Plus d'un an et demi après sa création, la Squadra Valincu Alta-Rocca Rizzanese s’est rapidement installée dans le paysage sportif et associatif de toute une partie du sud de l’île. En ayant su fédérer autour de lui l'ensemble des forces vives de la microrégion, le club de foot favorise également le rapprochement d'une jeunesse issue des différents villages. Reportage entre mer et montagne.
"C’est un peu comme gérer une grosse entreprise. Il y a à la fois la gestion financière et administrative, puis tout ce qui concerne les licenciés."
À la Squadra Valincu Alta-Rocca Rizzanese, ils sont près de 400. Et Jocelyne Foata, la secrétaire générale du club, n’a pas trop le temps de s’ennuyer derrière son bureau du stade Jacky Santucci de Propriano.
Idem pour Michael Ribbes. Survêtement estampillé SVARR sur le dos, le directeur technique fait le va-et-vient entre la pelouse et le petit local administratif. Salarié à temps plein, son rôle est notamment de superviser les équipes et de coordonner la logistique entre plaine et montagne. Tout un programme.
"La difficulté, ici, c’est que tout est un peu dispatché", fait remarquer ce quarantenaire arrivé en Corse l’an passé pour travailler au club.
Passé par Bordeaux, Lyon et le Liban, Michael Ribbes est aussi chargé d’établir le planning des entraînements, sur différents stades, pour toutes les catégories de jeunes. Sans oublier l’équipe fanion, actuelle quatrième de Régional 1. Un sacré numéro d’équilibriste réalisé sur plusieurs communes du Sartenais-Valinco-Taravo et de l’Alta Rocca.
Car la particularité de la SVARR est de rayonner "da l'Ortolu à u Taravu", comme le rappelle l’inscription figurant sur son blason. "Après la disparition de Sartène puis du CA Propriano, on a préféré faire un club de la région avec ces mêmes personnes, explique Jean-Thomas Leandri, coordonnateur de l’association sportive. On fait ça avant tout pour les jeunes."
"On n’avait plus aucune équipe dans le coin, ci ani salvati", glisse un parent tout en soulignant "l’implication de tous les bénévoles".
"Consensus"
Depuis avril 2021, sur plus de 500 km carrés, seul le maillot - noir, gris et doré – de la SVARR représente tout ce territoire du sud de l’île.
"Au début, ça a été un petit peu difficile de mettre tout le monde d'accord, concède Jean-Thomas Leandri, mais notre force fait que l’on n'impose pas. On discute, on écoute et, à partir de là, on essaie de trouver la meilleure solution pour aboutir à un consensus qui contente tout le monde."
Côté municipalités, on joue également le jeu. Propriano, Sartène, Levie, Olmeto ou encore Viggianello mettent à disposition leurs infrastructures.
"D’autres communes nous apportent également un soutien financier", précise Jean-Thomas Leandri, avant de les énumérer : "Serra di Ferro, Petreto, Casalabriva, Sollacaro, Sainte-Lucie de Tallano, Zerubia, Granace, Zonza et Aullène. Cette saison, ajoute-t-il, le budget annuel est de 230.000 euros."
"Chaque commune met ce qu’elle peut pour aider."
José-Pierre MozziconacciMaire d'Olmeto
"Chaque commune, en fonction de ses moyens, met ce qu’elle peut pour aider, explique José-Pierre Mozziconacci, maire d’Olmeto, venu en ce mercredi d’hiver déposer son fils à l’entraînement à Propriano. L'intercommunalité aide également. L’an dernier, elle a donné environ 15000€. Pour l’instant, on arrive à faire en sorte que le budget soit satisfaisant afin que les enfants s’épanouissent", ajoute l’ex-président de la communauté de communes du Sartenais-Valinco-Taravo.
Minibus
En parallèle, dans les autres villages, on s’active aussi pour structurer et pérenniser la SVARR. Des dirigeants et référents - bénévoles - ont été nommés dans les différentes localités.
À Levie, Stéphane de Peretti est l’un d’eux. "On cherche du sponsoring, on discute avec les collectivités, confie-t-il depuis le bord de la pelouse synthétique du stade de Ciniccia. C’est un peu un citron qu’on presse. Au début, on va taper aux portes qu’on connaît. On verra sur le long terme si c’est pérenne ou pas. En tout cas, nous mettons tout en œuvre pour que cela le soit. Ce n’est pas évident car on a des budgets de fonctionnement qui sont quand même assez élevés, mais on s’accroche."
Vaste territoire oblige, l’un des principaux postes de dépense concerne le transport. Le club possède notamment trois minibus pour convoyer tous ses licenciés sur les différents stades de la microrégion. Et à voir les carrosseries recouvertes de publicités, on comprend que de nombreuses entreprises locales apportent, elles aussi, leur soutien.
"Lien social"
Si les jeunes s’épanouissent sur le terrain, l’association sportive - qui possède également une équipe féminine et une autre de futsal - se développe en dehors du rectangle vert. Et se diversifie. "On va aussi créer des sections futnet et pétanque", indique Jean-Thomas Leandri.
"On met également en place plusieurs axes de travail avec les écoles, collèges, lycées, avec les institutions, et la Ligue corse de football, explique Michael Ribbes, le directeur technique. Il y a aussi le relationnel avec les parents : ils savent qu’ils peuvent appeler n’importe quand."
Depuis plus d'un an et demi, le club permet aussi de rapprocher les jeunes originaires de localités différentes et parfois éloignées.
C'est le cas de Natale et Marc-Antoine qui évoluent en U14. "Maintenant que tout a fusionné, tous les amis de la région viennent jouer ici", glisse le premier. "Avant, je n'avais pas accès au foot ; maintenant, je peux en faire avec tous mes amis", ajoute le second qui vit à Serra di Ferro.
"On voit de plus en plus de licenciés, qui n’habitent pas le même village, s’inviter aux anniversaires les uns et des autres, note Michael Ribbes. Au début, les jeunes étaient très "je suis sartenais, je suis proprianais" etc.. Et là, ça s’estompe un peu et les familles se rapprochent."
Plus haut, dans l'Alta Rocca, Stéphane de Peretti partage ce sentiment. "Le club contribue à tisser et maintenir ce lien social qu’on perdait de plus en plus. On l’a vu à travers les petits événements qu'on organise. Ça draine un monde fou, de tout âge. Le club permet de fédérer et de redynamiser la microrégion."
Les soirées et autres championnats de belote à Casalabriva, Levie ou Porto-Pollo sont là pour en témoigner. Ce samedi 18 février, près de 350 personnes sont d'ailleurs attendues au gymnase de Sartène pour le loto du club. "On a eu tellement de demandes qu’on a dû le déplacer d’Olmeto, où il était initialement prévu, à Sartène car la salle est plus grande", confie Jean-Thomas Leandri.
"Ça ou rien"
Dans le sillage du dynamisme insufflé par la SVARR, communes et intercommunalités rénovent certaines de leurs infrastructures sportives : à Propriano, un nouveau terrain d'entraînement en pelouse synthétique remplacera bientôt l’ancien. À Levie, des vestiaires sont en cours de construction.
Financés par la com'com de l’Alta Rocca, les travaux à Ciniccia comprennent également une salle de judo.
"Ça a pris un peu de retard mais nous espérons être prêts pour la rentrée de septembre, indique Alexandre de Lanfranchi, maire de Levie et vice président de la com’com de l’Alta Rocca. La surface du terrain est homologuée mais les vestiaires doivent être opérationnels pour pouvoir éventuellement accueillir les matchs de l’équipe première."
"Aujourd’hui, la pratique sportive nous contraint à nous regrouper."
Alexandre de LanfranchiMaire de Levie
Un peu moins de deux ans après la création de ce "club jeune qui est en train de s’installer", l’élu rucchisgianu qualifie le bilan de "positif" et rappelle qu’un tel projet intercommunal était "nécessaire" :
"Aujourd’hui, la pratique sportive nous contraint à nous regrouper. C’est ça ou rien. On n’a plus suffisamment de moyens et de réponse possibles. Si on ne se regroupe pas, on n’est pas efficaces. L’intérêt est qu’on puisse à nouveau pratiquer du sport et susciter chez les jeunes un sentiment d’appartenance au territoire. Ça fonctionne plutôt bien. On va monter en puissance."
"On s’est donné 5 ans pour pérenniser le club", annonce Jean-Thomas Leandri. "Il faut encore 2-3 ans pour l’asseoir et faire en sorte que les choses se régulent sur quelques années, estime Michael Ribbes. Il faut continuer à former les éducateurs, developper un section sportive dans les établissements scolaires…" L'une d'elles vient d'ailleurs d'être créée au collège de Propriano.
Sport, politique et label
Dans cette aventure sportive et associative, il a aussi fallu laisser au vestiaire les éternelles querelles de clocher et celles qui émanent souvent de la politique. Pas une mince affaire, surtout autour d'une structure regroupant plusieurs municipalités et collectivités.
"Sport et politique sont souvent des sujets sur lesquels il n’est pas toujours évident de s’entendre, reconnaît le maire d'Olmeto, José-Pierre Mozziconacci. Mais dans cette microrégion, le sport fait partie des projets que l'intercommunalité a soutenus et accompagnés. À ce niveau-là, les forces vives ont su se fédérer autour du président Vincent Zedda et mettre leurs idées partisanes de côté pour réussir ce challenge, accompagner les bénévoles et tirer le club vers le haut. Le but est que les enfants de toute la région aient accès à un outil structurant et structuré pour qu’ils puissent s’épanouir du mieux possible."
"Cette année, prolonge Michael Ribbes, notre priorité est d’obtenir le label niveau 1 de la Fédération française de football. C’est un titre honorifique décerné en fonction de la qualité de notre travail avec les jeunes. Si nous l’obtenons, ça nous apportera une reconnaissance au niveau de la Fédération française et au plan régional."
La réponse de la Fédération est attendue en fin de saison. Mais quelle soit négative ou positive, il semblerait bien que les dirigeants et bénévoles de la SVARR aient déjà obtenu la reconnaissance de tout un territoire. Da l'Ortolu à u Taravu...
Le reportage réalisé par nos équipes :