La cour d'appel, le tribunal judiciaire et le conseil des prud'hommes de Bastia ont tenu leur audience de rentrée solennelle, ce vendredi 21 janvier. Un rendez-vous en comité restreint pour cause de crise sanitaire, qui a été l'occasion de tenir le bilan d'activité de l'année écoulée.
Manque de moyens, manque de reconnaissance de l'institution judiciaire, et des réformes qui s'empilent sans prendre en compte les capacités nécessaires pour leurs mises en œuvre : ni le premier président François Rachou, ni le procureur général Jean-Jacques Fagni n'ont été tendres envers ce qu'ils considèrent être aujourd'hui des obstacles au bon fonctionnement de la justice, lors de l'audience de rentrée solennelle de la cour d'appel de Bastia, tenue dans la matinée de ce vendredi 20 janvier.
Des difficultés qui ont motivé la publication d'une tribune, en novembre 2021, qui a depuis recueilli plus de 7.500 signatures de magistrats, greffiers et avocats, rappelle François Rachou.
Un cri d'alerte qui dénonce l'approche "gestionnaire" de la justice, et la "discordance" entre volonté de rendre une justice de qualité et réalité du quotidien, paru à la suite du suicide d'une jeune magistrate, passée par le palais de justice de Bastia pour un stage, au commencement de sa carrière.
"Nous arrivons aujourd'hui à un niveau de saturation"
"J'ai la sensation que depuis un certain nombre d'années, il y a une sorte de fuite en avant législative qui vient empiler des réformes sur des nouvelles réformes, sans qu'on ait forcément bien calculé l'impact que celui peut avoir en terme de ressources humaines et de moyens en général, abonde le procureur général Jean-Jacques Fagni.
"Il devient de plus en plus difficile et de plus en plus contraignant pour les juridictions d'arriver à faire face à la prise en compte de ces nouvelles réformes, puisque pour bien les appliquer, il faut d'abord les assimiler, et il faut ensuite les décliner au niveau des décisions juridictionnelles. Tout cela, me semble-t-il, fait que nous arrivons aujourd'hui à un niveau de saturation."
Malgré cela, et malgré la crise sanitaire, qui a imposé et continue d'imposer des mesures et des rythmes de travail bouleversés, "la cour d'appel de Bastia a su maintenir son cap", insiste François Rachou.
En 2021, 1414 affaires ont été enregistrées au sein de l'activité civile générale de la cour d'appel de Bastia, contre 1587 affaires terminées. Le stock d'affaires a diminué de 15,4%. Pour la cour d'assises, 7 nouvelles affaires ont été enregistrées en 2021, 10 décisions ont été rendues et 11 affaires attendent d'être jugées.
En ce qui concerne l'activité pénale, la chambre des appels correctionnels a augmenté le nombre d'arrêts rendus de 5,4% en 2021, par rapport à l'année 2020 perturbée (221 contre 209), et "tend à revenir vers la moyenne des années 2018 et 2019 tout en maîtrisant son stock", a souligné Jean-Jacques Fagni. "Il en est de même pour la chambre de l'application des peines, qui avec plus de 100 décisions prononcées, et notamment une forte proportion d'ordonnances sur appel des décisions rendues par les CAP des établissements pénitentiaires, revient dans des niveaux antérieurs à l'épidémie".
La chambre de l'instruction enregistre elle un "léger" fléchissement de son activité par rapport à 2020, mais conserve un flux "très soutenu, tant dans le contentieux de la détention que pour les dossiers de fond, ce qui nécessite une attention de tous les instants pour les magistrats et le greffe qui la composent".
Enfin, les cours d'assises de Corse-du-Sud et de Haute-Corse ont prononcé, au cours de l'année, 17 arrêts pénaux dont 14 en première instance. C'est près du double de 2020, où seuls 9 arrêts avaient été rendus, et ce qui permet de ramener les stocks à fin 2021 à 20 dossiers contre 23 l'année précédente, "ce qui correspond à un peu plus d'une année d'activité".
Des bons résultats "malgré une pandémie persistante", qui font louer au procureur général "l'engagement particulier de tous ceux, fonctionnaires et magistrats, qui ont contribué à cette production judiciaire dans des conditions délicates, voir dégradées."
Maintien d'activité du tribunal judiciaire
La salle des assises de Bastia a accueilli deux autres audiences solennelles ce vendredi : la rentrée du tribunal judiciaire et celle du conseil des prud'hommes. La première s'est déroulé en début d'après-midi : le procureur de la République de Bastia, Arnaud Viornery, a félicité l'action du tribunal judiciaire au cours de l'année, qui a su maintenir, malgré le contexte pandémique, "l'intégralité de son activité".
En 2021, 3100 affaires poursuivables ont été présentées au tribunal judiciaire : 11% ont été classées en opportunités, 3% ont connu des suites alternatives aux poursuites et 53% en poursuites. Les audiences en comparution préalable de culpabilité ont considérablement augmenté : + 50% en 2021.
Arnaud Viornery a également insisté sur les dispositifs et actions mises en place dans le "fléau" de la violence faites aux femmes, problématique dont s'est saisie le tribunal de Bastia, assure-t-il, alors que dans "40% des cas, les poursuites sont engagées malgré l'absence ou le retrait des plaintes des victimes".