La fin de vie, et si on en parlait ? C'est le thème des rencontres organisées par Parolle Vive durant trois jours. La question revient régulièrement dans les médias et l'opinion publique y est de plus en plus sensible. Les discussions proposées permettront peut-être d'y voir plus clair.
Vincent Lambert.Après dix ans de polémique, au sein d'une famille déchirée, ce nom est devenu le symbole d'un combat.
Celui mené contre l'acharnement thérapeutique, ou "obsession déraisonnable".
Celle de maintenir en vie, coûte que coûte, un patient considéré dans un "état végétatif irréversible".
Vincent Lambert, victime d'un accident de la route en 2008, était plongé dans un état de conscience minimal depuis lors. Sans espoir d'amélioration. Après une douloureuse et interminable suite de procédures et de décisions judiciaires, le 11 juillet 2019, le traitement est arrêté, et Vincent Lambert meurt au CHU de Reims.
Acharnement thérapeutique ou interruption du processus vital ?
L'"affaire Lambert" a provoqué d'intenses débats dans la société française, où les positions restent très tranchées, à l'image de la famille de Vincent Lambert. Entre les partisans d'un droit à décider de sa fin de vie, et ceux qui pensent que nul n'a le droit d'ôter la vie à autrui, même dans des situations désespérées.Une loi, la loi Claeys-Leonetti, est même promulguée en février 2016. (voir encadré).
Si Vincent Lambert a cristallisé tous les débats, les familles qui sont confrontées à ce genre de dilemmes sont nombreuses.
Christophe Bargoni, lui, a huit enfants. Et l'une de ses filles souffre d'une maladie orpheline congénitale, provoquant des hémorragies permanentes.
Les conséquences pour la petite fille sont terribles, et pour la famille aussi.
Difficile de savoir comment faire face à un tel drame
Son couple s'est effondré, et Christophe a quitté son travail.Pour pouvoir suivre sa fille d'un hôpital à l'autre, d'un soin à l'autre, d'un examen à l'autre.
Et d'un diagnostic à l'autre...
Christophe se prépare au pire.
Il a rencontré un staff éthique de médecins, pour consulter leur avis, et réfléchir à la possible suite...
"En tant que Papa, clairement, si le pronostic vital est engagé et qu'il y aura des séquelles irréversibles derrière, j'ai pris ma décision. Je veux un accompagnement jusqu'au décès, dans les meilleures conditions, sans douleur, et rapide. C'est très important. Ma fille, je ne veux pas la voir vivre alitée, sous machine..."
Ce sont des situations difficiles comme celle-là qui sont au coeur du débat organisé par Parolle Vive à Bastia et à Prunelli di Fium'Orbu.
Parmi les intervenants, Bernard Devalois, médecin en soins palliatifs à Bordeaux, et directeur du centre de recherche Bientraitance et fin de vie.
Et l'homme ne prend pas de pincettes, lorsqu'on aborde le sujet.
Pour lui, les mentalités changent, mais le problème ne vient pas des patients et des familles.
Il n'est pas tendre avec ses collègues.
"Beaucoup de médecins sont encore formatés en mode il faut tout faire pour maintenir la vie, sauvegarder la vie, même si cela doit entraîner de la souffrance. Or, depuis 2005, la loi dit aux médecins "Non, vous ne devez pas faire d'acharnement thérapeutique, vous ne devez pas rajouter des jours de souffrance aux jours de souffrance, vous devez tout faire pour soulager cette souffrance !""
Pour autant, Bernard Devalois, auteur du livre Les mots de la fin de vie, n'est pas non plus catégorique sur la question :
"Je suis spécialisé dans la douleur, je peux vous dire que je vois des choses épouvantables d'incompétence. Moi je suis en colère, tous les jours, quand je vois des patients qui ne sont pas soulagés correctement alors qu'il serait possible de le faire... Mais la solution ce n'est pas de donner le permis de tuer aux médecins".
Bref, on le voit, la question est bien plus complexe et une approche manichéenne, selon les professionnels, n'est pas la solution.
Ces trois jours de projections et de débats permettront peut-être, si ce n'est de se faire un avis catégorique sur la question de la fin de vie, du moins d'y voir un peu plus clair...
La loi Leonetti-Claeys
La loi Leonetti-Claeys du 2 février 2016 prolonge la loi Leonetti de 2005, en accordant de nouveaux droits aux personnes en fin de vie :Elle rend possible une sédation profonde et continue jusqu'au décès. En clair, elle permet d'endormir des malades en phase terminale jusqu'à leur mort, si la souffrance est trop insupportable.
La loi permet également à toute personne majeure d'exprimer ses volontés quant à sa fin de vie, en rédigeant des directives anticipées.
Le patient peut également désormais désigner une personne de confiance qui l'accompagnera dans ses démarches, et assistera aux entretiens médicaux. Son témoignage prévaudra sur tout autre témoignage. Là encore, il faut remplir un formulaire pour la désigner.
La loi, en revanche, n'autorise pas l'euthanasie, qui consiste à donner au patient des substances qui pourraient avoir pour effets secondaires la mort), ni même le suicide assisté, où c'est le patient qui met fin à ses jours.