Amiante dans les écoles : au moins 21 établissements concernés en Corse

Deux journalistes de la série d'investigation "Vert de rage" sur France 5 ont enquêté sur la présence d’amiante dans les écoles françaises. Réalisée sur un échantillon de 19 331 établissements scolaires, leur étude révèle que plus de 5 500 structures de la maternelle et du primaire contiendraient des traces de ce minéral fibreux cancérogène. En Corse, dans ce même panel, ce sont 27% des écoles de l'île qui seraient impactées.

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Pendant près d'un an, deux journalistes d’investigation de l’émission "Vert de rage" de France 5 ont recensé la présence d’amiante dans les écoles françaises.

En mettant à jour les données déjà collectées en 2016 par l’Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement (ONS) où 30% des écoles avaient été passées au crible, Mathilde Cusin et Martin Boudot ont élargi ces données en contactant "toutes les écoles et les mairies qui ne faisaient pas partie de ce premier recensement".

Au total, sur les 50 936 écoles primaires et élémentaires que compte le pays, les informations ont été actualisées pour 19 331 d’entre elles. Ce qui correspond à "38 % d'exhaustivité", dixit les auteurs de cette étude.

Ci-dessous, le détail des résultats pour les 19 331 établissements concernés : 

  • 5 507 contiennent des matériaux amiantés
  • 4 768 n’en ont pas
  • 3 752 ignorent le statut amianté ou non de leur établissement alors que leur école a été construite avant 1997, et qu'elles ont donc l’obligation d’établir un Diagnostic Technique Amiante (DTA)
  • 4 381 écoles ou des mairies qui ont la responsabilité des bâtiments ont refusé de répondre

"D’après notre enquête, sur notre seul échantillon de 19 331 écoles, 28,4 % des écoles françaises contiennent de l’amiante, indique l'équipe de "Vert de rage". Mais ce chiffre est largement sous-estimé. Il est bien plus facile pour un établissement construit après 1997 ou ne contenant pas d’amiante de nous répondre. Ceux qui en ont contiennent semblent préférer ne pas nous répondre."

Autrefois très présent dans le BTP, l’amiante a été particulièrement utilisé dans la construction des écoles dans les années 1960 en France. 

Fines et invisibles à l'oeil nu, les fibres peuvent se déposer au fond des poumons et provoquer des maladies respiratoires graves.

“Plus les enfants sont jeunes, plus ils ont de facteurs de risque, explique Alain Bobbio, président d’Andeva, principale association des victimes de l’amiante. Le premier facteur, c’est que leurs défenses immunitaires sont plus faibles et ils ont des voies respiratoires plus proches du sol du fait de leur taille.”

C’est dire si la présence de cette substance extrêmement toxique dans les établissements scolaires représente un sujet aussi sensible que tabou. En témoignent les demandes des journalistes d’investigation de "Vert de rage" qui sont souvent restées lettre morte auprès des autorités compétentes.

"La majorité des mairies n’ayant pas répondu à notre enquête, ces chiffres sont très probablement sous-estimés", expliquent-ils.

Et d’ajouter : "pour les 100 plus grandes villes françaises, nous sommes entrés en contact avec leur service presse, communication et cabinet. L'objectif était d'obtenir des résultats précis pour l'ensemble de leurs écoles. 93% de ces villes n'ont pas souhaité répondre à notre enquête."

Utilisation interdite en France depuis 1997

En France, l'exposition professionnelle à l'amiante serait responsable de près de 2 200 nouveaux cas de cancers et 1 700 décès chaque année, selon des estimations de l'Institut national de veille sanitaire (INVS). L’organisation mondiale de la santé (OMS) précise que l’inhalation "d’une seule fibre peut provoquer un cancer".

Interdite dans une soixantaine de pays dans le monde, l’utilisation de ce minéral fibreux cancérogène est proscrite dans toutes les constructions en France depuis juillet 1997.

Pour les écoles bâties avant cette date, il est obligatoire de réaliser un Diagnostic Technique d’Amiante (DTA). Parmi les 19 331 établissements concernés, 10 377 détiennent un DTA. Selon l’étude, 52% d’entre eux contiennent de l’amiante.

"Cela signifie que dès qu’un DTA est réalisé, on retrouve de l’amiante dans une école sur deux », soulignent les journalistes de Vert de rage qui rappellent que "n’importe quel parent dont l’enfant est scolarisé peut exiger de consulter auprès de la directrice ou directeur d’établissement le DTA".

D’après une étude réalisée par l’ONS en 2016, plus de 85% des établissements possédaient au moins un bâtiment construit avant 1997, et étaient donc susceptibles d’être concernés par la présence d’amiante.

Au moins 21 écoles en Corse

D'après ce nouveau recensement, la Bretagne est la région la plus touchée. 37% des établissements bretons contiendraient de l'amiante. L’Île-de-France suit avec 36%. L’Occitanie est quant à elle la région la moins exposée (21%°).

"Ces chiffres correspondent au pourcentage d’écoles contenant des matériaux amiantés, parmi les établissements pour lesquels nous disposons d’informations", précisent les deux journalistes.

Selon eux, en Corse, 27% des établissements de la maternelle et du primaire seraient impactés.

"D’après notre enquête, en 2023, au moins 21 écoles contiendraient des matériaux amiantés", indique la journaliste Mathilde Cusin au sujet de l’île. Seules 9 d’entre elles ou les mairies qui en ont la responsabilité administrative l’ont reconnu lors de nos échanges. Au total, 12 écoles qui contiendraient de l’amiante n’ont pas répondu, malgré nos demandes auprès des chefs d'établissements et des mairies qui en ont la responsabilité administrative."

Sur ces 21 établissements où la présence d'amiante est attestée, 13 se situent en Corse-du-Sud, 8 en Haute-Corse.

Par ailleurs, sur les 261 écoles que compte l'île, "182 n’ont jamais répondu, malgré [les] demandes auprès des chefs d’établissement ou des mairies qui en ont la responsabilité administrative", font remarquer les deux auteurs de l’étude. "Nous n’avons pas pu savoir si ces établissements contiennent des matériaux amiantés ou non", ajoutent-ils.

L’équipe de "Vert de rage" souligne cependant la transparence de sept villes parmi les cent plus grandes de France qui ont fourni des fichiers actualisés avec la liste des écoles contenant des matériaux amiantés ou non. Ajaccio figure dans la liste avec Paris, Strasbourg, Antibes, Nice, Quimper et Reims.

"La ville d’Ajaccio nous a donné par téléphone le détail de la présence d'amiante pour chaque école avec beaucoup de détails. C’est un exemple rare de transparence", soulignent les deux journalistes d’investigation.

Prélever et désamianter

Depuis le 7 juillet 2020 et la dissolution de l'ONS, plus aucun recensement officiel du nombre d'écoles contenant des matériaux amiantés n’avait été effectué.

Dans leur long travail d’enquête, Mathilde Cusin et Martin Boudot se sont également appuyés sur des prélèvements surfaciques réalisés dans une quinzaine d'écoles, dans plusieurs régions, avec le docteur Maxime Misseri :

"Ces analyses exploratoires surfaciques montrent bien qu'il y a encore de nombreux matériaux amiantés et dégradés qui émettent des fibres d'amiante, explique ce dernier, géologue et spécialiste de l’amiante en France. Ces situations méritent d'être prises en compte de manière prioritaire." 

Le chercheur associé à l'Université de Technologie de Compiègne conclut ainsi :

"Cette étude met en évidence que les dispositions actuellement prévues ne sont pas satisfaisantes et que des mesures complémentaires devraient être envisagées. Bien que non normés en France, les tests surfaciques pourraient être intégrés dans les dispositifs de détection de l'amiante. Dans tous les cas où la présence de poussières d'amiante est détectée, il est recommandé de mener des investigations afin de déterminer leur origine. Lorsque les niveaux de contamination sont très élevés, le retrait de l'amiante devrait être envisagé."

Cependant, le désamiantage des bâtiments se heurte aux coûts très élevés qu’il engendre. Dans certains cas, les opérations pourraient parfois êtres égales au budget annuel d'une ville.

"Beaucoup de maires nous ont confié leur impossibilité de rénover ou de désamianter, par manque de financements ou de budget", confirment les deux journalistes qui présenteront au public ce lundi 12 juin à Paris les résultats de leur enquête sur l’amiante.

Une substance dont les fibres causent, selon l’OMS, la mort de 107.000 personnes par an dans le monde.

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