"Le polar, c'est politique". Entretien avec Jean-Pierre Orsi, à l'origine de Corsicapolar

Alors que s'ouvre ce 3 août à Ajaccio la 17ème édition du festival de littérature Corsicapolar, nous nous sommes entretenus avec l'initiateur de ces rencontres autour du roman noir méditerranéen. Pour Jean-Pierre Orsi, le polar, exercice de littérature à part entière, est éminemment politique.

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Avant toute chose il tient à préciser qu'il a passé la main depuis l'an dernier à la tête de Corsicapolar. À 80 ans, Jean-Pierre Orsi reste toujours actif et sera bien présent cette année encore pour l'évènement qu'il a initié en 2007, avec un groupe de copains, "pour montrer qu'il existe en Méditerranée une littérature policière qui n'a rien à envier à celle des pays nordiques ou anglo-saxons".

Un miroir de la société

D’abord journaliste, puis informaticien dans de grandes entreprises, militant et syndicaliste, Jean-Pierre Orsi se passionne pour la façon dont le monde tourne, dont la société fonctionne, notamment en Corse, sa terre d'adoption depuis près de 20 ans. "Ce qui m'intéresse dans le polar, c'est le contexte dans lequel l'enquête va être menée, les contradictions de la société qu'elle révèle. Le polar c'est quelque chose de très politique. Plus que de dénouer une énigme, il permet de montrer comment une société fonctionne. C'est une manière de lutter contre la pensée unique".

C'est une littérature qui sait traiter les problèmes sérieux sans se prendre au sérieux

Jean-Pierre Orsi

Initiateur de Corsicapolar

Pour lui, ce qui distingue le roman noir de la littérature dite "blanche", c'est une écriture simple, proche du langage parlé, et des thèmes en prise directe avec les difficultés de la société : "Le changement climatique, l'emploi des jeunes, la spéculation immobilière, les feux de forêts, la bétonisation du littoral, tous ces problèmes sont traités  C'est une littérature qui sait traiter les problèmes sérieux sans se prendre au sérieux" estime-t-il.

L'intelligence artificielle, auteur de polar d'avenir ?

La principale évolution qu'a pu observer Jean-Pierre Orsi depuis la création de Corsicapolar en 2007, c'est l'arrivée en force de femmes parmi les auteurs. "Avant il n'y avait que des mâles pour s'adonner aux joies du polar. Alors que 80% des lecteurs sont des femmes."

L'intelligence artificielle, c'est un danger pour les auteurs, et pour les lecteurs qui auront une soupe industrielle préfabriquée et prédigérée.

Jean-Pierre Orsi

S'il se félicite des apports féminins à l'univers du polar, il est beaucoup plus dubitatif quant aux éventuelles contributions de l'intelligence artificielle :"Il va manquer une dimension importante, c'est la dimension humaine. L'intelligence artificielle ne sera pas capable de retranscrire des émotions, un sens critique. Ce sera quelque chose de très calibré, bien fait, mais sans âme." envisage-t-il. "C'est un danger pour les auteurs, et pour les lecteurs qui auront une soupe industrielle préfabriquée, prédigérée. L'humour, la dérision, l'autodérision, c'est très important dans les polars, et je ne pense pas que la machine en soit capable".

Andrea Camilleri, sa référence

Grand amateur de polar on l'aura compris, auteur lui-même de romans noirs dont le plus célèbre a pour titre La chèvre de Coti-Chiavari, Jean-Pierre Orsi donne sa préférence à l'auteur sicilien Andrea Camilleri, dont le personnage récurrent, le commissaire Montalbano, doit son nom à un autre fameux auteur de polar, l'espagnol Manuel Vasquez Montalban. "Je me sens proche de la manière dont Camilleri manie l'humour, le regard qu'il porte sur les Siciliens. Rien à voir avec les Scandinaves comme Henning Mankell. C'est d'une tristesse folle, c'est lent. C'est vrai qu'il fait froid là-bas, mais bon, je me retrouve plus dans la vitesse et la vitalité de Camilleri".

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