Justice : entre 100.000 euros et 200.000 euros d'amende requis contre la mairie de Calvi et Total Corse, dans le dossier de la DSP du port de Calvi

Le ministère public a demandé 100.000 euros d'amende contre la mairie de Calvi pour atteinte à l'égalité des candidats dans les marchés publics, et 200.000 euros contre Total Corse pour recel du produit d'un délit. Le délibéré est attendu le 14 décembre prochain.

Tout commence en mai 2014, sur le port de plaisance Xavier Colonna, à Calvi.

Des fuites d'essence se font jour, révélant d'importants problèmes techniques du côté des énormes cuves de la station d'avitaillement, qui alimentent les bateaux qui entrent et sortent du port. 
Alors que la saison estivale s'annonce, des travaux d'urgence s'imposent. C'est Total Corse, qui exploite le port depuis la DSP de 2008, qui prend en charge les travaux. Le montant de l'opération, plus de 200.000 euros, est supporté par Total Corse, qui fait parvenir les factures à la mairie de Calvi. 

Donnant-donnant

A la fin de la DSP, Total Corse n'est pas rentrée dans ses frais. La commune reste débitrice. "A l'époque, c'était très tendu, au niveau financier", reconnaît la directrice générale des services, qui représente la commune de Calvi, alors que son maire, Ange Santini, n'a pas fait le déplacement jusqu'au tribunal correctionnel de Bastia.

Celle qui, a l'époque des fait, s'occupait des comptes de la mairie, relate ce que les services ont alors imaginé : fixer un droit d'entrée à hauteur de 200.000 euros pour candidater à la DSP qui s'ouvrait en 2016, ce qui aurait permis à Total Corse de rentrer dans ses fonds.

A la demande du président, elle explique : si Total avait remporté l'appel d'offres, ils n'auraient pas eu à s'acquitter de ce droit d'entrée. Et si c'était une autre société qui décrochait la DSP, les 200.000 euros versés par celle-ci auraient été transférés à Total. 

Au final, la question ne se posera pas. Seul Total Corse candidatera, après que Vito ait jeté l'éponge, en raison du délai de trois mois, "trop court", dira la concurrence de Total corse durant l'enquête, pour constituer un dossier.

Cette dernière, sans surprise, remportera le marché. 

Favoritisme

C'est l'un des problèmes soulevés par ce dossier, pour le ministère public, qui estime que "la mise en concurrence, de toute évidence, a été faussée", qui voit dans cette affaire un délit de favoritisme caractérisé. Pour Stéphanie Pradelle, l'avocate générale, "Total disposait d'éléments que d'autres n'avaient pas", et "le délai de trois mois était totalement inadapté à cette DSP". 

Les modalités de fixation du droit d'entrée sont problématiques.

Stéphanie Pradelle, avocate générale

Mais ce n'est pas tout. Selon elle, il y aurait eu entente en amont entre la société et la commune de Calvi. "Ce n'est pas le droit d'entrée de la DSP qui pose problème. Il est légal, et ne participe pas d'une rupture d'égalité. Mais c'est son montant, et les modalité de fixation, qui sont problématiques". 

Le ministère public requiert 100.000 euros d'amende contre la mairie de Calvi pour atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics. Concernant de délit de recel, par personne morale, du produit d'un délit, le parquet demande 200.000 euros d'amende pour la société Total France. 

Dossier technique

Stéphanie Pradelle le reconnaît, "c'est un dossier technique".

Et le réquisitoire, comme les plaidoiries de la défense, vont le prouver amplement. Durant plus de deux heures, des deux côtés de la barre, on va faire assaut de jurisprudences, d'arrêtés, et on va décortiquer toutes les clauses du contrat de la DSP, sans toujours en avoir la même appréciation. 

Le fait que le sortant se représente, et qu'il soit choisi, ne suffit pas à démontrer une quelconque irrégularité.

Me Ribière

Maître Louis Ribière, qui représente la mairie de Calvi, a rappelé en préambule que "la station d'avitaillement a une importance capitale pour le port, qui lui-même a une importance capitale pour l'économie locale", et que "la principale préoccupation de la commune, tout au long de l'affaire, était que la continuité de service public soit assurée. Elle a agi en bon père de famille". 

Le conseil de la commune va ensuite chercher à prouver qu'il n'y a eu, à aucun moment, "des irrégularités administratives", tout en soulignant "l'absence de preuves". "Le fait que le sortant se représente, et qu'il soit choisi, ne suffit pas à démontrer une quelconque irrégularité". 

contradictions

Benjamin Grundler, l'avocat de Total Corse, s'est attaché, durant près d'une heure, à "pointer les carences, les manquements incroyables des enquêteurs" dans ce dossier. Mais il a également attaqué, de manière virulente, le réquisitoire du parquet, n'hésitant à pas souligner "des imprécisions", des interprétations "hors-sujet", des "contradictions d'une page à l'autre des observations écrites du ministère public", face à une Stéphanie Pradelle imperturbable.

C'est quelque peu incongru, voire cocasse, qu'on reproche à mon client un recel de favoritisme, alors qu'il n'a tiré aucun avantage financier de quelque nature que ce soit. 

Me Grundler

Maître Grundler affirme que "cette opération de compensation, à hauteur de 200.000 euros, Total Corse n'en a tiré aucun profit. La somme est inférieure, de près de 15.000 euros, à la somme qu'elle avait avancé pour les travaux. C'est quelque peu incongru, voire cocasse, qu'on lui reproche un recel de favoritisme, alors qu'elle n'en a tiré aucun avantage financier de quelque nature que ce soit"

Et l'avocat de conclure : "Total est même déficitaire. C'est assez rare pour le souligner quand on cité pour recel de favoritisme". 

Le délibéré est attendu le 14 décembre prochain à 14 heures. 

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