Dans le cadre de la lutte contre la Covid-19, des caméras thermiques vont être déployées dans les quatre aéroports de l’île début juillet. La Chambre de commerce de Corse veut aussi équiper les ports pour contrôler la température des passagers entrants.
À partir de juillet, la température des passagers des quatre aéroports de l’île sera prise à leur arrivée par des caméras thermiques. Afin de détecter les personnes potentiellement atteintes de la Covid-19, il y aura trois de ces appareils dans les aérogares de Bastia et Ajaccio ; deux à Calvi et deux autres à Figari.
Le dispositif qui impose aussi l’emploi d’agents formés représente un investissement colossal, à la mesure de l’enjeu : sauver la saison touristique et donc l’économie de l’île, en rassurant les touristes comme les locaux sur la sécurité sanitaire du territoire.
Les caméras thermiques : la solution la plus simple
"Nous étions contre le greenpass, rappelle Jean Dominici, le président de la CCI (chambre de commerce) de Corse, à l’origine de cette initiative. Il fallait proposer quelque chose, une solution rassurante pour tout le monde au niveau sanitaire parce que c’est primordial, mais qui préserve aussi l’activité économique. Nous avons donc fait le tour des aéroports dans le monde pour voir ce qui se faisait. Il s’est avéré que beaucoup d’aéroports avaient choisi ce système de caméras thermiques, car c’est la solution la plus simple à mettre en oeuvre."
Un tel système fonctionne déjà depuis la mi-mai à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, à Paris. Il vise à détecter à l’arrivée des vols, notamment internationaux, d'éventuels porteurs du Covid-19.
Deux contrôles en cas de doute
Le principe est le suivant : la caméra thermique contrôle tous les passagers et identifie ceux présentant une température supérieure à 38 degrés. Si une personne fiévreuse est détectée au débarquement, un deuxième contrôle sera proposé à ce passager avec un thermomètre à infrarouge, sans contact, manipulé par un agent formé à cette pratique. Si là encore, le contrôle est positif, l’agent expliquera à la personne la procédure en lui remettant un dépliant rappelant la nécessité de voir un médecin et de faire un test dans les 24 heures.
L’individu sera t-il alors isolé ou laissé libre de se rendre sur son lieu de villégiature ? La question est encore en discussion avec l’ARS (Agence régionale de santé). Une fois tranchée, le dispositif n’aura plus qu’à être mis en oeuvre. À l’arrivée et éventuellement aussi au départ, si les autres aéroports reliés à la Corse déploient la même chose.
Dans les ports, un autre cadre juridique
Dans les ports, la préfecture de Corse a aussi donné son accord sur le principe de contrôle de températures, mais il y a une différence de taille : le cadre juridique.
Pour les aéroports, il existe déjà, il est fixé par le décret du 31 mai 2020. Son article 12 stipule en effet que "l’exploitant d'aéroport et l'entreprise de transport aérien sont autorisés à soumettre les passagers à des contrôles de température". Rien de tel n’est précisé concernant le transport maritime, mais ce cadre juridique est en cours de modification afin de pouvoir s’appliquer dans les ports.
Quant aux modalités pratiques, précise encore la préfecture de Corse, elles sont discutées indépendamment pour chaque site. Là aussi, des agents seront formés et des flyers vont être édités pour indiquer aux passagers les démarches à suivre en cas de symptômes.
Près d’un million d’euros de coût ?
Reste à savoir pour combien de temps et d’argent ce dispositif sera en vigueur dans l’île. Car si l’achat des caméras ne coûte "que" 100 000 euros, l’emploi de prestataires de services pour manipuler les thermomètres à infrarouges dans les aéroports et contrôler les automobilistes dans les ports se chiffre bien au delà : "Ce dispositif est chiffré à 600 000 euros pour les aéroports et 300 000 euros pour les ports, s’il est utilisé jusqu'à la fin de l’année", indique Philippe Albertini. Et le directeur Général de la CCI de Haute Corse de préciser : "Mais nous pensons plutôt qu’il sera mis en place pour trois semaines et ensuite nous verrons, selon qu’il y a eu ou pas des cas". Ce qui ramènerait le coût à un montant bien inférieur.
La CNIL appelle à la vigilance
Ce déploiement de caméras thermiques se fait sous le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Cette semaine, la CNIL a formellement appelé à la vigilance concernant le recours à cette technologie. Dans un communiqué sur son site internet, elle se dit "pleinement consciente de la situation sanitaire". Mais ajoute que "certains dispositifs envisagés ne respectent pas le cadre légal applicable à la protection des données personnelles". Selon les autorités sanitaires consultées par la CNIL, ce dispositif présente "le risque de ne pas repérer des personnes infectées puisque certaines sont asymptomatiques et qu’il peut, en outre, être contourné par la prise de médicaments antipyrétiques", qui réduisent la température corporelle.
Enfin, l'autorité administrative indépendante insiste sur la nécessité d’apporter un "encadrement textuel adéquat", dès lors que des données sensibles sont traitées ou que le droit d’opposition ne peut pas s’appliquer en pratique dans l’espace public.