Le film de la réalisatrice d'origine corse Catherine Corsini écarté du festival de Cannes en raison d'irrégularités et d'accusations de harcèlement

Thiérry Frémaux, le délégué général du festival, a retiré au dernier moment Le retour, le dernier film de la réalisatrice originaire de Castifao, de sa sélection. Une décision peu banale, qui agite le cinéma français.

La très prestigieuse sélection officielle du Festival de Cannes a déjà, par le passé, connu des couacs de dernière minute... Mais, de mémoire de festivalier, on ne se souvient pas d'une telle situation. 

Mercredi dernier, comme il est d'usage sur la Croisette, Thierry Frémaux, le délégué général, en charge de la sélection, appelle Catherine Corsini au téléphone pour lui annoncer la sélection à Cannes de son dernier film, Le retour. C'est le douzième film de la réalisatrice, dont la famille est originaire de Castifao. Et c'est le premier qu'elle tourne en Corse. L'histoire d'une mère et de ses deux filles qui, elles aussi, retournent sur l'île quinze ans après l'avoir quittée dans des circonstances tragiques. 

Rebondissement

Ce n'est pas la première fois que Catherine Corsini est sélectionnée. Mais la joie n'en demeure pas moins réelle. Elle sera de courte durée.

Le lendemain matin, lors de l'annonce, en conférence de presse, des longs-métrages retenus, Le retour ne fait pas partie de la liste. Plusieurs raisons à cela :

La première, une scène de sexe simulée impliquant une mineure de moins de 16 ans, qui n'aurait pas été portée à l'attention de la commission chargée d'étudier les demandes de tournage avec des enfants, comme il est de rigueur habituellement. Selon la productrice Elisabeth Perez, dans un entretien accordé au Figaro, la mouture du scénario qui avait été soumise à la commission ne contenait pas cette scène, qui a été tournée, mais coupée au montage. 

Le parquet de Paris a été destinataire d'un signalement à ce sujet, en novembre 2022, comme indiqué à l'AFP : "ce signalement a été adressé à la brigade de protection des mineurs pour les premières vérifications qui consistent à déterminer les qualifications juridiques des faits dénoncés et le parquet compétent".

Le CNC, ou centre national du cinéma, a déjà fait savoir qu'en raison de cette infraction à son règlement, il retirera l'aide qu'il avait accordée au film. Une aide qui s'élevait à 580.000 euros sur un budget total de 4,5 millions.  

La seconde raison de l'absence du Retour dans la sélection, ce sont des actes supposés de harcèlement et de gestes déplacés à l'occasion du tournage, en Balagne et dans le Centre de l'île. Catherine Corsini est la principale personne visée. Plusieurs membres de l'équipe lui reprocheraient des accès de colère, et sa violence verbale. Deux comédiennes, elles, auraient pointé du doigt le comportement de deux membres de l'équipe... Le comité central d'hygiène et de sécurité des conditions de travail de la production cinéma s'est saisi de l'affaire.

Temporaire ?

Il n'est guère surprenant que le Festival de Cannes ait décidé d'écarter Le retour de la sélection officielle 2023, même s'il a pris soin de préciser que cela pouvait n'être que "temporaire". "La sélection du film n'a pas été annulée, mais le Conseil d'administration a souhaité en savoir plus sur la situation de l'œuvre".

On peut en revanche s'interroger sur la soudaineté du revirement. Et supposer que, alors que Paris bruissait des noms qui allaient être annoncés le lendemain, quelque âme charitable s'est empressé de faire remonter l'information à Thierry Frémaux. C'est en tout cas ce que l'on peut deviner à la lecture des déclarations de la productrice, Elisabeth Perez, qui parle de "malveillance", et avance que "des mails anonymes diffamatoires ont été envoyés à plusieurs festivals de cinéma pour nuire à Catherine". 

Une chose est sûre, quelques soient les raisons pour lesquelles ces éléments ont été portés à la connaissance de Thierry Frémaux, cela n'en dédouane pas pour autant la production et la réalisatrice des irrégularités qu'elles reconnaissent en partie. 

Et en ce qui concerne les accusations de harcèlement, une enquête est en cours, qui permettra d'en savoir plus.