Membre de l'exécutif de Corsica Libera, Petru Antone Tomasi représentera le parti pour les élections législatives dans la première circonscription de Haute-Corse.
Petru Antone Tomasi n'en est pas à sa première candidature : en 2012, l'indépendantiste avait déjà candidaté dans la deuxième circonscription de Haute-Corse pour les élections législatives. Il avait alors obtenu 2.408 voix, soit 6,19% des suffrages exprimés au premier tour.
En 2017, c'est dans le même secteur Corte-Balagne, qu'il avait retenté sa chance, cette fois en qualité de suppléant de Jean-Félix Acquaviva, qui est élu député.
La coalition "Pè a Corsica" s'est depuis fracturée. Et c'est donc sous la bannière de son parti d'origine, Corsica Libera, que le docteur en droit public se présente dans la première circonscription de Haute-Corse. Avec l'intention de porter haut la voix et les besoins du peuple Corse, sur l'île comme à Paris.
Qu'est-ce-qui a motivé votre candidature ?
Petru Antone Tomasi : C'est une candidature qui s'inscrit dans le contexte politique que connaît la Corse, au sortir du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, qui, de notre point de vue, a été catastrophique pour la Corse et les Corses, et certainement le plus rétrograde depuis quatre décennies. Un quinquennat qui s'est conclu de la pire des façons avec la mort d'Yvan Colonna dans la prison d'Arles.
Il nous semblait indispensable que soit représentée dans cette élection une ligne politique claire, qui rejette des solutions minimalistes et qui se situe vraiment dans la défense du peuple Corse et de ses droits. Peuple Corse qui, si rien n'est fait, est en voie de minorisation sur sa propre terre.
Nous pensons qu'un certain nombre de revendications autour de cette notion de peuple Corse étaient absentes et nous voulons les porter avec force, proposer une voie d'alternance pour cette élection.
Si vous êtes élu, quelles seront vos principales actions en faveur de votre circonscription en tant que député ?
Je pense qu'il y a un enjeu important en matière sanitaire, avec la construction d'un nouvel hôpital à Bastia qui soit un hôpital moderne. Notamment avec des dispositifs qui sont aujourd'hui manquants : je pense aux évacuations sanitaires via ce qu'on appelle un héliSMUR.
Et puis surtout, ce qui fait notre différence, c'est que nous, nous intégrons la construction de ce nouvel hôpital dans la logique d'un centre hospitalier universitaire, d'un CHU multisites pour la Corse.
La Corse est le dernier territoire de l'espace dit Français à ne pas en bénéficier, c'est un scandale absolu. Ce alors même qu'en Guyane, qui était dans la même situation, les choses sont en train de se débloquer, en l'espace de quelques mois. La Guyane, à l'horizon 2024-2025, disposera de son CHU. La Corse sera alors le seul territoire, le seul pays à ne pas en bénéficier, et je crois qu'il faut que cette injustice soit réparée de façon urgente.
Un cycle de discussions devrait s'amorcer entre le futur gouvernement et les élus de la Corse autour de la possibilité d'évoluer vers un statut d'autonomie. Quel rôle entendez-vous jouer dans ce cadre ?
Nous souhaitons tout simplement fixer le cap au bon niveau. C'est à dire non pas dans le cas d'une nouvelle réforme du statut particulier de la Corse, d'une simple réformette de décentralisation qui ne changera rien aux problèmes des Corses, mais dans le cadre d'une véritable évolution politique qui permette de résoudre quarante années de conflit politique en Corse, et surtout de changer concrètement la vie des Corses dans différents domaines de la vie quotidienne.
Pour nous, la phase politique qui s'ouvre doit absolument inclure la question d'une dévolution du pouvoir législatif - il n'y a pas d'autonomie s'il n'y a pas de pouvoir législatif, c'est à dire le pouvoir de faire la loi, accordé à l'Assemblée de Corse -. Il doit y avoir la question du foncier et de l'emploi qui doit être réglée à travers une citoyenneté corse, c'est à dire un statut de résident pour permettre d'acheter les biens immobiliers. La corsisation des emplois en matière économique et sociale.
La co-officialité de la langue, ensuite. Et enfin un statut fiscal et social, car aujourd'hui, on se rend compte qu'en Corse, il y a des surcoûts à la fois dans le cas de l'accès aux biens de consommation pour les ménages, et des surcoûts structurels pour les entreprises.
Nous ce que nous demandons, ce n'est pas un cadeau fiscal fait à Paris, mais un statut qui soit pleinement adapté à la situation de la Corse. C'est au coeur de notre programme, avec également un point d'orgue : la libération des prisonniers politiques pour bien montrer qu'on ouvre une nouvelle page de l'histoire Corse à travers ces discussions.
Vous n'êtes pas le seul candidat de la mouvance nationaliste à vous présenter dans la circonscription. Vous ferez notamment face au député sortant Michel Castellani, membre du parti Femu a Corsica. Ne craignez-vous pas une dispersion des voix ?
Je pense qu'il n'y en aura pas à partir du moment où nous ne disons pas la même chose et nous ne portons pas la même démarche. Les revendications que j'ai citées, je ne les ai pas entendues porter dans cette campagne par Michel Castellani pour certaines, et pour d'autres, elles ne l'ont pas été avec la même force. C'est ce qui nous différencie.
Et puis je rappelle quand même que l'an dernier, Femu a Corsica a choisi de mettre un terme à l'union des nationalistes Pè a Corsica qui nous avait porté au pouvoir unis en 2015. Il nous semblait normal à partir de là qu'il y ait une offre alternative. Nous ne sommes pas pour le parti unique, nous ne sommes pas pour la concentration du pouvoir et pour des manoeuvres qui, de notre point de vue, s'éloignent des engagements que nous avons pris devant les Corses, et qui par certains aspects peuvent même ressembler à des démarches que nous combattions par le passé.
Si vous êtes élu député, quelle sera votre stratégie à l'Assemblée nationale ?
Je pense que le plus important est de recentrer le mandat du député nationaliste tel que nous le concevions nous à l'époque où nous avions participé à l'élection des députés Pè a Corsica. Il y a 577 députés à l'Assemblée nationale française, et environ 570 dont le mandat consiste à s'occuper du devenir de la société française. Il doit y avoir 4 députés nationalistes corses, si c'est possible, dont la mission sera de défendre exclusivement, mais avec force et détermination, les droits du peuple Corse.
Siéger dans un groupe vaguement régionaliste comme Libertés et Territoires, avec des députés parfois très éloignés de nos positions, voire hostile, comme monsieur de Courson [député de la 5e circonscription de Marne, ndlr], ce n'est pas l'alpha et l'omega. L'important, c'est d'avoir les idées claires sur la voix que l'on porte à Paris.