Dimanche à Corte, une réunion a posé les bases d’un nouveau collectif composé de jeunes de gauche. Qualifiée de "transpartisane" par ses représentants, cette nouvelle structure a vocation à "peser dans le débat public".
"On a acté le principe de la création d'un collectif de jeunes engagés à gauche. Les statuts ne sont pas encore faits mais cela ne saurait tarder".
Étudiant à Sciences Po Paris, Lisandru Laban-Giuliani est également président du groupe Avvene Ghjustu è Resiliente à l’Assemblea di a ghjuventù. Avec les membres de son groupe, le jeune homme de 21 ans est à l’initiative de la création de ce collectif qui "devrait s’appeler Ghjuventù di manca".
Dimanche 26 juin, à Corte, une trentaine de jeunes à pris part à une réunion dont le but était de poser les bases de cette nouvelle structure. "Le collectif réunit des jeunes de 17 à 28 ans issus de différents partis de gauche et/ou nationalistes et d’associations qui se reconnaissent dans les valeurs de la gauche", souligne Lisandru Laban-Giuliani.
Au sortir de la réunion, il a répondu aux questions de France 3 Corse.
France 3 Corse : Pourquoi avez-vous décidé de créer ce collectif ?
Lisandru Laban-Giuliani : Avec plusieurs camarades et amis, nous avons fait le constat aberrant que la gauche est sous-représentée sur la scène politique. Pourtant, beaucoup de jeunes se reconnaissent dans les valeurs de la gauche de rupture, écologiste, féministe, sociale et antiraciste. Ils sont nombreux à avoir envie de s’y engager et d'y militer.
Outre l’urgence climatique contre laquelle nous ne sommes pas assez armés, on constate que l’urgence est aussi politique et sociale. Notamment quand on voit les scores de l’extrême droite en Corse aux dernières élections présidentielles. Il n’y a donc pas vraiment de représentation de cet engagement des jeunes pour des valeurs de gauche. C’est donc pour cela que nous avons décidé de nous réunir et de nous organiser pour structurer une lutte commune.
À gauche, ce constat est-il partagé par beaucoup de monde ?
Que ce soit dans les associations environnementales, dans les associations féministes ou dans celles pour les droits des travailleurs, nous sommes très nombreux mais nous ne sommes pas structurés. Certains camarades présents ce dimanche à Corte ont dit que par manque de communication entre les différentes structures de gauche, ils avaient du mal à savoir quand une manifestation avait lieu. Et quand ils l’apprenaient, elle était déjà passée… Du coup, nous avons voulu nous réunir pour permettre à chaque jeune, de manière indépendante, de rejoindre ce collectif. L’idée étant de pouvoir avant tout se parler, se connaître, puis s’organiser pour mener ces luttes qui nous semblent non pas nécessaires mais indispensables et vitales.
Concernant l’état de la gauche, faites-vous le même constat au niveau national qu’au plan régional où elle n’est plus représentée à l’Assemblée de Corse ?
On constate aussi que la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et social, ndlr) ne s’est pas faite en Corse et que donc l’union de la gauche n’y a pas vu le jour. C’est très regrettable car nous avons tout intérêt à être unis face aux différents enjeux. On remarque également que les partis de gauche français qui ont chacun leur branche en Corse ont beaucoup de mal à attirer la jeunesse et à progresser. On dit aussi que ça doit venir de Corse. Il y a aussi cette volonté parmi la jeunesse d’agir ensemble et de dépasser certaines querelles partisanes qui peuvent exister. Au sein du collectif, on a des positions divergentes sur certains points. Mais celles-ci sont finalement très minoritaires en comparaison de celles qui nous rassemblent.
Entre vous, quel est le principal point de divergence ?
Au cours de cette réunion, on a eu des discussions sur les questions relatives à l’autonomie de la Corse. Notre collectif rassemble des personnes issues de différents partis et associations de gauche et/ou nationalistes. Parmi les nationalistes, il y a des gens qui sont à gauche. Parmi les gens de gauche, certains sont ouvertement autonomistes alors que d’autres sont plus méfiants. On a eu de vraies discussions riches et intéressantes sur cette question de l’autonomie. Là où on converge tous, c’est sur les évolutions institutionnelles de l’île à venir. Dans le processus de négociations actuels, elles doivent se faire dans l’intérêt des Corses pour servir un véritable projet social, écologiste et antiraciste.
Les discussions sur l'avenir institutionnel de l'île devraient bientôt s'ouvrir à Paris. L'occasion aussi de faire passer le message de Ghjuventù di manca et de tenter de peser dans le débat public ?
L’exécutif territorial a parlé d’inclure les forces vives. Aujourd’hui, le constat que nous faisons, c’est que ces forces sont surtout à gauche. Nous étions 30 ce dimanche à Corte et nous serons 50, puis 100 demain. Ce serait donc une erreur de ne pas écouter ce que l’on dit et la voix que l’on porte. Car c’est aussi l’opinion d’un très grand nombre de jeunes qui ne sont pas bien représentés.
"Nous ne sommes pas là pour créer un parti. Nous ne sommes pas dans une vision électoraliste."
Lisandru Laban-Giuliani
Des premières actions sont-elles déjà prévues par le collectif ? Quelles formes pourraient-elles prendre ?
On n’a pas encore acté cela mais on veut battre le fer tant qu’il est chaud. On veut donc mener des actions dès le mois de juillet.
Concernant la forme qu'elles auront, il va d’abord falloir exister sur les réseaux sociaux et parler à la jeunesse qui n’est pas assez politisée et sensibilisée à ces questions indispensables. Nous serons aussi présents sur le terrain en allant à la rencontre des gens pour là aussi les sensibiliser. On participera aussi à des manifestations. Pendant la réunion, on a pu voir qu’il y avait une vraie imagination parmi les militants présents pour mobiliser de toute sorte, alerter les consciences et mettre les pouvoirs publics face à leurs contradictions.
Plus tard, ce collectif pourrait-il déboucher sur la création d’un parti ?
Nous ne sommes pas là pour créer un parti. Nous ne sommes pas dans une vision électoraliste. Il n’y a pas d’élections à venir d’ici un bon moment. Lors de cette réunion, on a également dit que les engagements respectifs de chaque personne au sein d’un parti ou d’une association sont complémentaires avec l’engagement au sein de ce collectif qui a vocation à inclure beaucoup de gens. L’idée est d’être sur un autre échelon que celui de la bataille électorale. Pour nous, il s’agit vraiment d’aller convaincre les gens, agir sur les mentalités et leur faire comprendre qu’il y a urgence à bien des égards. Les problèmes qu’ils affrontent sont collectifs et on peut apporter des réponses.