Coronavirus : les règles funéraires en perpétuelle évolution

L’épidémie de covid-19 modifie sans cesse le travail des pompes funèbres et l’organisation des obsèques, en Corse comme ailleurs. Dernier changement en date : depuis le 1er avril, les soins de conservation sont interdits sur tous les corps, par mesure de précaution.
 

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Plus de messe, plus de condoléances aux familles et maintenant plus de soins de conservation des corps : en un mois, l’épidémie de covid-19 a complètement modifié les règles funéraires et donc la façon dont les pompes funèbres travaillent, y compris lorsque les décès ne sont pas consécutifs au coronavirus. 

"Nos conditions de travail sont désormais fonction des mails de la préfecture qui nous précise régulièrement les nouvelles règles, parce que ça évolue sans cesse", explique Jean-Noël Guezurian, des pompes funèbres Falconaja. "Il y a des précisions, des rectificatifs, des changements de politique sanitaire : un jour, on peut entrer dans les églises, le lendemain on ne peut plus; il faut s’adapter".
 

 

Impossible de voir le défunt en cas de covid-19

Exemple pour la mise en bière : pour toute personne décédée de façon avérée du Covid-19, elle doit être réalisée le plus rapidement possible, sans manipulation, par un personnel équipé qui dépose le corps dans une housse hermétique puis ferme le cercueil.
En mars, il était encore possible de montrer à la famille le visage - et uniquement le visage - du défunt, en ouvrant la housse de dix centimètres.
 

C’est un peu violent, mais ce sont des précautions indispensables - Jean-Noël Guezurian


Mais cela a évolué, indique Toussaint Bacci. Selon le gérant des pompes funèbres impériales à Ajaccio, "un nouveau décret interdit désormais toute exposition des défunts covid déclarés, même quelques minutes".
Selon ce décret paru au journal officiel le 2 avril 2020 , "les défunts atteints ou probablement atteints du covid-19 au moment de leur décès font l'objet d'une mise en bière immédiate. La pratique de la toilette mortuaire est interdite pour ces défunts". Le site internet servicepublic.fr est plus explicite : "les proches n'ont donc pas la possibilité de voir le défunt avant la fermeture définitive du cercueil".
 


Plus aucun soin de conservation pour tous les corps

C’est ce même texte qui proscrit désormais et jusqu’au 30 avril au moins, les soins de conservation (injections de liquide conservateur et antiseptique) sur tous les corps, et plus seulement sur les défunts ayant été diagnostiqués covid-19.
Cela a de lourdes conséquences sur l’organisation des obsèques. "Tout doit aller très vite, les obsèques ont parfois lieu 24 heures après le décès", indique Jean-Noël Guezurian"Cela signifie aussi qu’on ne peut plus laisser les corps au domicile, comme cela se fait beaucoup ici", précise François Mazzieri, des pompes funèbres Mazzieri à Cervione. "On présente le défunt, et on l’emmène à la chambre funéraire". 
 

Décret du 1 avril dernier, venu compléter le décret initial, du 23 mars dernier


Les crémations à huis clos

Autre changement, les crémations se font à huis clos.
Au crématorium de Bastia, comme dans tous les crématoriums gérés par le groupe OGF,  plus aucun public n’accède à l’intérieur du bâtiment.
"Désormais, même le parking est interdit aux civils", indique le patron des pompes funèbres Falconaja.

"Les familles ne peuvent même pas venir chercher l’urne. C’est nous qui assurons la transition, nous leur remettons les urnes par la suite. C’est un peu violent, mais c’est une précaution indispensable", ajoute Jean-Noël Guezurian qui précise : "On travaille tous avec la peur au ventre, d’autant que nous ne sommes pas considérés comme des personnels prioritaires. L’Etat ne nous fournit pas d’équipements et nous ne pouvons même pas en acheter puisqu’il n’y en a nulle part; heureusement, on en avait un peu en stock".

 

 

Nous attendons toujours d’être considérés comme ce que nous sommes : des personnels à risque - Toussaint Bacci


Or, on sait aujourd’hui que le risque infectieux ne disparait pas avec la mort : la manipulation d'un corps peut exposer le personnel qui le manipule; "Je n’ai pas été confronté à des cas de covid déclarés", dit encore Jean-Noël Guezurian, "mais même des gens décédés pour d’autres causes peuvent être porteurs du virus. C’est la raison pour laquelle les soins de thanatopraxie ne sont plus pratiqués sur personne à une exception près : les pace makers; ils doivent toujours être retirés des corps, dans tous les cas, pour des raisons environnementales".

Le manque d'équipement préoccupe aussi le gérant des pompes funèbres impériales d’Ajaccio. "Nous attendons toujours d’être considérés comme ce que nous sommes : des personnels à risque", déplore Toussaint Bacci. "Quand on intervient dans un ehpad, ce qui arrive très souvent, nous devons autant protéger ses occupants que nous protéger. L'Etat nous a donné 50 masques il y a dix jours, nous sommes sept dans l’entreprise... On est obligés de se débrouiller".

 


Enterrements : Stricte intimité dans tous les cas

Puisque les églises et autres lieux de cultes sont interdits au public, il faut également se débrouiller pour organiser des cérémonies, à l’extérieur; "Ça se limite en général à des bénédictions en très petit comité devant l’église ou plutôt au cimetière", note François Mazzieri.
"On explique aux familles que c’est la stricte intimité qui prévaut", souligne encore Jean-Noël Guezurian. "Dans les villages, une cérémonie d’adieux peut être organisée sur le parvis, le cercueil est sur des présentoirs, les quelques personnes sont espacées d’1,50 mètre".
 

Ne pas pouvoir embrasser sa mère une dernière fois, c’est terrible - Jean-Noël Guezurian


Les funérailles dans un cimetière sont limitées à 20 personnes - employés des pompes funèbres compris. Les proches ne peuvent pas toucher le cercueil et doivent observer les gestes barrières. Par ailleurs tout rassemblement consécutif aux obsèques est interdit.
"Pas mal de gens le vivent mal", constate Toussaint Bacci, "ils aimeraient enterrer leurs proches avec plus d’égard, ils se sentent privés de leur deuil, c’est très dur".
 

"Les gens acceptent tout ça parce qu’ils n’ont pas le choix, mais aussi parce qu’il y a la crainte du virus" estime Jean-Noël Guezurian. "Ne pas pouvoir embrasser sa mère une dernière fois, c’est terrible, mais nous, les pompes funèbres, nous devons dissuader les gens de le faire, même quand c’est au domicile et qu’il ne s’agit pas d’un covid déclaré".

Les familles qui souhaitent organiser des obsèques conformes au souhait du défunt peuvent demander un report des obsèques pendant six mois sous couvert d’accord du préfet.
Cela implique de placer le corps dans un cercueil hermétique métallique jusqu'aux obsèques dans un caveau provisoire. Les différentes entreprises de pompes funèbres que nous avons contactées n’ont pas eu de demande en ce sens, sauf dans des cas de personnes décédées en Corse, mais désireuses d’être inhumées dans leur pays d’origine.





 
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