Journal de bord d'une confinée à Ajaccio : la vie en jaune citron ...

Le confinement généralisé est entré en vigueur en Corse, comme partout en France, mardi 17 mars, à midi. Une de nos journalistes raconte ses journées. Ce mardi, il est question d'une tarte au citron meringuée mal maîtrisée ... 

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Retrouvez le chapitre 27 : 
 

  • Chapitre 28 : la vie en jaune citron ... 

Rien ne ressemble plus a la vie qu’un citron. Dans sa vie de femme pressée (comme l’agrume), « Bree » (vous vous souvenez de Bree ?) a pris le temps d’en ramasser dans son jardin. Un gros sac. Un sac énorme pour que je puisse faire mes citrons confits. Je les ai mis en bocaux, il a deux jours, avec Nicolas.
 


Mise à nu…


J’ai envie de vous reparler de Nicolas. La semaine dernière, quand Sandrine m’a amené ses masques faits main, j’en ai gardé un pour lui. Je l’ai choisi à cause des motifs sur le tissu bleu nuit. Des étoiles.

Quand il est passé à la maison, je lui ai dit « tiens, comme ça, quand tu me regarderas, j’aurai des étoiles plein les yeux ». Il y a souri. Son sourire est un bon fil conducteur. Le lendemain d’un jour où j’avais vu un peu de tristesse dans son regard, je lui avais envoyé un message au réveil, « ça va mieux le coup de calgon ? ». Il m’a avoué, plus tard, avoir cherché la signification de l’expression, il ne la connaissait pas. Il a répondu, « je l’ai laissé en rayon ».

J’aime bien ses répartis. L’autre matin, je lui ai fait suivre une série de photos de mon chat dormant dans différentes positions. J’ai demandé, « toi aussi tu dors comme ça ? ». Le retour n’a pas tardé, « oui, pareil, à poil ». Il m’a fait rire. Il est simple à vivre Nicolas. Nu de tout ce qui n’est pas essentiel en fait.

Samedi dernier (mais c’était peut-être un autre jour, je les confonds tous), il est parti jusqu’à la halle au poisson, il avait envie de frais, de marin… besoin d’air aussi. Je vois un peu plus de noir sous ces yeux ces derniers temps. Dans l’après-midi, il est monté avec une coupelle. Il avait fait cuire les «chutes » de poisson pour mon chat. A aucun moment, il ne m’a dit, « je vais cuisiner pour toi », mais il l’a fait. Au dîner, j’ai eu droit à du poisson au four (agrémenté de citron) avec du riz aux champignons.

On s’est dit qu’on était heureux de s’être trouvés, dans cette situation. On s’est dit cela en pensant aux personnes qui le vivaient seules, ce confinement. Seules dans un quotidien, parce que, pour le reste, il y a les réseaux sociaux et le téléphone.

 
 

Petit piment de vie…


Il faut nous voir lancés dans nos expériences culinaires avec Nicolas. Un soir, il a fait une salade avec plein d’ingrédients dedans. Elle était fraîche cette salade mais un peu fade. Alors, on a sorti tous les aromates et épices de la maison pour faire des tests. Lui a divisé ce qu’il avait dans l’assiette en plusieurs parts, agrémentant chacune d’elles de manière différente pour comparer. A la fin, on a retenu le plus savoureux mélange (il y a eu consensus de goûts) pour la prochaine fois.

Il y aura aussi une prochaine fois pour la tarte au citron. Parce que la première (de ma vie j’entends), j’ai raté la pâte. Elle était un peu élastique ma pâte brisée maison. J’ai fait une grimace quand Nicolas a goûté. J’ai dit, « c’est pas génial, hein » en accompagnant du regard la portion qu’il portait à sa bouche. Il a répondu, « non, ça va, pourquoi ? », et il a mangé. Il en a même repris. Je pense qu’il avait envie de me faire plaisir, parce que, par contre, le lendemain, quand on a attaqué les citrons confits (au sel), il a précisé, « il en reste sept, de quoi faire trois tartes, en gros… tu pourras t’entrainer ». Je l’ai regardé en prenant mon air vexé, « ah, tu vois, tu es en tain de me dire que ma tarte n’était pas bonne, là ! ». Il a répondu, « non, je dis juste que tu ne peux que progresser ! ». J’ai affiché ma mine vexée en râlant un peu. Je sais très bien râler. Pas trop avec lui, en fait.
 


Un peu tarte quand même…


Et vous savez quoi ? Nicolas a même « tué » un mythe. Parce que, ce que je ne vous ai pas encore raconté, c’est la veille de la manger cette tarte au citron ! Au moment où je la préparais, où j’allais attaquer la meringue, mon voisin m’a rejointe, comme chaque soir, pour l’apéro. On n’a finalement jamais pris cet apéro parce qu’il y avait plus urgent : gérer un blanc (ou plutôt des blancs).

Après mainte investigation, impossible de mettre la main sur le batteur électrique ! J’avais dû me débarrasser du précédent sans le remplacer et me trouvais démunie concernant la meringue. J’ai dit à Nicolas, pas convaincue, « tu crois qu’avec le mixeur, ça peut marcher ? ». Je n’ai pas attendu sa réponse pour essayer. En fait, je me suis vite rendue compte que, non, cela ne fonctionnait pas (et pour cause), m’apprêtant déjà à baisser les bras. « Je crois que j’ai cassé les blancs », me suis-je aussitôt lamentée. Nicolas s’est penché sur la préparation. Je l’ai entendu articuler pour lui même, « pas certain », avant d’ouvrir un tiroir. « Tu a un fouet manuel ? ». J’avais dû m’en séparer aussi car on n’a rien trouvé.

J’ai des moments de grand débarras durant lesquels j’envisage de remplacer après avoir jeter, sans le faire jamais (remplacer). Si Nicolas a senti le désespoir le gagner l’espace d’un instant, il n’a rien montré. Il cherchait déjà la solution qui viendrait nous sauver. Il m’a regardé faire quand j’ai pris une fourchette en disant, « mon arrière-grand-mère montait les blancs en neige à la force du poignet, mais j’y arriverais jamais ! ». Et je me suis mise à battre frénétiquement le contenu du saladier. « Déjà, il te faut un plat en métal et du froid… tu as des glaçons ? ».  Pourquoi fallait-il des glaçons, j’ai posé la question. « Ben, tes blancs on plus de chance de rester fermes comme ça ». J’étais désolée, je ne le savais pas, je n’avais pas de glaçons de surcroît. Alors, il a fait un aller retour jusqu’à son étage  pour récupérer le nécessaire.

Franchement, j’avais déjà renoncé dans ma tête. Nicolas a dû le sentir, parce qu’il m’a signifié gentiment de lui laisser la place. Il a ouvert un tiroir, en a sorti une seconde fourchette pour accompagner celle que j’avais déjà dans les mains et a pris le relai. J’ai compris, en le regardant faire, que mon voisin avait repensé le principe du fouet (les deux fourchettes assemblées en creux). Il est ingénieur dans la vie, Nicolas, il a de l’idée. Il y a consacré un peu de temps, mais il y est arrivé, le bougre : il a détrôné mon arrière-grand-mère au rang de seule personne au monde à savoir monter des blancs en neige à la force du poignet (même s’il tremblait un peu le poignet de Nicolas à l’arrivée ! ). Il aurait voulu m’épater qu’il ne s’y serait pas pris autrement ! D’un coup, il n’avais plus besoin d’artifice (et du masque dont je voulais l’affubler) pour mettre des étoiles dans mes yeux !

Il est tendre Nicolas. Et prévenant. Il n’a besoin de rien d’autre pour être épatant. Hier, j’étais un peu énervée. Hier, je me suis bloquée le dos. Hier j’avais un peu perdu le sens de l’humour (et encore plus en soirée après l’allocution présidentielle). Hier, c’était un jour sans et Nicolas l’a bien senti. Alors, ce matin, au saut du lit il m’a envoyé un message pour me demander si ça allait mieux. J’ai répondu par un smiley sans bouche. Il a renvoyé, « on t’a volé ton nez et bouche ? ». « Le sourire surtout », voilà ce que j’ai tapé en retour. Pourtant sa réflexion en avait amené un. Quelques minutes après, soucieux, sûrement, il sonnait à ma porte. Il ne savait pas que j’avais déjà commencé à écrire sur lui.
 

Là, je termine mon papier et Nicolas est assis en tailleur juste en face de moi (en biais) sur le canapé. Je l’observe à la dérobée concentré sur son ordinateur portable posé sur ses jambes croisées. Des jambes croisées terminées par des chaussettes rayées (j’adore sa collection de chaussettes rayées). Il télé-travaille comme moi.

C’est la première fois qu’il monte travailler chez moi. Il a proposé ça, ce matin, sûrement parce qu’il a senti qu’il y avait besoin de donner un petit coup de main au quotidien (et à mon sourire). Un peu plus loin, au fond de la pièce, côté cuisine, trônent les bocaux de citrons confits que nous avons confectionnés tous les deux. Si la vie ressemble à un citron, c’est un peu à ceux-là, en ce moment : enfermés à défaut de pressés (ou alors seulement de sortir). Pourtant, ils sont doux ces moments avec Nicolas. Et ces moments, ce n’est pas ce fichu virus qui nous les volera. Je réalise qu’ils n’auraient sans doute pas existés sans cette drôle de période. Mon humeur chagrine devra s’en rappeler tout au long de ces jours qui mènent au 11 mai.

Un mois, c’est également le temps qu’il faudra aux citrons pour être confits (et donc dégustés). Nous saurons quoi en faire d’ici là avec Nicolas. Il est (toujours) très chouette Nicolas !

 
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