30 ans de Ghjuventù Paolina : “Toujours les mêmes fondements, mais la lutte a évolué”

C’était il y a 30 ans : le syndicat étudiant Ghjuventù Paolina naissait de la scission de la Cunsulta di i studienti corsi. Syndicat d’obédience nationaliste mais se réclamant apolitique, il compte aujourd’hui 30 adhérents. Entretien avec Armand Occhiolini, son président.

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Trois décennies, des centaines d’étudiants syndiqués et toujours “les mêmes idéaux” qu’à sa fondation. Fondée le 4 novembre 1992, la Ghjuventù Paolina a soufflé, hier, vendredi, ses 30 bougies. Un anniversaire que le syndicat étudiant fête les 8 et 9 novembre prochains à Corte.

Militantisme de la jeunesse corse, cycle de discussions avec Paris, syndicat étudiant unique… Son actuel président, Armand Occhiolini, a accordé un entretien à France 3 Corse ViaStella.

La Ghjuventù Paolina fête cette année ses 30 ans. Ses ordres d'actions et idéologies ont-ils variés depuis sa création ?

Armand Occhiolini : La raison d'être a toujours été la même : être sincères et fidèles avec nos idéaux, nous impliquer, et rester toujours mobilisés pour ce qui sont nos grands principes. 

Depuis les fondements du syndicat jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons pas changé, nos revendications non plus. Mais la lutte a évolué. Nos combats ne sont plus les mêmes, cela sans doute parce que le climat global en Corse s'est apaisé depuis 1992 et jusqu'aux années 2000, par rapport à aujourd'hui.

Vous mentionnez les grands principes de la Ghjuventù Paolina. Quels sont-ils ?

Armand Occhiolini : Dans un premier temps, l'indépendance syndicale : nous avons parmi nos adhérents des gens de tous les partis, du PNC, de Femu a Corsica, de Core in Fronte...  Il y a des partis qui peuvent parfois nous soutenir ou être d'accord avec nous, mais aucun ne nous dicte quoi faire.

Ensuite, le nationalisme, naturellement. Et enfin, agir avec les étudiants pour les étudiants, tout en apportant au-delà quelque chose au peuple corse.

Ce que l'on peut souhaiter, c'est que le peuple passe les portes de l'Université avec un diplôme, en se disant "j'ai appris quelque chose, et maintenant je vais apporter quelque chose à mon île"

Ce qu'on veut dire pour ce dernier point, c'est l'importance de faire en sorte que l'Université soit un outil qui permette de construire un pays. En tant que nationalistes, ce que l'on peut souhaiter, c'est que le peuple passe les portes de l'Université avec un diplôme, en se disant "j'ai appris quelque chose, et maintenant je vais apporter quelque chose à mon île". Par là, on parle bien évidemment d'autre chose que d'un nouvel hôtel en bord de mer.

Cela, c'est une philosophie pour la Ghjuventù Paolina. Tous nos adhérents sont différents et peuvent avoir des idées variées, mais c'est un idéal que nous comprenons et partageons tous.

Combien d'adhérents revendiquez-vous ?

Armand Occhiolini : Aujourd'hui, on compte 30 adhérents fixes. C'est assez peu au fond : en 1992, on en recensait une cinquantaine. 

Comment expliquez-vous cette démobilisation des étudiants ?

Armand Occhiolini : Je ne parlerai pas de démobilisation. Je crois que tout simplement la mobilisation a pris d'autres formes. On l'a vu au printemps dernier avec les manifestations dans la rue : c’est la jeunesse qui était à l'initiative de ce cycle de mobilisation. 

Un cycle de mobilisation qui a par ailleurs été porteur, puisqu'il a permis d'entamer le processus de discussions autour de l'autonomie avec Gérald Darmanin.

Aujourd'hui, les partis nationalistes, en tout cas ceux au pouvoir, ne sont plus des partis militants, mais des partis de gouvernement.

En se projetant un peu, je crois que l'arrivée au pouvoir des nationalistes a inconsciemment joué un rôle sur les bases militantes. Il n'y a qu'à voir la base militante des partis politiques, sans même regarder celle des syndicats étudiants. Aujourd'hui, les partis nationalistes, en tout cas ceux au pouvoir, ne sont plus des partis militants, mais des partis de gouvernement.

De quel militantisme parlait-on alors, et de quel militantisme parle-t-on aujourd'hui ?

Armand Occhiolini : Je pense que le militantisme prend des formes diverses en fonction des générations. J'en veux pour preuve l'Université : au début des années 80, il a fallu arracher sa réouverture. Les nationalistes étaient pionniers dans ce combat là.

Les luttes dans les années 80 à 2000 n'étaient pas du tout les mêmes : il fallait des moyens pour faire fonctionner l'Université, il fallait, en quelque sorte, lui donner une légitimité. Cette légitimité, je crois qu'elle l'a prouvé depuis un certain nombre d'années.

Aujourd'hui, il reste malgré tout un certain nombre de choses qui nous dérangent, et sur lesquelles nous voulons agir. Mais elles ne sont plus du tout de la même nature que dans les années 80 à 2000 : cette fois, on parle plutôt de mise aux normes de l'Université, des moyens attribués, des postes...

Le contexte, l'époque, et les méthodes d'action ont certainement évolué. Mais je crois que la jeunesse corse est toujours aussi consciente politiquement, et qu'elle est prête à se mobiliser en fonction des causes et des combats.

Vous avez évoqué le cycle de mobilisation, faisant suite à l'agression mortelle dont a été victime Yvan Colonna, auquel la Ghjuventù Paolina, au côté notamment des autres syndicats étudiants, a pris part au printemps dernier. Regrettez-vous la forme qu'ont pu prendre certaines des manifestations qui en ont découlé ? On se souvient notamment de vives tensions entre forces de l'ordre et manifestants, ou encore des dégradations de bâtiments publics.

Armand Occhiolini : Je n'ai jamais de regrets. Ce qui s'est fait est historique, et c'est très bien. Si la colère s'exprime ainsi, c'est qu'il y a une bonne raison. Si les gens n'ont pas forcément fait preuve de démocratie, c'est parce que celle-ci n'a pas été respectée. 

Après, il faut le dire : des fois, il y a selon moi des manifestations que nous n'aurions pas dû faire, ou qui n'auraient pas dû dégénérer.

Je ne citerai pas ceux qui, à des fins politiques et partisanes, ont souhaité instrumentaliser la situation. Pour toute cette période, ce qui m'a vraiment dérangé, c'est que nous n'ayons pas su nous entendre entre nationalistes, que nous n’ayons pas su faire des concessions.

La faute à une guerre d'égo ou à une guerre politique ?

Armand Occhiolini : Je pense plutôt que c'était sous couvert d'une guerre d'égo une volonté de récupération politique. Et c'est déplorable. C'était l'occasion pour nous de nous unir réellement, mais que ce soit dans les partis comme dans les syndicats, il y en a toujours pour vouloir s'imposer plus que les autres.

Quand on parle de faire une union, ce n'est pas forcément fonder un parti unique. Chacun peut avoir sa place dans une union entre nationalistes. C'est aujourd'hui ce qui nous manque vis-à-vis des discussions avec le ministre de l'Intérieur.

Concernant ce cycle de négociations, estimez-vous y être suffisamment représentés ?

Armand Occhiolini : Au sein de la Ghjuventù Paolina, nous considérons que nous ne sommes pas censés participer directement aux discussions, tout simplement parce qu'en tant que militants, nous avons pu voter pour des élus qui doivent nous représenter.

il est dommage d'avoir des représentants qui ne défendent pas par la suite les points sur lesquels ils ont été élus.

Le problème, c'est que nous ne nous reconnaissons pas dans certains messages que peuvent porter nos élus, et nous nous sentons un peu délaissés sur les trois principales revendications que nous portons, à savoir : la reconnaissance du peuple corse, la libération des prisonniers politiques et la demande de reconnaissance et de vérité pour Yvan Colonna.

On sait que les politiques peuvent être parfois difficiles à appliquer. Mais il est dommage d'avoir des représentants qui ne défendent pas par la suite les points sur lesquels ils ont été élus.

Depuis plusieurs années, la question d’un syndicat étudiant unique revient régulièrement sur la table des discussions. Jusqu’ici, la Ghjuventù Paolina s’y est toujours opposée...

Armand Occhiolini : Nous avons toujours été contre, et je pense que nous le serons toujours. Pour moi, le syndicat unique est tout simplement impossible. 

Ce serait concevable si un jour, les trois syndicats meurent et qu'un nouveau est créé, un où tout le monde se connaîtrait et arriverait à faire des concessions. Ce serait très beau. Et ça durerait peut-être dix ans avant d'éclater. Je ne pense pas qu'un tel syndicat puisse être stable. Il y a trop de divergences. 

Aujourd'hui, ce qui fait vivre les syndicats étudiants, c'est aussi de savoir que nous sommes différents.

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