Pour vivre heureux, vivons cachés. Ce pourrait être la devise de Tempvs Fvgit. Un groupe qui, depuis 2001, creuse son sillon musical, sans rendre de comptes à personne. Une liberté de ton que leur dernier spectacle, In Absentia, met en lumière. 

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Les six chanteurs sont assis sur des chaises de bois. En cercle. Nimbés d'une discrète lumière ocre.
Tempvs Fvgit interprète Salva Mea, l'une de ses dernières créations. 

Ses membres se cherchent du regard, se touchent, se prennent la main.
L'émotion est palpable.
Sur la scène, et dans les gradins de la Fabrique de Théâtre, où ont pris place plus d'une centaine de personnes. 

La salle affiche complet, comme la veille. 
 
Le retour de Tempvs Fvgit était attendu. 
Et n'a pas déçu. 
 


In Absentia, leur nouveau spectacle, est plus qu'un concert. 
Le groupe l'a conçu comme une représentation théâtrale.

Durant plus d'une heure, pas d'applaudissements, pas de pause. 
Le public est convié dans l' univers de Tempvs Fvgit.
A travers ses chants polyphoniques, à travers la mise en scène de François Bergoin, sobre, épurée. 
Intime.

"Au coeur de In Absentia, on trouve les thèmes de la mémoire, du doute, de la fragilité de la foi. Autant de questionnements liés à la disparition d'un être cher. C'est l'origine même de ce spectacle", résume Patrick Vignoli, l'un des chanteurs de Tempvs Fvgit.
 

Le nom de Benoit Pelerin ne sera jamais prononcé durant le spectacle. 
Même si sa présence imprègne chaque note, hante le moindre recoin de la scène...
 
Il y a neuf ans, Benoit, l'un des membres fondateurs du groupe, est mort, brutalement, sur son lieu de travail. 
Une perte dont Tempvs Fvgit ne s'est jamais vraiment remis, nous confie Patrick Vignoli:

"Longtemps, on a baigné dans le non-dit, même entre nous. Et puis on s'est sentis prêts à rendre hommage à Benoit. Ca a été compliqué psychologiquement. Lors des répétitions, pendant les monologues, on était vraiment très touchés, tellement ca faisait remonter à la surface des souvenirs et des émotions que parfois, on avait tenté de refouler..."

In Absentia est un adieu à un ami et à un compagnon de route d'une grande pudeur, un requiem délicat et aérien. 

Mais de cette douleur intime, Tempvs Fvgit a voulu faire une oeuvre qui parle à toutes et à tous.
L'ensemble polyphonique le rappelait sur son compte facebook, au lendemain des représentations:
 

 

La création d'aujourd'hui, c'est peut-être la tradition de demain

Tempvs Fvgit prend naissance en 2001, au sein de la confrérie Saint Jean-Baptiste de Furiani
Les confrères sont contactés par une musicologue insulaire qui désirait leur transmettre une messe de la région du Nebbiu.
Une messe qui avait été perdue, qui n'était plus chantée depuis des siècles. 
Et qu'elle était parvenue à reconstituer.

La confrérie ne peut le faire, trois de ses confrères, Hervé Muglioni, Benoit Pelerin et Paul Giuntini, sont prêts à relever le défi.
Ils recrutent Patrick Vignoli et Eric Natali, et forment Tempvs Fvgit.

Le groupe, dès ses balbutiements, veut graver la messe sur disque, pour qu'il en reste une trace et que tout le monde puisse l'entendre, et pourquoi pas se la réapproprier.
En 2002 sort l'album Nebbiu.
(Vous pouvez découvrir de larges extraits du disque en cliquant ici)

Ce sera leur seule contribution discographique à la tradition insulaire polyphonique.
 


Patrick Vignoli revient sur ce changement de cap:

"Très vite, on a voulu écrire nos propres chants, ne pas se cantonner au passé. On avait en point de mire le travail d'A Filetta, qui a toujours été un phare pour Tempvs Fvgit. On était persuadés, et on l'est encore, que la création d'aujourd'hui sera peut-être la tradition de demain. Et qu'un art, s'il se fige, devient du folklore, se muséifie. 
On n'était pas sûrs d'être capables d'écrire nos textes, de composer pour 4 ou 5 voix...Et puis c'était pas très bien vu. Aller hors paghjella, c'était la garantie d'être décriés par certains "talibans" de la culture insulaire. Même à l'intérieur du groupe ça a suscité des débats. Mais on voulait être libres de faire ce que l'on voulait. On avait l'impression d'étouffer, en chantant ce que tout le monde chantait. Et puis, c'est important, on ne voulait pas être le bras culturel d'aucune idéologie. La liberté, toujours."


Dix-huit ans plus tard, Tempvs Fvgit, composé désormais de Patrick Vignoli, Hervé Muglioni, Sébastien Bonetti, Eric Natali, Gérard Rossi et Stéphane Giannecchini joue dans les festivals réputés du monde entier.

Le groupe est invité régulièrement en Hollande, au Portugal, en Bavière, en Estonie, en Italie, en Ukraine, au Japon ou à Singapour. 
 


En Corse, étonnamment, c'est un peu différent. 
Sur les scènes insulaires, l'ensemble polyphonique se produit devant un public plus restreint. Et la reconnaissance tarde à venir. 
Ce qui ne semble guère étonner Patrick Vignoli 

"Je ne suis pas convaincu que notre travail mérite plus d'écho, ou des jauges de 400 ou 500 personnes. Notre travail est confidentiel, et on est persuadés qu'il prend vie de meilleure manière dans les endroits confidentiels. Bien sûr, on aimerait que notre musique soit entendue par plus de monde, soit mieux relayée par les médias...Certains, dans le groupe, en souffrent un peu, ils voient ça comme un manque de reconnaissance."

C'est peut-être aussi l'un des prix à payer pour la liberté de créer à son rythme, en restant fidèle, toujours, à ses convictions. 

Le groupe, en près de vingt ans, a donné d'innombrables concerts. A enregistré la bande originale d'un film tunisien, Bab Aziz, avec le compositeur Armand Amar. mais n'a plus enregistré aucun album depuis Nebbiu en 2002, n'a plus enregistré d'album.
En partie en raison de la mort de leur ami, Benoît, avec qui ils avaient commencé à travailler sur leur premier album d'originaux. Et puis parce qu'ils ne sont pas artistes professionnels, et qu'ils ont tous un métier à côté. Là encore, par conviction. 

Certains dinosaures du Riacquistu vivent leur culture comme une subvention, ils sont plus intéressés par l'argent que par leur art. Les entendre pleurer à chaque baisse de subvention, ça nous fait bien rigoler...

 


Tempvs Fvgit, veut faire les choses à son rythme. Lorsqu'il part à l'étranger, ils refuse de jouer plus d'une ou deux fois, et reste quelques jours de plus sur place. Pour avoir le temps de connaître le pays, de s'imprégner d'une nouvelle culture, d'autre manières de chanter.

Patrick Vignoli précise: "Humainement, c'est plus fort. On ne veut pas enfiler les dates, c'est le meilleur moyen que toutes les villes se ressemblent et se mêlent dans nos souvenirs. C'est entre autres pour ça qu'on n'a pas d'agent. Enfin, on en a eu un, a une époque, mais il nous très vite escroqué, et du coup, on l'a viré et on se débrouille tous seuls. Et on décide de tout."

La prochaine décision, ce sera peut-être, après In Absentia, et leur adieu à Benoit Pelerin, d'enregistrer, enfin, un deuxième album. Dix-sept ans après Nebbiu.
Stéphane Giannecchini, qui a longtemps été l'ingénieur du son d'A Filetta, avec qui il avait enregistré Intantu, a rejoint Tempvs Fvgit. Et il dispose d'un matériel d'enregistrement.
"Comme ça on pourra tout faire par nos propres moyens", s'empresse de préciser Patrick...

Au vu de leur façon de fonctionner, il n'est pas dit que leurs fans puissent l'entendre de sitôt, ce nouvel album. 
Mais une chose est sûre, la manière de faire de Tempvs Fvgit a un certain panache...


 

  • Comment Tempvs Fvgit a inspiré Jérôme Ferrari pour son dernier roman, A Son Image

En août dernier, Jérôme Ferrari publiait le très attendu A son image, six ans après son prix Goncourt pour Le sermon sur la chute de Rome. Un roman qui narre le parcours d'Antonia, une photographe insulaire, à travers les souvenirs de ses proches. Le livre se déroule entièrement pendant la cérémonie de ses funérailles. Une cérémonie rythmée par des chants polyphoniques. 
Et Tempvs Fvgit n'est pas étranger aux choix narratifs de l'écrivain.

Ce qu'ils font est très, très beau. Je suis allé à une répétition, et ils ont interprété un Kyrie qui était vraiment magnifique, alors que j'étais en pleine préparation du roman. Et je pense que c'est cette soirée qui m'a incité à construire le livre autour d'une messe de requiem...

Jérôme Ferrari




 

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