Des collégiens passionnés par des livres anciens retrouvés dans les caves de leur établissement : le collège Vinciguerra de Bastia. Des élèves apprennent à restaurer ces ouvrages. Ils découvrent l'Histoire autrement en plongeant aussi dans les sous-sols. Sur le chemin des secrets de l'établissement.
C’est une véritable caverne d’Ali Baba. Dans une salle du collège Simon Vinciguerra à Bastia, se croisent animaux empaillés, des squelettes de 200 espèces, du matériel scientifique, des minéraux de toute sorte et surtout des livres. Ces derniers sont accumulés depuis quatre siècles et forment une bibliothèque quasi-unique en France, bombardée de surcroît en 1943.
Des livres, qui selon des enseignants, des documentalistes et des enfants appelaient au secours. « Travailler sur un fond ancien, c’est une chance extraordinaire. Ce sont souvent des livres de prêt et nous, nous avons la chance d’avoir les nôtres. On dit les nôtres parce que c’est à nous tout ça. Il faut que l’on se considère comme des passeurs. On estime que ce fonds est extraordinaire et que l’on a le devoir d’en faire profiter les générations futures », indique Paule Beveraggi, professeure documentaliste.
Les enfants, soit disant obnubilés par les écrans, oublient leur repas du lundi midi pour compulser ces vieux ouvrages que la directrice de la bibliothèque de Bastia va leur apprendre à dépoussiérer et à recoudre. « On a un engouement de la part de ces élèves qui est étonnant. À chaque fois, ils découvrent un trésor. Et on travaille dans des conditions exceptionnelles. C’est une chance pour eux, pour nous, de pouvoir faire vivre une bibliothèque », estime Linda Piazza, directrice de la bibliothèque patrimoniale de Bastia.
Entrailles
Que trouvent ces enfants dans ces témoignages anciens parfois en latin, en ligure ou en d’autres langues ? C’est la preuve aussi pour les élèves d’un passé moins rose qu’aujourd’hui. « Ils n’avaient pas la technologie qu’on a maintenant et ils devaient tous les soirs rentrer chez eux et s’ils avaient une définition à apprendre, ils devaient regarder dans le dictionnaire. Ils n’ont pas les moyens qu’on a maintenant », explique Félicia Eïd, élève de 5ème, 13 ans.
Et comme dans Harry Potter, au collège Simon Vinciguerra, les élèves aiment descendre dans les entrailles de leur Poudlard. « Ce bâtiment a été pensé par des jésuites au XVIe siècle et construit au XVIIe », raconte Marie-Pierre Marchini, professeure d'anglais.
Dans les sous-sols de l’établissement, se trouve un invraisemblable enchevêtrement de rébus qui recèle sans doute bien des secrets. « Ici nous sommes tout au fond de l’établissement, c’était, je pense, les cuisines des pères jésuites à l’époque. D’ailleurs, si on continue ces pièces qui se succèdent derrière moi, on va trouver, je suppose le vieil évier des pères jésuites qui existe toujours », continue la professeure d’anglais.
Sur les indications d’un connaisseur des lieux, a été découverte une lourde plaque de marbre attestant du passé impérial du lycée. « Si on ne nous l’avait pas dit, on ne l’aurait jamais trouvée. Elle était dans les combles de l’église, on y arrive par un chemin secret, et elle était contre le mur, elle nous attendait à moitié recouverte de poussière. C’était très émouvant ce jour-là parce que c’était un peu comme si on découvrait un trésor », se rappelle Marie-Pierre Marchini.
Parking
Seule ombre au tableau : le parking en construction qui a avalé une cour dont les murs pourraient obstruer certaines fenêtres. « Même si ça pouvait être nécessaire, c’est dommage de voir un parking construit dans la cour d’un collège », déplore Bastien Lozano, élève de 4ème, 14 ans. « C’est un établissement du XVIIe siècle, il témoigne de cette évolution dans l’éducation dans ce même lieu. Notre crainte, c’est que ce parking ne dénature l’établissement », souligne quant à elle Marie-Pierre Marchini.
Mais pour l’adjoint au maire en charge du patrimoine, ce parking est aussi une chance. « Le parking ne compromet pas l’édifice. Nous sommes au départ d’une mise en valeur de l’ensemble du quartier Saint-Charles que les habitants du quartier appellent le quartier des jésuites parce qu’il y a ce collège, par ce qu’il y a l’église Saint-Charles […], parce qu’il y a la fontaine du consulat. Tous ces éléments vont être mis en valeur. Et puis, après tout, les touristes et les visiteurs vont pouvoir, en sortant du parking, descendre vers le vieux port et découvrir le vieux Bastia », rétorque Philippe Peretti, adjoint au maire de Bastia en charge du patrimoine.
Finalement, enseignants et documentalistes souhaiteraient qu’un espace ouvert au public leur permette de mettre en valeur le patrimoine ressuscité de Simon Vinciguerra. La mairie de Bastia pourrait y réfléchir.