Après la déclaration de Sébastien Lecornu sur l’autonomie de la Guadeloupe, la réaction des nationalistes ne s’est pas fait attendre en Corse. Pour l'instant, seuls Femu a Corsica et le Partitu di a Nazione Corsa se sont exprimés publiquement.
"Certains élus ont posé la question, en creux, de l’autonomie (de la Guadeloupe) par rapport à son statut actuel de département-région d’outre-mer. D’après eux, la Guadeloupe pourrait mieux se gérer d’elle-même. Le gouvernement est prêt à en parler."
La déclaration de Sébastien Lecornu vendredi sur la question de l’autonomie de la Guadeloupe ne cesse de susciter la polémique au niveau national. Une sortie médiatique qui s'inscrit dans un contexte tendu, l’île des Antilles étant en proie à une violente crise sociale sur fond d’opposition au pass sanitaire et à l’obligation vaccinale des soignants.
En Corse, les propos du ministre des Outre-mer ont immédiatement provoqué des réactions publiques. Uniquement chez les autonomistes pour l'instant.
Dans un communiqué paru ce samedi, Femu a Corsica indique "prendre note des déclarations". "Le gouvernement est donc "prêt" à parler de l’autonomie de la Guadeloupe comme une des solutions structurelles à apporter à cette crise. Il a fallu des violences, des nuits d’émeutes pour arriver à cette évidence. Cela ne manque pas d’interpeller", peut-on lire dans le texte signé par Jean-Félix Acquaviva, secrétaire national du parti. "Cela fait des années que le président de l’Exécutif, les élus de la majorité territoriale d’hier et d’aujourd’hui, et les parlementaires nationalistes n’ont cessé de réclamer un vrai dialogue politique au gouvernement sur le statut d’autonomie de la Corse."
Situation en #Guadeloupe, et dialogue autour de l'#Autonomie: position de @Partitu_FemuAC et appel solennel pour un changement politique effectif et urgent de l'Etat en #Corse. @fapopuluAC @IsulaCorsica ⤵️ https://t.co/u2pDpAOoe9
— Jean-Félix Acquaviva (@JF_Acquaviva) November 27, 2021
Dans la foulée, à notre micro, le député de la deuxième circonscription de Haute-Corse a expliqué la réaction de son parti : "Nous nous devions de réagir dans la mesure où il y a des contradictions fortes qui émergent. En Corse, cela fait plusieurs scrutins importants, régionaux et législatifs, qui démontrent qu’il y a une majorité très claire en faveur de la demande de l’autonomie de plein droit et plein exercice."
"L’état ne peut plus nous ignorer"
Député de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud et membre du Partitu di a Nazione Corsa (PNC), le nationaliste Paul-André Colombani est allé dans le même sens que son homologue du nord de l’île : "Qu’en est-il de la Corse où nous ne cessons d’amorcer le dialogue et de faire part de nos revendications de manière démocratique et où les nationalistes sont majoritaires ? L’État ne peut plus nous ignorer", a-t-il écrit sur son compte Twitter.
Qu’en est-il de la Corse où ns ne cessons d’amorcer le dialogue et de faire part de ns revendications de manière démocratique ? Où ns travaillons pour faire évoluer notre statut ? Où les nationalistes sont majoritaires ?
— Paul-André Colombani (@pacolombani) November 27, 2021
L’état ne peut + ns ignorer.@SebLecornu @EmmanuelMacron https://t.co/yHGVJDKnFU
Chef de file du PNC, Jean-Christophe Angelini s’est lui aussi d'abord exprimé sur le même réseau social. Le conseiller territorial de l’opposition a également mis en avant le résultat des urnes lors des dernières élections Territoriales. "Très bien... et pour la Corse, où 70% des gens ont voté pour des listes nationalistes il y a 6 mois à peine, on en parle aussi, non?", a posté le président du groupe Avanzemu à l’Assemblée de Corse.
Très bien... et pour la Corse, où 70% des gens ont voté pour des listes nationalistes il y a 6 mois à peine, on en parle aussi, non? https://t.co/CPwtZumJS8
— Jean-Christophe Angelini (@JC_Angelini) November 27, 2021
En analysant l’attitude du gouvernement face à la crise en Guadeloupe, Jean-Christophe Angelini a ensuite fait, face à notre caméra, le comparatif avec la Corse. "Ici, on a l’impression d’une prime au rapport de force et d’une situation où rien n’évolue ou presque sur le fond, ni sur le plan des prisonniers politiques, ni sur celui des transports, de l’énergie et de l’autonomie, constate le maire autonomiste de Porto-Vecchio. Et chez nos amis de Guadeloupe, alors même que l’on est dans une crise aigüe à caractère sociale, on a une espèce de volonté de répondre très vite, même si à ce stade on ne peut pas dire que l’autonomie soit concrétisée. En tout état de cause, c’est là un paradoxe dans la conduite gouvernementale et étatique des affaires qui concernent des îles comme les nôtres et les territoires qui ont des revendications légitimes et fondées."
La Guadeloupe, une "identité législative"
À la fois département et région d’outre-mer, la Guadeloupe avait voté en décembre 2003 à plus de 72% le contre le projet de création d'une collectivité territoriale administrée par une assemblée unique. L’île des Antilles et ses 390.000 habitants restaient donc placés sous le régime de "l’identité législative".
À ce titre, les lois et règlements nationaux s’y appliquent de plein droit. Néanmoins, afin de tenir compte des spécificités ultramarines, des adaptations sont possibles. Ainsi, les collectivités peuvent élaborer des règlements portant sur certaines questions relevant du domaine de la loi, à l’exception des matières "régaliennes", c’est-à-dire en termes de justice ou de libertés publiques.
Selon une source gouvernementale citée par l’AFP, "en évoquant une plus grande autonomie, le gouvernement a en tête le statut de la Polynésie française, qui dispose d’une large autonomie, notamment en matière de gestion sanitaire, protection sociale et développement économique, le tout en s’appuyant sur un financement local."
Ce dimanche, avant de s’envoler pour la Guadeloupe, Sébastien Lecornu s’est exprimé dans les colonnes du Journal du Dimanche. Le ministre des Outre-mer a précisé que "l’autonomie, ce n’est certainement pas l’indépendance et que cette autonomie existe déjà pour certaines collectivités d’outre-mer à des degrés divers, le modèle le plus poussé étant, par exemple, la Polynésie".
"Le gouvernement cède à la violence"
Du côté des nationalistes corses ayant réagi, les déclarations du ministre laisseraient apparaître une certaine faiblesse de la part du gouvernement dans le but d’apaiser la situation en Guadeloupe : "Il n'y a rien de plus noble qu'une démarche démocratique lorsque le peuple a la possibilité de choisir, lorsqu’il peut y avoir une discussion, un dialogue et des compromis politiques, souligne Jean-Félix Acquaviva. Ce n’est pas tout ou rien. Aujourd’hui, on voit bien que le gouvernement délivre un mauvais message qui montre qu'il cède à la violence. Il cède à la capacité de nuisance."
Je crains d'ailleurs que, malheureusement, cet effet d'annonce n'ait pas de suite."
"Je crois qu’il y a là une forme d’incurie, malheureusement, et une volonté de répondre à une crise sociale et médiatique par un effet d'annonce, estime Jean-Christophe Angelini. Je crains d'ailleurs que, malheureusement, cet effet n'ait pas de suite."
Dans l’île, ce dimanche soir, seuls les autonomistes de Femu et du PNC ont pour l’instant réagi publiquement à la déclaration de Sébastien Lecornu. À l'inverse, sur le continent, plusieurs politiques, surtout à droite et à l’extrême droite, ont vivement critiqué ses propos sur la question de l'autonomie de la Guadeloupe. Sans pour autant faire un parallèle avec la Corse.