TEMOIGNAGE INCESTE. "Entre l'âge de 8 et 11 ans, j'ai été violé par mon grand-oncle."

Arnaud Gallais a été victime de violences sexuelles et d’inceste dans son enfance. Engagé au sein de plusieurs structures en faveur de la protection des mineurs, il interviendra dans un colloque organisé par l’Agence Régionale de Santé à Ajaccio, ce jeudi 4 mai. Il nous livre son témoignage.

"À l'âge de 8 ans, on n'a pas toutes les clés pour comprendre ce qu'il s'est passé." Lorsqu’Arnaud Gallais évoque les viols dont il a été victime dans son enfance, c’est sans détour qu’il relate les faits. Mais avec le recul et l’expérience que des années de psychanalyse lui ont apporté.

"Entre l'âge de 8 et 11 ans, j'ai été violé par mon grand-oncle, qui était prêtre missionnaire", confie t-il d'emblée. Il a également été abusé par ses deux cousins lorsqu'il avait 12 ans. Aujourd’hui quadragénaire, il consacre sa vie à la protection de l’enfance. Mais le chemin a été long pour en arriver là.

Déclic

Pendant des années, Arnaud Gallais s’est senti "responsable" de ce qu’il lui était arrivé. "Il y a eu aussi des conséquences sur ma sexualité. Je refusais d'aller vers des filles en me disant que je devais être homosexuel. Bref, ça m'a énormément troublé", relate-t-il.

Et à l'âge de 19 ans, c’est le déclic. Le jeune homme voit un reportage télévisé. Des victimes de viols prennent la parole. "J’ai dit à mes parents : “C'est ce qu’il m'est arrivé”." Une prise de conscience à la fois salvatrice et douloureuse, puisqu’Arnaud Gallais plonge alors dans une profonde dépression. "J'ai été suivi par un psychiatre qui m'a sauvé. Il avait bien compris que j’étais en détresse absolue", se souvient-il.

Amnésie traumatique

C’est d'ailleurs chez son psychiatre, lors d’une séance, qu’un autre souvenir ressurgit. "On faisait du théâtre avec mes cousins et lors d'une répétition à la maison, l'aîné m'a dit : “Je vais te montrer ce que je te ferais si tu étais une femme.” Il m'a sauté dessus. Le cadet m'a attrapé les poignets, et l'autre en a profité pour me mettre son sexe dans la bouche." Arnaud Gallais avait 12 ans.

"J'avais complètement occulté toute cette partie de ma vie pendant près de 15 ans", indique-t-il. Chez les victimes d'inceste, l’amnésie traumatique est fréquente. "Le cerveau, d'un point de vue émotionnel, n'est pas capable d'engranger toutes ces informations qui sont aussi de l'ordre psychoaffectif. Quand on vit dans une famille, quand c'est le père, quand ce sont les cousins, le frère... Au bout d'un moment le cerveau se met en veille", décrypte celui qui se décrit désormais comme un activiste de la protection de l’enfance. 

"J'en ai fait mon combat"

Une mission qu’il a décidé de faire sienne à la naissance de son enfant. "La rencontre avec mon fils, le fait de me rendre compte aussi de ce que ça voulait dire d'être responsable, donc de le protéger, cela a été déterminant. Je me suis dit qu’il fallait absolument que j'arrive à trouver des clés", livre-t-il.

Il a fallu aussi trouver les mots. Pour son fils, et pour les autres. "J'en ai fait mon combat." Il milite notamment pour davantage de prévention auprès des enfants. "S'il y a des victimes qui prennent la parole comme moi, c'est pour que des actions se mettent en place ensuite, c'est pour protéger les enfants, et ce n'est pas uniquement pour qu'on me dise : “Ah, c'est terrible ce que tu as vécu”."

Cela concerne 2 à 3 enfants par classe, une personne sur 10 en France.

Arnaud Gallais

Aujourd'hui, Arnaud Gallais est membre de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, cofondateur du Collectif "Prévenir et Protéger" et de "BeBraveFrance".

Un engagement qui n’est pas sans conséquence dans sa vie professionnelle. "Au quotidien, quand on est lanceur d'alerte, cela a des impacts. J’ai été contacté par un chasseur de têtes qui était intéressé par mon profil. La personne me rappelle après en disant : “J'ai vu qui vous étiez sur les réseaux sociaux. Faudrait peut-être chercher un travail en lien avec les violences sexuelles”. On se demande s’ils ont compris le message !", s’agace Arnaud Gallais.

"Aujourd'hui, ce n'est pas une priorité"

Pour le quadragénaire, il y a urgence, au regard de l’ampleur du phénomène. "Cela concerne 2 à 3 enfants par classe, une personne sur 10 en France, affirme t-il. Aujourd'hui, cela ne suffit pas de dire que les violences faites aux enfants, ce n'est pas bien. Il faut mettre en place des actions concrètes pour faire de ce sujet une priorité. Aujourd'hui, ce n'est pas une priorité."    

L'organisation d'un colloque ce jeudi 4 mai au Palais des Congrès d'Ajaccio pourra, peut-être, contribuer à libérer un peu plus la parole. C'est en tout cas ce qu'espère Arnaud Gallais.

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