Le rapport est adopté par 32 voix pour. 7 élus ont voté contre, 17 se sont abstenu, et 7 n'ont pas participé. Verbatim d'une longue journée de débats, où l'opposition n'a pas caché ses réticences.
La DSP est chargée de fournir des services passagers ou de fret suffisants, en terme de continuité, de régularité, de fréquence, de qualité et de prix, et le cas échéant, de capacité à réduire les contraintes liées à l'insularité. Les débats autour de la nouvelle DSP, qui fait suite à quelques années très agitées, ont été denses. Et les critiques nombreuses. Parmi elles, le renoncement supposé à une compagnie maritime régionale, voté en 2016, un manque de vision politique, un manque d'adaptation aux nouvelles réalités du transport entre la Corse et l'extérieur, une délégation de service public trop longue (7 ans)... La majorité, qui a permis au rapport d'être adopté malgré les préventions de l'opposition, a mis en avant en revanche la lucidité, et la prudence nécessaires de ce rapport, pour sécuriser une DSP menacée, et "s'assurer la maîtrise stratégique des transports", avant, peut-être, de voir plus loin...
Présentation du rapport
- Flora Mattei, présidente de l'Office des Transports de la Corse
"Le futur délégataire devra présenter un projet d'expérimentation visant à réduire l'impact environnemental de la desserte maritime. Un point sera organisé à mi-parcours histoire de voir le taux d'avancement des différents projets initiés. On sanctionnera, quand il y aura un désengagement des compagnies délégataires".
"Nous avions trois missions : solder l'héritage du passé, pour mettre fin à ces condamnations pécuniaires considérables de la CdC. Vous connaissez le contexte de ces condamnations. Ensuite, il fallait structurer l'avenir, pour construire un système de desserte maritime conforme à nos objectifs initiaux. Et enfin, tout un jeu d'équilibriste, penser à cette procédure formelle d'examen qui est toujours ouverte à l'Europe, et qui n'attend pas de décision avant la fin de l'année 2022. Dans ce panorama particulièrement difficile il a fallu satisfaire aux exigences européennes".
"Nos objectifs étaient très clairs : garantir un périmètre de service public qui correspondait exactement et rigoureusement aux intérêts de la Corse et des Corses. Un service efficace, de qualité, un coût maîtrisé, un système économiquement, environnementalement et socialement vertueux, le tout dans un cadre juridiquement sécurisé".
"On revient de loin. Les fondamentaux du service public étaient niés, remis en question dans leur intégralité. Aujourd'hui, le périmètre de service public de continuité territoriale est sauvé. Au niveau des passagers, au niveau du fret, la commission européenne admet que la continuité territoriale participe d'un intérêt public légitime, et qu'il existe un besoin de transport public maritime entre la Corse et le continent".
"La collectivité, et l'Office des transports, que je préside, avaient la possibilité soit d'opter pour des OSP unilatérales, s'imposant à toutes les compagnies, délégataires ou non délégataires, soit opter pour un régime de délégation de service public permettant d'imposer des obligations de service public spécifiques à l'exploitant désigné, et ensuite, attributaire. Il ne faut pas opposer les OPS et les DSP, mais y voir au contraire une complémentarité. Il peut y avoir une cohabitation, et c'est ce que nous nous sommes attachés à démontrer durant ces derniers mois".
Retrouvez le sujet que nos équipes ont réalisé à la veille du débat sur cette nouvelle DSP :
Débat
- Un Soffiu Novu
"Nous avons toujours dit que le métier de cette collectivité n'était pas d'être armateur, ce n'était pas de faire l'acquisition de bateaux". Jean-Martin Mondoloni
C'est presque le supplice de Tantale, cette affaire. Puis on s'approche de la compagnie régionale, plus elle se pétrifie, et plus on a du mal à lui donner chair". Jean-Martin Mondoloni
"On se satisfait, allais-je dire, que vous vous fracassiez sur le murs des réalités, parce qu'entre la dimension hautement symbolique que vous aviez mise sur la table il y a quelques années et la réalité juridique, économique, sociale. Vous assumez aujourd'hui une stratégie adaptée aux contraintes, on ne comprend pas pourquoi vous ne l'avez pas fait plus tôt. On regarde avec les réserves qui resteront les nôtres ce dossier, mais également avec la bienveillance qui peut s'attacher à un dossier que vous abordez désormais avec une lucidité peut-être ravageuse, mais qui nous permettra d'avoir une vision à long terme." Jean-Martin Mondoloni
- Apparentée Avanzemu
"Pour nous les OSP sont le dynamitage du service public que nous avons réussi à mettre en place". Josepha Giacometti-Piredda, Corsica Libera
"Nous avons face à nous une délégation de service public qui, sur le plan technique, est bien faite, verrouillée, qui montre qu'il y a eu du travail effectué. Mais on ne peut pas être satisfaits puisque la délégation de service public s'arrête à l'élaboration d'un cahier des charges, aussi bien fait soit-il". Josepha Giacometti-Piredda, Corsica Libera
"Nous avons pris des engagements ensemble en 2016, et réitérés en 2020 et en 2021. Ceux d'une compagnie maritime corse. Nous pensions que mieux que la DSP, elle pouvait nous permettre de garantir le modèle social et l'emploi. Pouvait nous permettre d'être dans un modèle économique soutenable. Et de faire prévaloir les intérêts généraux de la Corse et des Corses sur les intérêts particuliers. Alors on nous oppose l'idée de pragmatisme, mais le pragmatisme, ce n'est pas le renoncement". Josepha Giacometti-Piredda, Corsica Libera
"Avec ce rapport, on renvoie le projet à dans sept ans, nous serons treize ans après le vote de 2016, le poing levé et tous debout". Josepha Giacometti-Piredda, Corsica Libera
- Core In Fronte
"Moi je vais vous dire ce qu'il me manque... Un schéma de transport maritime cohérent. Avec une analyse, des options, des opportunités, des possibilités, et des impossibilités. Aujourd'hui aller à Marseille, pour moi, en utilisant un raccourci, c'est un schéma d'il y a 50 ans. Que l'on a en héritage. Et on pourra pas s'en défaire facilement, car il y a des obligations dans ce leg. Mais il doit y avoir des possibilités d'accompagnement progressif. Hors aujourd'hui, la mesure que vous proposez est une mesure de continuité radicale. C'est quelque chose qui ne convient pas à la Corse, dans sa finalité" . Paul-Félix Benedetti
"Il faut arrêter avec ce monopole marseillais, qui a un coût pour la Corse, chaque années, de 20 millions d'euros". Paul-Félix Benedetti
"Il faut qu'on ait le transport le plus rationnel, pour qu'on paie le moins cher possible. ON a une DSP à cinq lignes, avec 300.000 habitants. La Sardaigne a une DSP à deux lignes. Il faut se poser des questions". Paul-Félix Benedetti
"Ce qui manque, dans votre cahier des charges, c'est la demande d'une compagnie dédiée exclusivement à la Corse, qu'il n'y ait pas de bateaux rattachés à d'autres trafics que celui de la DSP". Paul-Felix Benedetti
"Un peu de sagesse, un peu de courage, et une DSP à 4 ans". Paul-Felix Benedetti
- Un Soffiu Novu
"Vous ne parlez jamais de la OSP compensée dans votre rapport, madame la présidente. Vous mettez systématiquement en opposition la DSP avec les OSP unilatérales. Comme on peut pas faire l'un, on est obligés de faire l'autre. Sauf qu'il y a une voie médiane. Et vous n'en parlez pas". Jean-Michel Savelli
"D'hypothèses approximatives, vous faites des déductions qui sont presqu'aberrantes". Jean-Michel Savelli
"On peut pas considérer qu'il y a une carence d'offre si on ne prend en compte que ceux qui ne sont pas délégataires. Il faut considérer l'ensemble des acteurs privés, qui sont sur le marché tous les trois depuis plus de cinquante ans, et qui ont fait leurs preuves chacun à leur niveau". Jean-Michel Savelli
- Core In Fronte
"Je ne vous demandais pas d'arriver aujourd'hui dans cet hémicycle avec un projet ferme, ficelé, définitif. Je connais mieux que personne les délais, les procédures et les négociations très complexes auxquels vous devez faire face, mais je pense que le courage politique aurait été de dire "aujourd'hui, on veut de la stabilité, voici une DSP, et notre projet politique arrivera dans un second temps" . C'aurait pu être aussi de dire "c'est un renoncement ponctuel, on aura au moins eu le mérite de tenter, pour le moment on n'est pas en capacité de vous proposer autre chose politiquement" . Vous ne pouvez pas venir nous demander, quoi qu'il en soit, aujourd'hui de valider conjointement une DSP de 7 ans, avec ces quelques lignes d'une réflexion à mener, telle qu'elle est présentée ici". Vanina Borromei, ex-présidente de l'Office des Transports
"Je pense qu'à la première lecture, ce rapport a du choquer, ou faire sourire certains d'entre vous. En tout cas il n'a pas pu laisser indifférent. Nous voilà aujourd'hui devant un rapport qui nous propose une délégation de service public maritime de sept ans". Vanina Borromei
"Sur un rapport d'une quarantaine de pages, on se retrouve avec trois lignes sur le projet politique. Et c'est là que le bât blesse. Ce rapport, en l'état, n'a pas de sens. Depuis 2015, le chemin a été douloureux et nous avons fait des choix politiques, et ces choix sont basés sur du courage politique. Aujourd'hui ce courage semble manquer considérablement dans ce rapport". Vanina Borromei
"Cette DSP enterre définitivement la compagnie régionale. Ou du moins, à moins qu'on puisse la déterrer, pas avant 2029. Elle avait été votée en 2016 pour une mise en œuvre au 1er janvier 2023, on est loin du compte". Paul Quastana
"On est au cœur de la Méditerranée, mais depuis des lustres, on a le cordon ombilical uniquement avec la France. Est-ce qu'on ne pourrait pas envisager, en trouvant les moyens, de sortir un peu de ce système franco-français, et de se tourner vers l'Italie, la Sardaigne, le Maghreb, ou peut-être même l'Espagne ?" Paul Quastana
- Avanzemu
"C'est un dossier éminemment politique, complexe et technique, avec des rapports de forces, et rares ont été les fois où les intérêts des opérateurs, quels qu'ils soient, se sont confondus avec l'intérêt de la Corse, les personnels, les entreprises, les familles..." Jean-Félix Acquaviva
"Nous avons l'ambition, certains diront la prétention, de penser que le service public doit avoir comme premier objectif la nécessité d'un progrès économique et social, avec la bonne gestion des deniers publics, avec pour but la baisse tarifaire continue, et c'est l'un principal marqueur, entre l'avant 2015, et l'après 2015, et notre arrivée aux affaires". Jean-Félix Acquaviva
"Nous ne cherchons pas uniquement que les appels d'offre se déroulent bien, que les contentieux n'existent plus, et que les opérateurs fonctionnent, à l'inverse d'autres ici. On recherche le progrès social et environnemental pour notre pays à travers le transport maritime. Ca veut dire la poursuite de la baisse tarifaire, autant que faire se peut, ca veut dire faire en sorte qu'il y ait des progrès environnementaux, un redimensionnement de l'outil naval, et la réflexion, qui demande une transition, de savoir si l'on va rester à cinq ports, si on va faire du cabotage...Mais il faut prendre le temps de mettre tout cela en place." Jean-Félix Acquaviva
Réponse de l'exécutif
- Flora Mattei
"Il n'est pas possible de parler d'un renoncement, ou d'un enterrement de la compagnie territoriale. Loin de là. Je peux vous le dire, une compagnie territoriale, nous l'aurons. Peut-être pas comme certains l'entendent, mais nous l'aurons" .
"Le simple fait de vouloir sauver le service public, quand on est face à l'Europe, et que la vision de l'Europe est celle d'un service public complètement guillotiné, c'est un courage politique. c'est également du courage politique de vouloir de la stabilité pour cette desserte, une stabilité qui permet une prospective réelle, mesurée, structurée, d'un outil naval que nous voulons adapté, sur mesure" .
"Il y a à Marseille, monsieur Benedetti, une diaspora corse extrêmement importante, et le besoin de service public est établi de manière factuelle, quantitative et qualitative".
"Les discussions qui ont été menées à Bruxelles ont également servi à assurer une transparence totale, à rassurer sur les différentes visions, à décrire, précisément, de manière argumentée, chacun des segments que nous avions identifiés dans les besoins de service public".
- Gilles Simeoni
"Je n'ai rien entendu, dans les différentes prises de positions des élus nationalistes, qui soit irréconciliable avec ce que nous essayons de faire".
"Une île comme la nôtre ne peut faire l'économie d'avoir la maîtrise stratégique de ses transports. Comment on y arrive, c'est la question qui s'est posée à nous."
"La Corse, à la différence des autres îles méditerranéennes, dépend à 90 ou 95 % des importations. Cette dépendance ne se retrouve nulle part ailleurs. Et de la même façon, elle dépend à 90 % d'importations venues du continent français. Nous sommes dans une relation de dépendance économique totale, qui s'est déclinée à travers une relation verticale, qui était la Corse, et le port de Marseille, avec un écosystème qui s'est greffé au fil des décennies, et un outil, qui était la SNCM, compagnie publique d'état, qui récupérait la quasi-totalité d'une enveloppe dite de continuité territoriale, qui était facilement destinée à la Corse mais qui servait structurellement à alimenter un système qui visait a défendre et à promouvoir essentiellement d'autres intérêts que ceux de la Corse et des Corses. Ca continue de peser aujourd'hui, il nous faut changer cela, mais nous ne le ferons pas en trois ou quatre ans".
"Je ne serai pas le président du Conseil exécutif de Corse qui prendrait ou proposerait à l'Assemblée de Corse de passer en force sur un mode d'organisation du service public qui nous conduirait de façon certaine à être condamnés, et qui nous conduirait de façon certaine à prendre des décisions que dans 5 ans, dans 6 ans, dans 7 ans, placeraient les élus en situation de responsabilité, la collectivité de Corse à venir, et les Corses dans la situation que nous, nous avons eue à gérer".
"Notre choix d'aujourd'hui préserve, plus qu'aucun autre, la possibilité d'avoir un jour une compagnie maritime régionale, une possibilité à laquelle de toute façon nous allons travailler, ensemble et le plus vite possible".
Amendements
Peu avant 22 heures, un premier amendement, d'ordre technique, proposé par Un Soffiu Novu, est validé par la majorité des élus, hormis le groupe Azanvemu, qui ne participe pas.
Pour le second, porté par Core in Fronte, qui demande de ramener la DSP à 5 ans, et qui a provoqué près de deux heures de débats en commission, Un Soffiu Novu vote contre, tout comme Fa Populu Inseme. Avanzemu vote pour, hormis Josepha Giacometti-Pirredi, qui s'abstient. Core in Fronte vote pour.
L'amendement est rejeté.
Vote
Le rapport est adopté par 32 voix pour, 7 voix contre, 17 abstentions et 7 non-participations.