Ce vendredi 15 octobre, Jean-Félix Acquaviva et Michel Castellani défendaient leurs amendements à la loi de finances, devant la représentation nationale et Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics. Sans succès, même si le gouvernement envisage déjà de futures discussions...
Il est 10h47, ce vendredi matin quand les députés présents dans l'hémicycle passent au vote. Et rejettent l'amendement 1002 de Jean-Félix Acquaviva et l'amendement 2085 de Michel Castellani à l'article 13 du projet de loi de finances.
Les deux députés de Haute-Corse, assis sur les bancs, n'ont pas l'air vraiment abattus. Malgré ce rejet, au cours des débats qui viennent de se dérouler, Olivier Dussopt, ministre délégué aux comptes publics, a laissé entrevoir la possibilité d'une solution. Et, par sa voix, se réjouit-on dans l'entourage de Jean-Félix Acquaviva, le gouvernement s'est enfin exprimé officiellement sur le dossier. Même si rien n'est gagné.
A qui la faute
Au cœur de ce dossier, deux interrogations :Qui est responsable du préjudice financier subi, entre 2007 et 2013, par la Corsica Ferries ? Et qui, donc, devra assumer la facture de 86,3 millions d'euros présentée par la justice ?
Pour les deux députés nationalistes de Femu, soutenus par leur collègue Paul-André Colombani, il est hors de question que ce soit la Collectivité de Corse. Ils le martèlent depuis des jours. Et Michel Castellani l'a rappelé, une nouvelle fois, ce matin à la tribune : "c'est l'Etat qui a mis en place ce système, qui l'a imposé à la Corse et qui l'a géré. Comment peut-on nous demander d'assumer des responsabilités qui ne nous reviennent pas, et que nous avons dénoncées des années durant ?"
Selon l'élu de la première circonscription de Haute-Corse, "si la CdC devait payer cette somme, cela obérerait de manière catastrophique ses capacités opérationnelles".
Jean-Félix Acquaviva a administré quant à lui une piqûre de rappel au gouvernement, en rappelant ce qui est reproché par la justice : " un service complémentaire illégal, qui n'a fait l'objet ni de contrôle de légalité de la part de l'Etat, ni de notification à Bruxelles. La raison, pour dire les choses comme elles sont, c'est qu'il y avait un deal pour permettre d'acheter la paix sociale sur le port de Marseille, et d'essayer de sauver le groupement SNCM-CMN. On a détourné l'objet même de l'enveloppe de continuité territoriale, qui doit permettre de baisser les tarifs pour une vie économique et sociale meilleure encore, en raison du surcoût de l'insularité".
Le gouvernement est prêt à discuter, et c'est une bonne chose.
En préalable à sa réponse, Olivier Dussopt prend soin de préciser qu'il ne pourra pas dire que le gouvernement "pourra augmenter la Dotation de Continuité Territoriale pour accompagner la CdC face à une décision de justice". Ce qui augure mal de la suite, étant donné que la demande des députés nationalistes repose entièrement sur cette demande.
Mais, en gage de bonne volonté, le ministre délégué reprend : "j'ai demandé à la Direction Générale des Finances Publiques et à la Direction Générale des Collectivités Locales de se rapprocher de la collectivité de Corse pour faire un point général." Et d'envisager, en conclusion, la possibilité de modalités d'étalement.
Ouvrir des discussions
Lors des débats, les élus insulaires reçoivent le soutien, sur les bancs de l'Assemblée, de deux autres députés. Le premier, François Pupponi, élu du Val-D'oise, qui souligne que "l'on ne peut pas dire à la collectivité de Corse "vous nous avez écouté, vous avez fait ce qu'on vous a demandé, vous nous avez sortis d'une difficultés, et maintenant vous êtes condamnés à payer, taisez-vous et c'est comme ça". Si la réponse de l'Etat est de cet acabit, je pense que ce n'est ni acceptable, ni correct".
Le second allié, moins attendu, c'est Eric Cocquerel, élu de la France Insoumise. Pour le député de la Seine-Saint-Denis, "politiquement, soutenir les amendements de nos députés corses quand ils souhaitent que la continuité territoriale puisse continuer à être assurée dans les meilleures conditions possibles, je trouve que c'est opportun".
Olivier Dussopt, en conclusion des débats, qu'il ne connaît pas suffisamment le dossier, et qu'il n'avait pas connaissance de tous les éléments évoqués par les députés. "C'est pour cela que je préconise des discussions avec la DGFP et la DGCL, et que je reste prudent quant à l'issue de celles-ci. Mais si accord il y a, je reste convaincu que cela ne peut pas être par une augmentation de la dotation ou du prélèvement sur recettes que l'on peut apporter ce type de réponses. Mais je reste convaincu que le travail que j'ai évoqué sera utile, indépendamment du vote de notre assemblée".
Urgence
Joint dans le taxi qui l'emmène à l'aéroport, à la sortie du Palais Bourbon, Jean-Félix Acquaviva débriefe la séquence politique : "C'est caractéristique de ce gouvernement. Il faut qu'ils soient au pied du mur pour qu'ils se réveillent. On leur a communiqué tous les éléments depuis longtemps, mais ils ne s'y sont pas penchés... En tout cas, le gouvernement est prêt à discuter, et c'est une bonne chose. La preuve, on nous a déjà renvoyés vers le ministère de Jacqueline Gourault [ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales - NDLR]".
Si la CdC devait payer cette somme, cela obérerait de manière catastrophique ses capacités opérationnelles.
Mais pour le député de la deuxième circonscription de Haute-Corse, la question n'est pas de discuter, mais de le faire vite. "Soit on va vers l'étalement des sommes, ce qui me semble complique, soit ils contribuent, en partie, à payer la facture. Ils ont refusé d'utiliser le biais qu'on leur proposait, il faudra qu'ils trouvent un autre véhicule. Mais quand ils le veulent, ils le peuvent. Ce qui m'inquiète c'est qu'ils ne se sont pas rendus compte qu'il y a urgence. La condamnation est exécutoire en droit français, on n'a pas six ou huit mois pour parler. La CdC ne pourra pas provisionner ces 86,3 millions d'euros... Elle n'en a pas la capacité".
Les députés nationalistes sont déjà tournés vers le mois de novembre, et l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances. Selon eux, il faudra absolument qu'une solution soit trouvée avant cette date.