C'est une date célébrée en Corse, chaque année, depuis des décennies. Et un symbole de la lutte nationaliste. Et pourtant. Les historiens s'accordent à dire que, le 8 décembre 1735, il ne s'est rien passé ! Alors pourquoi ce choix ?
L'histoire est connue. Le 8 décembre 1735, les principaux chefs de la lutte corse contre l'occupation génoise, réunis dans un couvent franciscain de Castagniccia, tiennent une assemblée qui acte sa volonté d'indépendance, en rejetant les statuts et les lois imposés par la République sérénissime depuis des siècles. Un texte est rédigé, qui pose le cadre juridique et politique d'une nation corse.
La cunsulta érige le Dio vi salvi Regina, chant marial composé par un jésuite napolitain, comme hymne de la nation corse.
Invention de la tradition
L'Histoire, elle, est un peu différente, comme se sont attachés à le prouver plusieurs historiens corses, ces dernières années. En l'absence de sources historiques précises, c'est le temps, et un flou persistant, qui ont décidé du 8 décembre. Ainsi qu'"un enchaînement assez complexe de lectures et d'interprétations", selon l'historien Sébastien Ottavi.
Le 14 juillet, fête nationale française, est, selon les interprétations historiques, la date de la prise de la Bastille, ou celle de la fête de la fédération, un an plus tard, en 1990.
Philippe Colombani, historien
"Certaines personnes ont fait des raccourcis et ont indiqué que la cunsulta s'est tenue le 8 décembre, mais il ne s'est rien passé le 8 décembre", nous confiait Antoine-marie Graziani à l'occasion d'un entretien accordé l'an dernier à France 3 Corse.
Selon l'historien, le choix de cette date est très certainement lié à l'invocation de l'Immaculée Conception, au début du texte, par les généraux de la nation, l'Immaculée Conception étant célébrée le 8 décembre.
Mais, rappelle l'historien Philippe Colombani, c'est un processus d'"invention de la tradition" qui est loin d'être propre à la Corse : "Le 14 juillet, fête nationale française, est, selon les interprétations historiques, la date de la prise de la Bastille, ou celle de la fête de la fédération, un an plus tard, en 1990".
Symbole
Si la date fait débat, elle s'est néanmoins imposée, au fil des ans, dans l'imaginaire insulaire. Le 8 décembre, festa di a Nazione, est un moment important pour les nationalistes corses, mais plus largement pour de très nombreux insulaires. Un moment de célébration durant lequel, à travers l'île, des débats, des conférences historiques et des soirées culturelles viennent d'ajouter aux messes et processions de l'Immaculée Conception.
Le 8 décembre a pris une importance certaine dans le sillage du Riacquistu. En 1981, les militants du mouvement indépendantiste UPC l'évoquent à de multiples reprises, comme le symbole des revendications politique, culturelle et linguistique.
En 1998, le syndicat Ghjuventù Paolina, qui militait pour que la date devienne fériée à l'Université de Corse, obtient gain de cause. Les lycéens et collégiens s'emparent de la question, et demandent également, à travers des mobilisations et des manifestations, que le jour soit férié sur l'ensemble de l'île, et qu'ils bénéficient aussi de cette journée, face à une Education nationale fermement opposée à l'idée.
Néanmoins, en 2004, le recteur lâche du lest. Et si le 8 décembre ne sera pas férié, il sera consacré à l'organisation d'événements, conférences, débats, autour d'a festa di a Nazione et de l'histoire de "la Corse des Lumières".