Après la cité Aurore, la « cité des lacs, des monts et des arbres » devrait bientôt faire peau neuve. Un projet d'envergure de plus de 40 millions d'euros. Dans sa globalité, le programme concerne 750 logements.
Construits à la fin des années 1960, les immeubles de la « cité des lacs des monts et des arbres » s'étendent sur huit hectares au sud de Bastia.
Propriété de l'office public de l'habitat, ils sont au cœur d'un grand projet de réhabilitation. Un projet de plus de 40 millions d'euros porté par la ville de Bastia avec l'aide financière de ses partenaires et de l'Anru, l'agence nationale de rénovation urbaine.
Une aubaine pour l'office public de l'habitat dans le contexte actuel. « Il y a des urgences partout et il nous faut programmer les choses patiemment, avec aussi de grosses difficultés financières parce que l'État nous enlève des moyens, aujourd'hui avec la loi de finances 2018, et donc c'est quand même très difficile. Ce programme Anru est très important pour l'office parce que c'est l'occasion de réhabiliter 750 logements avec l'intérêt pour presque 2 000 habitants », souligne Fabienne Giovannini, présidente de l'Office public de l'habitat.
Des habitants que les services de la ville consultent depuis des mois. « Il y a eu en amont, un niveau d'études plus fines un travail en porte-à-porte, d'enquête. Et ensuite, il y a eu ce que l'on a appelé des ateliers participatifs, on est montés voir les gens directement sur le quartier, on a fait du « boite aux lettres », on a fait de l'affichage, on a aussi utilisé nos réseaux de connaissances », explique Louis Panisi, chargé de mission cohésion sociale quartiers sud.
Démolition des immeubles 32 et 33 ?
Un travail minutieux, qui a permis de synthétiser espoirs et inquiétudes. Car le projet de réhabilitation pourrait prévoir la démolition de deux immeubles : les 32 et 33.
Or, dans ce quartier, la démolition de « la grande barre » entre 2000 et 2009 a laissé des traces. « On va se servir de l'expérience des travaux de démolition de la grande barre pour que, s'il y a eu des dysfonctionnements ou des choses qui n'ont pas été assez approfondies, nous puissions en tenir compte dans ce nouveau programme », Emmanuelle De Gentili, première adjointe déléguée à la politique de la ville.
Au-delà des immeubles en eux-mêmes, le projet prévoit de réhabiliter le quartier dans son ensemble.
Objectif : désenclaver la cité. « Aujourd'hui, le site ne fonctionne essentiellement et uniquement qu'en impasse. Donc l'objectif, c'est de rouvrir des voies qui permettent de traverser le quartier, d'y entrer aussi, puisqu'aujourd'hui spontanément, on n'y entre pas sauf si on y habite, et pouvoir aussi, symboliquement, proposer des équipements publics, c'est aussi refaire des réseaux », indique Isabelle Aubert, directrice du renouvellement urbain et de la cohésion sociale.
Autres ambitions affichées : créer un parc urbain et installer des commerces au bas des immeubles. Sur les huit hectares appartenant à l'office, trois hectares, les voiries, devraient être restitués à la ville.
Une condition sine qua non pour que l'agence nationale de rénovation urbaine investisse autant. « À ce stade-là, la ville et la CAB interviendraient pour la gestion des déchets, pour l'éclairage public, pour un certain nombre de fonctionnalités qui aujourd'hui ne sont pas permises simplement parce que nous sommes sur un espace privé. Donc l'Anru dit chiche, si le projet est d'envergure nous sommes prêts à miser et à abonder cette enveloppe régionale et nous sommes sur des enveloppes de plus de 12 millions d'euros simplement sur l'intervention de l'Anru », reprend Emmanuelle De Gentili.
« Vous allez ailleurs… Vous n’êtes plus chez vous »
Parmi les co-financeurs, la communauté d'agglomération bastiaise (Cab) a voté ce projet - qui prévoit la démolition des immeubles 32 et 33 - à l'unanimité. Pourtant, son président, François Tatti, chef de file du parti d'opposition « mouvement corse démocrate » a lancé une campagne contre la destruction.
Pour lui, l'argument financier ne tient pas. « Ce n'est pas un problème financier. C'est un problème de choix politique. Et c'est un problème de choix politique majeur. Je me souviens quand il a fallu opter pour la démolition ou pas des quartiers anciens de Bastia, où cette même majorité a voulu revenir sur l'opération de démolition de certaines ruines du Puntettu qui n'étaient habitées par personne, on a dit, il faut préserver les pierres, moi, je suis pour préserver les gens », estime-t-il.
Pamela Zirolia Evdouchencko habite au 33 depuis 50 ans. Et ne veut pas de la démolition. Avec son mari, elle a beaucoup investi dans cet appartement. « Les sacrifices, ils y sont, il faut dire la vérité. Et puis il a les souvenirs, les souvenirs de la famille, de mon mari, les gosses petits. Il y a un peu tout. Vous allez ailleurs vous êtes nulle part en fin de compte… Vous n'êtes plus chez vous. Même si ici, ce sont les HLM, mais on se sent chez nous. Alors que s'ils nous mettent ailleurs à l'âge que j'ai ça sera dur, très, très dur », regrette-t-elle.
Pourtant, même en cas de rénovation, les travaux rendraient le déménagement inévitable d'après les porteurs de projet. Une permanence a donc été ouverte au rez-de-chaussée du 33. Une chargée de mission de la ville y recevra les locataires de la cité pour les informer et recueillir leurs doléances et souhaits.
Le but : fournir toutes les informations à l'office, qui promet de tout faire pour reloger ceux qui devront l'être selon leurs attentes. Même loyer, et même quartier pour ceux qui veulent rester. Des logements sont d'ailleurs en cours de rénovation à cet effet dans la résidence.