"C’est eux qui ensuite vont léguer cette histoire" : à Furiani, des collégiens commémorent la tragédie du 5 mai 1992

Ce jeudi 4 mai se tenait au stade Armand Cesari une journée de commémoration du drame de Furiani. Destinée aux élèves de huit classes de 4ème venus de toute la Corse, elle avait aussi un rôle de transmission de l'Histoire. En sensibilisant les plus jeunes, le Collectif des victimes du 5 mai 1992 espère que la tragédie ne tombe jamais dans l'oubli.

Devant la stèle commémorative, les rires, les discussions des adolescents. Une sortie scolaire à priori joyeuse, comme beaucoup d’autres. Pourtant, tous sont venus pour connaître le drame qui a endeuillé la Corse il y a déjà 31 ans. Le 5 mai 1992, quelques minutes avant le coup d’envoi du match entre le Sporting Bastia et l’OM au stade de Furiani, une partie de la tribune nord construite à la hâte pour l’occasion sur des cales en bois s’effondre. Au fur et à mesure que les décombres sont déblayées, et sous l’objectif des caméras de la télévision, le bilan s’alourdit. Au total à cause du drame, 19 personnes perdront la vie, et on comptera près de 2 400 blessés. Un traumatisme pour les générations passées, qui n’a pas forcément atteint celles d’aujourd’hui. Maelie, 14 ans, n’avait jamais eu connaissance des faits."On l’a appris au collège cette année, explique-t-elle. Ça nous touche parce qu’il y a eu de nombreux décès et blessés. Après, ça s’est passé il y a longtemps". Ismaël lui, du collège de Saint-Joseph, "en a entendu parler une fois" seulement.

Une journée pour se souvenir 

C’est justement pour éviter que la tragédie sombre dans l’oubli que le Collectif des victimes du 5 mai 1992, en collaboration avec le rectorat, a organisé cette journée de commémoration. Hier déjà, de premières activités ont eu lieu, en compagnie d’anciens joueurs du Sporting Bastia. "Certains (élèves ndlr) connaissent, confie Josepha Giudicelli, présidente du collectif, parce que leurs parents, leurs grands-parents, leur oncle ou leur tante étaient présents, mais pour la plupart non et c’est bien normal, ils n’étaient même pas nés ce jour-là. Pour nous, c’est vraiment une priorité, la jeunesse, c’est l’avenir. C’est eux qui ensuite, vont léguer cette histoire."

Au total, 160 élèves de 4ème issus des collèges de Moltifao, Lucciana, Bastia, Ajaccio, Porto-Veccchio et Calvi ont pris part à la journée. Après un dépôt de gerbe de fleurs devant la stèle commémorative, puis un temps de recueillement et le visionnage d’une vidéo rappelant les faits, tous ont assisté à des ateliers de discussions. Violence dans le sport, traumatisme lié au drame du 5 mai… les thématiques des échanges sont multiples.  "Est-ce que vous avez fait le match ?" "C’est quelle tribune ?", de temps en temps les questions fusent parmi les moins timides… Les discussions, elles, sont animées par d’anciens joueurs et journalistes présents au moment des faits, ou par des membres du collectif.

Hamid Bouraba, footballeur au Sporting club de Bastia à l’époque, était sur la pelouse le jour de la demi-finale contre Marseille. Aujourd’hui, il souhaite "transmettre les émotions", et "faire perdurer la mémoire des personnes qui sont venues" . "C’est un moment que je ne peux pas oublier, souffle-t-il. Ce qui est douloureux, c’est de se dire que des gens ont perdu la vie. Pour une rencontre de foot. Il fallait accueillir un maximum de supporters, et faire plaisir aux Bastiais sur un événement festif. C’était beaucoup de risques pour je crois, pas grand-chose. Parce qu’on aurait pu jouer à l’OM, et peu importe le score, on aurait pu jouer à l’OM." Depuis, Hamid avoue ne plus pouvoir aller dans une tribune à structure métallique. Impossible également de fêter l’anniversaire de sa femme le jour J, qui est née le 5 mai.

Une transmission à plusieurs niveaux

"C’est le plus gros drame du sport français, il a touché toute la nation, tout particulièrement cette île et ici, près de Bastia. Il est important que les élèves, qui sont dans la construction de leur citoyenneté, de leur attachement à la démocratie, à la République, travaillent sur le devoir de mémoire", déclare Jean-Philippe Agresti, recteur de l’académie de Corse. Nicolas, scolarisé à Lucciana, approuve également le format de cette journée pédagogique. "C’est important d’en parler aux jeunes. Ça sensibilise toute la population", affirme-t-il.

En cours, d’après l’équipe encadrante du collège, les élèves auront sûrement un débriefing avec le professeur de sport. Mais pour Candice Lannoye, secrétaire de direction au collège de Lucciana, la transmission se fait à plusieurs échelles. "Ça permet de re-sensibiliser les enfants, qui passent leur temps au stade en plus ici. Et puis, les enfants vont en parler entre eux, forcément, d’autres enfants qui ne sont pas venus auront des questions…".  "Ça va nous servir dans la vie, renchérit Nicolas. Et peut-être qu’on prendra le relais plus tard". Lui connaissait déjà le drame depuis son plus jeune âge, grâce aux témoignages de sa famille.

L’après-midi, les enfants ont pu s’affronter lors de rencontres sportives, car le but de cette journée était aussi de faire passer un message de solidarité. "Le collectif sensibilise sur la tragédie de Furiani, mais aussi sur les valeurs du sport, les valeurs en général que doit véhiculer un tel sport, ou tous les sports en général. Le football, ça fédère, et il ne doit en ressortir que du bon", martèle Josepha Giudicelli. Faire vivre le sport pour se souvenir, afin que plus jamais, une telle catastrophe ne se reproduise.

 

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