Assises de Haute-Corse : Yassin Salem condamné à 18 ans de réclusion criminelle pour viols

Les jurés ont condamné le jeune homme de 25 ans de 18 ans de réclusion criminelle. soit trois ans de plus que les réquisitions de l'avocat général. Une peine assortie d'une période de sûreté des deux-tiers, soit 12 ans. Yassim Salem devra faire l'objet d'un suivi socio-judiciaire de sept ans. 

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Lors de ses réquisitions, l'avocat général, Xavier Lorrain, s'était attaché à résumer la situation : "vous devez prendre trois choses en compte : Les faits, qui sont d'une particulière gravité, mais également l'absence d'antécédents judiciaires de monsieur Salem, et enfin une histoire familiale banale. A la lumière de ces trois éléments, je vous suggère de le condamner à 15 ans de réclusion criminelle." 

L'avocat général s'était ensuite tourné vers les six femmes et les deux hommes qui constituent le jury de ce procès aux assises, marque un temps d'arrêt, avant de conclure : "En quatre ans, il a évolué de manière infime, alors on peut se poser la question : comment sera-t-il à sa sortie ? C'est pourquoi je suggère un suivi socio-judiciaire avec obligation de soin, pour vérifier que sa réinsertion sociale se passe correctement. Avec une durée de 5 ans, et une peine de 2 ans en cas de violation des obligations". 

Les jurés ont donc condamné Yassin Salem a une peine plus lourde que ce qu'avait requis l'avocat général. 18 ans de réclusion, assortis d'un suivi professionnel de 7 ans, et une peine de 5 ans en cas de violation des obligations. Ont largement pesé dans la balance "une absence d'empathie envers les victimes", et la "dangerosité" de Yassim Salem. 

Justine s'effondre en pleurs, avant de tomber dans les bras de Natacha, qui enlace Olivia. L'alsacienne lui dit, à l'oreille : "ce n'est pas que pour nous, c'est pour toutes les autres. Celles qui ne disent rien". "Enfin libre", lance Justine à sa mère, en anglais.

  • Retour sur la dernière journée 

"Nous savons, mesdames, que la cour vous croira. Nous savons qu'elle vous croit déjà". Lors de sa plaidoirie, en début d'après-midi, Maître Julien Pinelli, l'un des deux avocats de Yassin Salem, accusé d'un double viol, d'exhibition et d'agression sexuelle, s'adresse à la partie civile, longuement. "Il va de soi que ces relations n'étaient pas consenties. La défense ne le conteste pas. Nous ne vous dénions pas le statut de victimes. Il vous est acquis de façon pleine et entière. Vos témoignages nous ont émus et touchés". 

Pour autant, le conseil du jeune homme marocain de 25 ans assis dans le box n'est pas là pour faire de la figuration : "le débat se joue ailleurs". 

Le couteau, encore et toujours

Lors des questions posées aux témoins à l'occasion des deux jours de procès, mais également des allusions, régulières, que se sont permis les deux avocats, on l'avait deviné. Maîtres Pinelli et Albertini savaient qu'il serait difficile de convaincre les jurés que leur client était innocent. Il avait violé Justine* et Natacha*. Mais ils comptaient bien démontrer qu'il l'avait fait sans les menacer d'une arme. La différence, au moment du verdict, pouvait être de taille. 

Il va de soi que ces relations n'étaient pas consenties. La défense ne le conteste pas.

Maître Pinelli

Alors les deux avocats de Yassin Salem ont creusé ce sillon. Inlassablement. Justine, la saisonnière anglaise, ne l'a pas vu, ce couteau. Elle l'a "senti", rappelle maître Albertini. Et puis elle avait bu. Sans oublier qu'il n'y a "aucune marque sur la peau", souligne l'avocat.

Quant à Natacha, elle était persuadée de l'avoir vu. Mais ne l'aurait-elle pas imaginé ? N'aurait-elle pas lu le récit du viol de Justine dans la presse ? Et dans la confusion, mêlé les drames ? Ne lui aurait-on pas glissé cette histoire de couteau lors d'une audition à la gendarmerie ? "C'est important, pour les enquêteurs", affirme maître Albertini aux jurés. "S'il y a un couteau dans les deux affaires, tout est plus simple... On a un mode opératoire..."

Pour résumer succintement, il y a eu viols, oui, mais ils auraient été commis sans violence. Maître Albertini reprend : "on nous décrit un homme violent, mais je vous rappelle des témoignages qui nous le présentent comme respectueux, gentil, aimable, coopératif, serviable. C'est ça l'agresseur sexuel ? C'est ça le rôdeur sexuel ? " Une défense audacieuse qui provoque quelques murmures, et quelques yeux levés au ciel dans le public.

Une parole retenue

Une chose est sûre, c'est que coopératif, Yassin Salem ne l'a pas vraiment été lors de son procès. Mais maître Pinelli le reconnaît sans peine. Et en fait même un deuxième axe de défense. "Il est presque spectateur de ce qui se joue ici. Il ne s'est jamais levé pour protester, quelles que soient les accusations qu'on portait contre lui. On n'a constaté aucune stratégie de défense, aucune posture. Yassin Salem dit son innocence. Il ne la clame pas". 

Ses dénégations sont incohérentes, c'est vrai.

Maître Pinelli

Maître Pinelli se tourne vers le box derrière lequel Yassin Salem est assis, les mains entre les genoux. "Moi-même, j'ai rebondi sur cette vitre qui est parfaitement étanche. Ses dénégations sont incohérentes, c'est vrai. Mais il n'est pas dit que le fils de Fatima et Lamkaden aura reconnu qu'il a commis ce qu'on lui reproche. Ce que l'on a entendu, c'est une parole retenue, une parole contrainte". 

L'avocat conclut en s'adressant aux jurés: "vous ne devez pas tremper votre plume dans les larmes des victimes", et demande une peine de 10 ans, de cinq ans inférieure aux réquisitions du ministère public. 

"Une vision de la femme déformée"

Du côté de la partie civile, sans surprise, ce n'est pas la même tonalité. "Le viol, c'est une mort qui coexiste avec sa vie. C'est une prise de possession violente, par effraction. Le viol est un saccage qu'aucune victime ne mérite ni ne recherche", entame maître Francesca Seatelli, le conseil de Natacha. "C'est un homme qui, dans son déni, est inquiétant. C'est un homme dangereux. Il est dénué de tout affect, de tout sentiment. Il n'y a aucune sincérité dans ces demi-excuses arrachées au forceps. Son désir, son plaisir l'emportent sur tout le reste."

Ces femmes, pour lui, sont de la marchandise sur un étal. C'est insupportable.

Maître Seatelli

Le portrait de Yassin Salem que l'avocate trace devant la cour est sans pitié. "Elles ne sont pas des victimes, puisque c'est lui la victime. Une victime dont la vie a été gâchée... Il a de l'empathie, mais elle est sélective. Il y a une catégorie de femmes bien, intouchables. Celles qu'on doit respecter. Et puis il y a celles qui boivent, qui vont à la plage en deux-pièces, qui sortent en soirée... Celles-là, elles sont de la marchandise sur un étal. Elles sont offertes. Il pense qu'il vaut mieux qu'elles. Et ça, c'est insupportable". 

"Pour sa mère, pour ses sœurs, il a de la considération. Pour les autres, il a de la condescendance". Maître Seatelli n'hésite pas à mettre des mots sur ce qui, confusément, semblait se dessiner au fil des témoignages. "Sa vision de la femme est déformée par son appartenance culturelle. Je ne bascule pas dans le cliché, ce n'est pas moi qui le dit, ce sont les experts".

Quant au couteau, les avocats de la partie civile balaient les théories de la défense d'un revers de main : "La théorie du complot, du piège, personne n'y croit." Pour maître Rosato, qui représente Justine, Ce n'était pas une vue de l'esprit, le couteau. "C'est une survivante, ma cliente. Je vous rappelle les premiers mots qu'elle a prononcés, au téléphone, lorsqu'elle a appelé sa mère : C'est bon, maman, ça va. Je ne suis pas morte". 

 

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