Dans les placards, sous les meubles et même dans les chaussures... Résidents du centre-ville bastiais, Julie et Corentin ont l'un et l'autre eu la très mauvaise surprise de découvrir des blattes dans leur appartement. Un nuisible qui prolifère à grande vitesse, et dont il est parfois bien compliqué de venir à bout.
"Dans chaque placard et derrière chaque meuble que je soulevais, j'en voyais au moins un apparaître. J'étais complètement hystérique, je me disais que ça n'en finirait jamais. J'avais envie de brûler mon appartement." Julie en frisonne encore. 1er juillet, la jeune femme se réveille dans son appartement du centre ancien de Bastia.
Elle tend la main vers son téléphone, posé sur la table de chevet, pour éteindre son alarme, tourne la tête... Et se retrouve "quasiment nez à nez avec un énorme cafard. J'ai hurlé et je me suis levée en panique, et ça l'a fait fuir et se cacher sous un meuble."
J'en ai vu des sortir de mes paires de basket. Deux ont grimpé sur mes bras en s'enfuyant. J'en ai écrasé un pied nu par mégarde.
Paniquée, la jeune femme quitte rapidement sa chambre, et découvre, horrifiée, deux cafards morts en plein milieu de son salon. Après vérification complète, pièce par pièce, placard par placard, et recoin par recoin de tout son logement, le constat est glaçant : ce ne sont pas seulement trois mais plus d'une trentaine de blattes qui cohabitent avec elle dans son appartement.
"La moitié était morte, l'autre moitié courait se cacher sous un autre meuble ou dans des petits trous en bord de mur quand je les dénichais, grimace-t-elle. J'en ai vu des sortir de mes paires de basket. Deux ont grimpé sur mes bras en s'enfuyant. J'en ai écrasé un pied nu par mégarde. J'ai cru que j'allais être malade."
Nuisible, rapide et proliférant
Avec ses six pattes, ses antennes, ses ailes et son corps ovale, le cafard - ou blatte ou cancrelat, les trois termes désignant le même insecte, bien qu'il se décline en plusieurs milliers d'espèces - est la hantise de tout locataire ou propriétaire d'un logement ou de locaux commerciaux.
Généralement compris entre 1 et 3 cm - bien que certains spécimens puissent atteindre les 9cm -, le cafard, une fois adulte, peut vivre plusieurs mois. Considéré comme un nuisible, il peut être dangereux pour la santé, car capable de véhiculer plusieurs agents pathogènes (bactéries, champignons, protozoaires et autres parasites).
Particulièrement allergisants, les cafards peuvent aussi entraîner des problèmes sanitaires, tels que des intoxications alimentaires, de l'eczéma ou encore des problèmes respiratoires, avec en premier lieu de l'asthme chez les enfants.
D'où l'importance de les éradiquer au plus vite dès les premiers signes d'une infestation... Le problème, c'est que les blattes courent vite - elles font partie des insectes les plus rapides au monde -, peuvent pour certaines voler - ou plutôt chuter pour mieux s'échapper -, et surtout, se reproduisent très rapidement.
Dans des conditions de vie optimales, une femelle cancrelat peut donner naissance à des dizaines de milliers d'individus par an. Des chiffres à donner le tournis même sans souffrir d'entomophobie... Et qui expliquent comment une invasion de cafards peut survenir très rapidement, et devient souvent très difficile - voire quasiment impossible - à contrôler par un propriétaire ou locataire seul.
Une éradication parfois compliquée
Corentin, la vingtaine et locataire d'un appartement non loin de la place du marché, a rapidement été contraint de mettre un terme à sa lutte en solitaire. Les cafards, c'est la première fois que le jeune homme y est confronté. La rencontre inaugurale remonte à il y a dix jours, quand il voit passer une blatte dans son salon. Il réussit à la saisir et à la jeter sur le palier, "mais immédiatement, je vois qu'elle arrive à repasser par le trou en dessous de la porte. Je la ressors et je mets une serviette pour bloquer l'espace, et elle parvient quand même à re-rentrer."
Quelques jours plus tard, il découvre quatre cafards morts chez lui. Il achète de l'insecticide, asperge toutes les pièces... Sans succès : les jours passent et Corentin déplore de plus en plus de cancrelats dans son appartement, ainsi que dans la cage d'escalier de son immeuble.
L'idée d'être dans un endroit restreint avec ces trucs-là qui courent partout, ça me dégoûte. Surtout qu'ils sont énormes, ils font la taille de mon pouce.
Le jeune homme contacte son propriétaire. "Je lui ai dit que je ne pouvais pas vivre dans un endroit avec des cafards, et il a pris les choses en main et fait venir une entreprise d'éradication". En l'attente de leur passage, Corentin décide de quitter son domicile pour vivre chez une amie. "Je ne m'y sentais pas à l'aise. L'idée d'être dans un endroit restreint avec ces trucs-là qui courent partout, ça me dégoûte. Surtout qu'ils sont énormes, ils font la taille de mon pouce."
La société de traitement est passée chez lui ce 15 juillet. "Ils ont mis du produit et de la mousse dans les trous de murs pour les boucher. Maintenant, j'espère que ça ne reviendra pas, mais forcément, désormais j'ai un doute. J'ai peur de rouvrir un placard dans deux mois et de retomber dessus."
D'autant plus que si son appartement a bien été traité, ce n'est pas encore le cas de la cage d'escalier. "J'ai prévenu le syndic de copropriété, mais pour l'instant je n'ai pas encore de nouvelles." Un problème, quand on sait que les cafards envahissent rapidement tout un immeuble, et que traiter uniquement un appartement n'y empêche que temporairement leur intrusion.
La hausse des températures propice à leur reproduction
Julie et Corentin ne sont pas les seuls malheureux à souffrir de cafards à Bastia. L'un comme l'autre soupçonnent même une véritable épidémie en cours dans le centre-ville. "Mes voisins m'ont confirmé avoir le même problème à diverses échelles. Et j'en vois souvent dans la rue et devant les entrées des immeubles à côté", soupire Julie.
Avec la hausse des températures des dernières années, ils se prolifèrent plus vite et sur une plus longue période, ce qui fait qu'il y en a forcément un plus grand nombre.
Gérant de la société "Nuisible et compagnie", qui intervient en Haute-Corse, Noël Ventura confirme constater des cas d'infestations nombreux en ce moment "dans toutes les communes". Un problème saisonnier, précise-t-il néanmoins, alors que les cancrelats affectionnent tout particulièrement la fin du printemps et l'été pour leurs temps chauds. "Tous les ans, avec la chaleur, ils ressortent, détaille le professionnel. Mais avec la hausse des températures des dernières années, ils se prolifèrent plus vite et sur une plus longue période, ce qui fait qu'il y en a forcément un plus grand nombre."
Autre changement : la localisation de ces insectes. Auparavant habitués des rez-de-chaussée d'habitation et des endroits les plus humides, "comme les zones proches du port, où on en trouvera tout le temps", Noël Ventura explique être désormais appelé pour les éliminer des dans des quartiers comme celui de Super Bastia, donc en hauteur, ou dans des immeubles au 4e, 5e, voire 6e étage.
Si les traitements permettent de stopper une invasion et d'éradiquer les bêtes présentes, la possibilité d'une infestation future n'est pas nulle. "Avec les cafards, vous pouvez rester tranquille derrière pendant dix ans, mais ils peuvent aussi revenir deux mois plus tard, indique le professionnel. J'ai des gens qui m'appellent tous les ans. J'ai aussi des copropriétés qui me contactent pour organiser des contrats avec des passages réguliers de prévention."
Noël Ventura insiste cependant : "Nous, en tant qu'entreprises d'éradications, nous ne pouvons apporter que des traitements locaux. On ne peut pas viser directement à la source. Certaines municipalités ne font par exemple pas un traitement automatique de leurs réseaux d'eaux, et quand ce n'est pas effectué, les cafards prolifèrent", note-t-il.
Certaines municipalités ne font par exemple pas un traitement automatique de leurs réseaux d'eaux, et quand ce n'est pas effectué, les cafards prolifèrent.
Le traitement des eaux usées en question
Corentin indique d'ailleurs avoir contacté la mairie de Bastia à plusieurs reprises sur ce point, mais avoir été tour à tour renvoyé vers la communauté d'agglomération bastiaise, puis vers la régie de distribution des eaux Acqua publica, sans obtenir de réelles réponses.
Sollicitée sur la question du traitement des eaux usées par France 3 Corse ViaStella, la mairie de Bastia indique ce 17 juillet que les services municipaux dédiés "interviennent au niveau des cafards, principalement sur les bâtiments communaux. Il nous arrive de réaliser des interventions ponctuelles à la surface des plaques de regards d'assainissement par pulvérisation. Ce traitement est éphémère du fait de sa faible résistance à l'eau."
Ce n'est pas une situation récente et encore moins nouvelle.
Parallèlement, "Le traitement par gel ne peut se faire en surface sur le domaine public car il est potentiellement dangereux pour les animaux domestiques et les humains en cas d'ingestion. Ces interventions ne peuvent pas être suffisamment efficaces pour garantir l'intégrité des bâtiments et ne font pas partie d'un programme d'intervention comme cela est fait pour la dératisation", précise la municipalité.
En ce qui concerne les bâtiments privés et leur dépendance, le traitement est à la charge des propriétaires ou du syndic pour tous les nuisibles, continue la ville de Bastia, avant d'ajouter, "S'il est fait état de cafards dans le réseau d'assainissement, celui-ci n'est pas à la charge de la ville."
La mairie conclut enfin en rappelant que "la présence de cafards dans les immeubles doit être prise en charge par les propriétaires et que la prévention à l'intérieur des copropriétés est la seule arme. Ce n'est pas une situation récente et encore moins nouvelle."
Si Corentin a désormais regagné son appartement, Julie, qui s'est réfugiée chez ses parents, est réticente à retrouver son logement. Elle hésite même à rompre son bail de location.
"La copropriété a fait appel à une entreprise qui doit venir dans la semaine. Mais ils sont déjà passés chez moi avant, et j'ai quand même vu des cafards le week-end dernier quand j'y suis allée pour prendre des affaires. J'ai l'impression que ça m'a bloquée et que je n'arriverais plus à être à l'aise là-bas. Même chez mes parents, maintenant, je n'ai pas confiance avant d'ouvrir un placard ou d'enfiler mes chaussures. "
Comment limiter les risques ?
S'il est impossible de limiter entièrement le risque de se retrouver un jour avec des blattes chez soi, Noël Ventura prodigue un principal conseil : "éviter de laisser traîner tout ce qui est nourriture au sol, sur la table, ou de boucher tout ce qui est arrivée d'eau et évacuation d'eau".
L'idée qu'il ne faut surtout pas écraser un cafard sous peine d'en rameuter une centaine d'autres tient plus de la légende, rassure-t-il. "En fait, il s'agit surtout de ne pas l'écraser quand ils ont une oothèque, c’est-à-dire une espèce de capsules qui contient des œufs de bébés cafards. Mais sinon, ça tient plus du mythe. L'écraser ou non n'y changera rien, sinon d'être sûr que celui-là ne pourra pas revenir chez nous."
Enfin, dès l'apparition d'un premier cancrelat chez soi, le professionnel conseille d'être prudent. "Il peut arriver que ce soit des accidents, comme après le traitement d'un bas d'immeuble, que le cafard se réfugie de façon isolée dans un logement. Mais de manière générale, dès qu'ils en voient un premier, je dis aux gens de surveiller. Parce que ça peut très vite progresser."