
Et il y a aussi un effet de couvercle, par exemple, il fait plus chaud quand vous montez en altitude qu’au niveau de la mer. C’est aussi pour ça que les températures minimales dans les villages, cette nuit [Ndlr : lundi 17 juillet], ont été très élevées. La canicule "orange", c'est aussi ça. C'est-à-dire qu'il fait chaud de jour comme de nuit, avec des températures qui ont du mal à baisser et donc, il y a une souffrance physiologique du corps en quelque sorte.
Nous avons dépassé les normales de saison, mais des records ont-ils été atteints ?
On a battu le record à Renno avec 38,3 degrés. C'est le record absolu. Et on l'a battu aussi à Sampolu avec 37,1 degrés. On a vu ponctuellement des températures au-dessus de 40 degrés sur des stations mais on se donne un peu de recul pour vérifier ces valeurs.
Dix jours consécutifs de canicule, est-ce un record ?
Alors on n'était pas en vigilance orange, on était en canicule "jaune", ça veut dire qu'on était au-dessus des normales saisonnières. Désormais il faut faire attention, et c'est pour ça que la préfecture, d'ailleurs, met en œuvre le plan départemental "niveau 3", parce qu'il y a un danger sanitaire. La nuit, on ne se repose pas, il fait chaud, il faut faire attention dans la journée.
Comment passons-nous d'une vigilance jaune à une vigilance orange ?
La vigilance orange, c'est le calcul d'un indice biométéorologique, qui dépend de la température maximale, la température minimale, aussi des conditions éventuellement d'humilité et c'est aussi contextuel. Quand ces conditions sont réunies sur trois jours glissants, on déclenche la vigilance "orange". Après, il faut savoir que la vigilance "orange" météorologique est aussi construite en liaison avec Santé Publique France pour justement savoir s'il y a des informations dans les hôpitaux qui pourraient aggraver les diagnostics ou pas.
Cette période de chaleur intense ne fait que commencer ?
À ce niveau-là, elle va durer encore demain [Ndlr : mercredi 19 juillet], vous l'avez annoncé, en vigilance "orange". Jeudi encore, mais les températures vont fléchir progressivement jusqu'à samedi, puis remonter à nouveau en début de semaine prochaine. Et sans vouloir être alarmiste, globalement jusqu'à la fin du mois de juillet, on sera au-dessus des normales saisonnières entre 4 et 6 degrés.
Alors ces mois de mai, juin ont aussi été marqués par des périodes alternant pluie et beau temps. Par ailleurs, les épisodes extrêmes d'intempéries et de sécheresse se sont multipliés en Méditerranée. Est-ce qu'on s'oriente vers une tropicalisation du climat ?
Si vous parlez de la mer Méditerranée, oui, elle se tropicalise. Si on parle du climat, non. On reste dans un climat méditerranéen, mais plus contrasté, avec des périodes d'aridité estivale qui vont s'allonger, des épisodes caniculaires qui vont être de plus en plus fréquents. D'ailleurs, depuis les années 60, les canicules ont été multipliées par 5 sur la Corse. Mais "tropical", cela correspond à quelque chose, avec une saison sèche, une saison des pluies, et ça ne sera pas le cas en Méditerranée.
Retrouvez l'intégralité de l'entretien mené par Marianne Romani :