Adopté en première lecture à l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi de finances 2023, la mise en application de l’amendement sur la surtaxation des résidences secondaires est reportée à 2024. Un scénario attendu selon certains élus corses.
L’amendement était attendu dans de nombreuses communes du littoral sur l’ensemble du territoire national. En novembre dernier, un amendement permettant une majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi de finances 2023.
Porté par les députés Xavier Roseren et Paul-André Colombani, il vise à élargir le dispositif des “zones tendues” à des communes de moins de 50.000 habitants si ces dernières ont une proportion élevée de résidences secondaires. Depuis 2014, seules les agglomérations de plus de 50.000 habitants peuvent ainsi appliquer une majoration sur la part communale de la taxe d’habitation. Fixée au taux unique de 20 % jusqu’en 2017, cette surtaxe est depuis cinq ans modulable, entre 5 % et 60 %, selon le bon vouloir des communes.
Néanmoins, malgré une validation du Conseil constitutionnel, “l’application de ce dispositif dès l’année fiscale 2023 ne sera pas possible”, a indiqué à Ouest France Xavier Roseren. “Le délai de délibération était initialement prévu le 28 février 2023. Le gouvernement m’a assuré que la mesure sera mise en place pour 2024. Le décret devrait ainsi être publié rapidement, dès le premier semestre 2023 : nos communes auront alors la possibilité de délibérer sereinement en octobre 2023 pour leur budget de l’année suivante”, a-t-il précisé.
À Porto-Vecchio, 61 % de résidences secondaires en 2019
Un report loin d’être surprenant pour le maire de Porto-Vecchio. “Heureusement, nous ne l’avons pas intégré à notre budget primitif 2023. Néanmoins, nous faisons en sorte d’être prêts techniquement, avec les communes limitrophes et notamment Zonza qui a ouvert la voie, dès sa mise en application”, précise Jean-Christophe Angelini.
Avec près de 12.000 habitants, sa municipalité a vu son taux de résidences secondaires exploser entre 2013 et 2018. “Cela concerne 80 % des logements construits sur cette période”, précise l’édile. En tout, en 2019, 61 % du parc immobilier porto-vecchiais étaient classés résidences secondaires. Ainsi, l’offre immobilière de la zone est directement impactée par, notamment, des phénomènes spéculatifs, et l’idée d’une surtaxation est bien accueillie. À certaines conditions.
Les “maisons de famille”
Car de nombreux foyers fiscaux insulaires disposent d’une résidence secondaire, une “maison de famille”. Afin de tenter de préserver les familles les moins aisées, Porto-Vecchio travaille sur une catégorisation des publics, “dans le respect du droit.”
Cette classification, instaurée en lien avec le service des impôts, note les logements de 1 (grand luxe) à 8 (plus que médiocre). Ainsi, lorsque la surtaxe sur les résidences secondaires sera appliquée, une majoration de 5 % s’appliquera pour les catégories 8, et s’établira jusqu’à 60 % pour les catégories 1. “Cette répartition fera l'objet d'un travail qui permettra de concilier les intérêts de la commune et ceux des Porto-Vecchiais. Cette mesure aura également vocation à être un levier de fiscalité locale qui reste aux communes et qui aura comme finalité de financer une politique volontariste en faveur de nos résidents permanents comme la construction de résidences principales, ou l’amélioration et l’extension des services publics”, précise le maire de Porto-Vecchio.
“C’est de la poudre de perlimpinpin pour la Corse”
Cette distinction paraît également incontournable pour Ange-Pierre Vivoni, maire de Sisco et président de l’association des maires de Haute-Corse. Sa commune, d’environ 1.200 habitants, enregistre 40 % de résidences secondaires.
“Sur ce taux, 20 % sont des maisons de famille et il est hors de question que cette mesure se fasse au détriment des Corses. Il faudrait trouver autre chose... Peut-être surtaxer les maisons construites à partir de 1980, mais pas celles qui ont plus de 50 ans. Ce sont des résidences familiales, où les gens reviennent très régulièrement, ce ne sont pas des résidences secondaires comme l’entend la définition. Cette mesure ne peut pas s’appliquer ici en l’état, c’est de la poudre de perlimpinpin pour la Corse”, soutient-il. Malgré sa localisation, dans le Cap Corse et sont fort taux de résidences secondaires, le territoire de la commune n’est pas considéré comme “zone tendue”.
Le président de l’association des maires de Haute-Corse compte d’ailleurs aborder le sujet de l’urbanisme, et par conséquent des résidences secondaires, vendredi lors d’une réunion à Beauvau dans le cadre des discussions sur l’avenir institutionnel de l’île. Pour l’heure, 28 agglomérations peuvent utiliser ce texte, dont celles d’Ajaccio et de Bastia.