“C’est un outil démocratique qui doit à tout prix exister et se développer” : La Marge, dernière librairie indépendante d’Ajaccio

“La Marge” est devenue au fil du temps une institution ajaccienne. Malgré les difficultés économiques que traverse le secteur du livre, cette librairie indépendante résiste et vient de décrocher un label délivré par le centre national du livre. Guy Firroloni, son propriétaire, répond aux questions de France 3 Corse ViaStella.

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Dans une petite impasse du centre-ville, quasiment cachée aux yeux des non-initiés, résiste la dernière librairie indépendante d’Ajaccio : “La Marge”. Créée en 1977, elle survit à la crise qui touche le secteur du livre.  

Le lieu mise sur une sélection diversifiée et pointue et compte. 60.000 ouvrages en stock avec des références allant de l’édition corse aux sciences humaines en passant par la bande dessinée et le rayon enfant.  

En août dernier, la démarche commerciale et culturelle de “La Marge” a été validée par le centre national du livre avec l’attribution du label “Librairie indépendante de référence”.  

Guy Firroloni, propriétaire de “La Marge”, répond aux questions de France 3 Corse ViaStella.

France 3 Corse : Vous avez réalisé des travaux dans la librairie, vous proposez un nouvel espace et donc des ouvrages en plus grande quantité ...  

Guy Firroloni : Le projet a été de récupérer un espace supplémentaire pour poursuivre le projet que nous nous sommes imposé depuis le début. Celui d’offrir une palette dans l’espace de la connaissance, en particulier, qui soit de plus en plus important. C’est le projet initial.  

Nous avons eu l’opportunité de récupérer des locaux dans la continuité de la librairie. Cela nous a permis d’installer presque 250 mètres carrés d’exposition au global. Ce qui nous permet d’offrir au public, et c’est la question centrale, une diversité qui est de nature, je l’espère à satisfaire tout le monde.

Il y a des espaces nouveaux et des espaces enrichis. Nous avons une salle spécialement dédiée à la bande dessinée, de même qu’il y a quatre salles qui sont dédiées aux sciences humaines qui sont un domaine très important pour nous. Cela permet d’offrir au public, encore une fois, la plus grande diversité possible.  

Une librairie indépendante est un lieu où on se balade. On ne sait pas ce qu’on veut précisément, mais on se promène, on passe un moment, on lit quelques pages, et puis on part avec un livre ou rien du tout. C’est un lieu de partage. Ça sert à ça une librairie indépendante. Le rôle du libraire dans cette librairie, c’est d’aller chercher la pépite qui est censée intéresser tel ou tel individu dans cette diversité et dans la pluralité.  

Que signifient ces travaux pour vous ? Est-ce que dans le contexte économique que l’on connaît, notamment les difficultés des commerces de centre-ville, il faut s’agrandir pour continuer à exister ?  

Gérer une librairie indépendante, ça veut dire une librairie qui choisit se politique, qui choisit ses orientations, c’est quelque chose d’excessivement compliquée notamment parce que les marges qui sont celles de la librairie sont parmi les plus faibles qui existent. Si vous voulez faire fortune, faites autre chose.  

Donc tout le travail des libraires, d’une manière générale, c’est à la fois remplir leur mission et leur fonction. C’est d’ailleurs dans ce sens que le label Lire est donné par le centre national du libre. C’est pour identifier et reconnaître le travail effectué par les librairies dans le domaine de la diffusion du savoir.  

Il y a un enjeu de citoyenneté, il y a un enjeu politique majeur à avoir des librairies indépendantes qui sont susceptibles de proposer la diversité et la différence. C’est la fonction première de la librairie. Elle doit suivre économiques et régler toutes les contradictions qui peuvent naître d’une activité économique à faible marge.  

Contradiction : faible marge d’un côté et nécessité d’avoir un fond important de l’autre si on veut respecter le rôle et la fonction de la librairie. En ce sens, la vocation de la loi Lang de 1981 a permis de maintenir ces espaces culturels d’importances, diversifiés, sur l’ensemble du territoire.

Pour ce qui est de la librairie La Marge, on entre de plain-pied dans cette démarche et de ce point de vue, nous essayons de mettre tout en place pour pouvoir y arriver. Ce n’est pas facile tous les jours, mais la librairie s’est agrandie de manière satisfaisante et on a le projet de continuer à offrir une prestation parce que c’est un enjeu démocratique. C’est fondamentalement un enjeu démocratique. Le livre sert à ça, c’est ce qui véhicule l’intelligence.  

Vous êtes la dernière librairie indépendante d’Ajaccio, vous êtes aussi la dernière librairie du centre-ville, comment expliquez-vous que vous êtes les derniers ? Est-ce le système qui broie ? Est-ce peut-être une absence chez les autres de volonté ? Comment cela s’explique ?  

C’est très dur d’être une librairie indépendante. Mais une fois qu’on a dit ça, on n'a rien dit. La question centrale est celle du projet. Je peux difficilement imaginer une ville comme Ajaccio privée d’une librairie de fond, d’une librairie indépendante et qui offre la diversité. C’est impensable.  

Nous avons le privilège de pouvoir continuer à effectuer ce travail, mais les contraintes sont considérables. Mais une fois qu’on a dit ça, il faut les aborder et les résoudre. C’est une recherche permanente de l’équilibre à laquelle nous, comme d’autres, souscrivent.   

Êtes-vous inquiet sur le moyen et long terme ou, au contraire, ces travaux et cette capacité à avancer vous laissent optimiste ?  

Je suis inquiet bien au-delà de la question de la librairie. Pour moi, l’existence et le développement de la librairie sont plus que jamais à l’ordre du jour. Les sujets liés à la liberté, à la démocratie à la connaissance sont capitaux aujourd’hui, plus qu’hier si je puis dire.  

Donc face à ces dangers-là, face aux faux savoir qui se développent, face aux fake news, aux arguments de bas étage, l’outil démocratique qu’est une librairie doit à tout prix, à tout prix, exister et se développer. Je ne me pose pas d’autres questions. Ma fonction, modeste, est dans ce projet-là et je ne me pose pas d’autres questions.  

Après, il existe peut-être un savoir-faire dans le domaine de la conduite d’une telle structure et là, c’est plus ou moins pertinent en fonction des gens, des situations et des contextes. Mais le projet initial qui est un espace de liberté et de partage du savoir, est incontournable.  

Le reportage de Kael Serreri, Marc-Antoine Renucci et Marion Fiamma :

durée de la vidéo : 00h02mn34s
Guy Firroloni, propriétaire de la librairie "La Marge" ; Ghislaine Caviglioli, responsable de la librairie. ©France Télévisions

 

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