Littérature corse : Fanale & Notte, un dialogue bouleversant entre Ornella Nobili et son père, le poète Dédé Nobili, malgré l'absence

A l'âge de 11 ans, Ornella Nobili a perdu son père, le poète Dédé Nobili. Durant son adolescence, elle a écrit des textes et des poèmes, tout en explorant, en parallèle, l'œuvre de son père. De cette éducation littéraire et humaine peu commune est né un très beau coffret, Fanale & Notte, récompensé du prix du livre corse.

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Ornella Nobili, quand on l'interroge sur l'origine de ce Fanale & Notte, se réfère régulièrement à Pier Paolo Pasolini. L'auteur italien a écrit :

"Il ne faut pas que les fils rompent le rapport dialectique avec leurs pères - c'est-à-dire qu'ils doivent emprunter leurs codes, leur façon de raisonner, et ne pas en inventer une qui soit propre à leur génération - car c'est ce dernier qui leur permet d'avoir une conscience historique d'eux-mêmes, d'aller de l'avant et donc de dépasser les pères"

Le père d'Ornella, c'est Dédé Nobili. Elle avait 11 ans lorsque celui qui restera comme l'un des poètes les plus talentueux du riacquistu est mort.

fanale & Notte, aux éditions de l'indéprimeuse. © FTV

Les deux ouvrages de ce beau coffret, Fanale, qui rassemble les textes du père, et Notte, qui réunit les poèmes de la fille, sont le témoignage, emprunt d'une sincérité désarmante et d'une grande pudeur, du dialogue qui s'est instauré entre eux, durant dix ans. A travers la littérature, au-delà de la mort. 

C'est également la révélation d'une plume avec laquelle il faudra compter, dans les années à venir. 

Entretien

Vous avez commencé à écrire à 11 ans, après la mort de votre père. 
J'en avais besoin. Je le faisais sans but véritable. Au collège, on pouvait me menacer, jamais je n'aurais rien montré à personne ! Et puis une ou deux personnes, qui le savaient, m'ont encouragé à les faire lire, et petit à petit c'est ce que j'ai fait. Mais toujours très prudemment... 

Pourquoi ?
D'abord parce que j'écrivais pour moi. J'en ressentais vraiment le besoin, comme je vous le disais. Et puis c'est un long processus, d'accepter de montrer ce que l'on écrit à d'autres. Il a fallu que j'arrive à me convaincre que cela valait la peine d'être partagé, que des gens y trouveraient un quelconque intérêt. L'écriture de ces textes, c'était vraiment entre moi et moi. 

Vers après vers, j'y cherchais des bouts de mon père... J'y cherchais des fragments de vie, des conseils qu'il n'avait jamais pu me donner.

Ornella Nobili

Pas seulement. C'était aussi entre vous et votre père...
Ca, je ne l'ai réalisé que plus tard. Le processus normal, quand tu es une adolescente, c'est de dialoguer avec ses parents, c'est en partie comme cela qu'on se construit. En ce qui me concerne, le dialogue avec mon père s'est fait à travers ce qu'il avait écrit. C'était apaisant, de me plonger dedans. Je me posais beaucoup de questions, à cet âge-là... Je lisais ce qu'il écrivait, et je me disais que peut-être j'y trouverais des réponses, que je grapillerais un peu de sa pensée.

Ornella Nobili en dédicace de Fanale & Notte. © FTV

Comment est née l'idée de ce livre, Fanale & Notte ?
Ca aussi, ça a mis du temps (sourire). L'idée à mûri durant mes premières années de fac, alors que les dix ans de la mort de mon père approchaient. Je voulais marquer cette date. Pour lui rendre hommage. Mais je ne savais pas comment.
Ce qui m'inquiétait, c'est qu'il y avait plein de choses qu'il avait créées, qu'on chantait au comptoir, mais dont on n'avait aucune trace écrite. Il avait eu, pendant longtemps, le projet de publier une anthologie de ses textes, mais il ne l'avait pas mené à terme...

Quand avez-vous eu l'idée de faire se répondre vos textes et les siens ? 
Ca me semblait logique, d'une certaine manière, puisqu'ils découlaient clairement des vers de mon père. Qu'ils étaient comme un journal de bord de ces dix années. Mais cela n'a pas été évident. Je me suis posé la question de la légitimité de publier ce que j'avais écrit à côté des textes de mon père. J'avais peur que ce soit mal interprété. Que l'on croit que je m'en servais pour faire croire que mes textes étaient valables...

Notte a été l'exutoire dont j'avais besoin pour exister par moi-même.

C'était écrasant, l'ombre de ce que Dédé Nobili représentait en Corse ? 
Pas quand j'écrivais, mais au moment de publier, un peu. pour autant, j'ai vite réalisé une chose : En Corse, de toute manière, tu es la fille de..., la sœur de... Alors j'ai préféré me l'approprier directement, cette filiation. 

L'assumer pour qu'on ne vous la reproche pas ? 
Voilà. Ok, je suis la fille de Dédé Nobili. Mais je suis aussi autre chose. Publier ce coffret, avec Fanale, pour lui, et Notte, pour moi, c'était une manière de dire que je m'étais approprié cet héritage, qu'il était une partie de moi, mais que j'avais maintenant le droit de suivre ma voie.
Ce n'est rien d'extraordinaire, finalement. C'est le processus normal d'une ado qui passe à l'âge adulte, mais dans notre cas, cela s'est fait à travers les textes. 

Votre voie, c'est la littérature ? 
Je ne sais pas. Je suis des études d'histoire du cinéma et d'histoire de l'art à Paris, et je ne me considère pas comme autrice. Il faut du temps, et de la régularité. Je vois ça presque comme un métier. Mais peut-être que quand j'aurai écrit un deuxième livre, qui sait... (sourire)

Vous y travaillez ? 
j'ai envie d'écrire, mais je n'en ressens pas le besoin. j'aimerais trop que ce soit un truc facile, pour moi, du genre "j'ai une idée, j'écris". Mais ça ne marche pas comme ça. C'est quand ça va pas que j'écris (rires)! 
Et puis j'ai besoin de prendre le temps de trouver un sens à ce que j'écris. Il faut que les pièces se mettent en place. Si j'écrivais aujourd'hui, si je mettais tout ce qui m'énerve sur une feuille, ce serait un constat, et rien de plus. Qu'il soit juste ou erroné, de toute manière, cela ne suffirait pas. j'ai besoin de proposer une solution à ce qui m'énerve. Ca peut sembler présomptueux, dit comme ça, et j'en ai conscience, croyez-moi ! 

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