RECIT : il y a 80 ans, Antoine de Saint-Exupéry décollait de Corse pour son dernier voyage

L'auteur, célébré dans le monde entier, était également pilote de l'air dans l'Armée, et, en juillet 1944, il était basé à Borgo, où il effectuait des missions de reconnaissance pour l'US Air Force. Le 31 juillet, il devait effectuer des repérages dans le sud de la France. Il n'est jamais revenu de cette mission.

"Ça faisait juste 38 grammes d'argent, perdus dans l'immensité de la mer... Trouver ça, ça ne se peut pas. La gourmette me brûlait les doigts".

Alors qu'un orage d'été s'abat sur l'Horizon, son bateau de pêche, Jean-Claude Bianco remonte ses filets, bien décidé à rejoindre le plus vite possible le port de Marseille. Et tandis que, en chemin, il jette un coup d'œil au résultat de la pêche, il devine, entre les poissons, un éclat d'argent, fiché dans un bloc de calcaire, 

Après avoir brisé le calcaire, il découvre une gourmette, sur laquelle est inscrit : Antoine de Saint-Exupéry, et le nom de son épouse, Consuleo.

En ce matin de septembre 1998, Bianco vient de faire une découverte qui va permettre d'apporter un début de réponse à un mystère vieux de plus d'un demi-siècle : la disparition de l'un des écrivains les plus célèbres et aimés de la littérature française, auteur du Petit Prince, le livre le plus traduit dans le monde, vendu à plus de 150 millions d'exemplaires.

Une mission de reconnaissance qui tourne mal

Le 31 juillet 1944, le soleil se lève à peine lorsqu'Antoine de Saint-Exupéry se présente sur le tarmac de fortune du camp de l'US Air Force, à Borgo, au sud de Bastia. Son Lockheed P38 Lightning l'attend.

Le commandant de l'escadrille 2/33 de Savoie s'apprête à décoller pour une mission de reconnaissance au-dessus des Alpes, afin d'aider au débarquement allié en Provence qui se prépare depuis une quinzaine de jours, et son arrivée sur l'île, en provenance de Sardaigne, c'est son job. 

Antoine de Saint-Exupéry n'est plus de première jeunesse. Celui que l'on surnomme Pique-la-lune a 44 ans, et la silhouette du jeune homme qui effectuait ses premiers vols à Casablanca, au Marco, en 1921, n'est plus qu'un lointain souvenir. Mais Saint-Ex sait voler, son expérience est précieuse, et puis surtout, il tient plus que tout à participer à la lutte contre l'Allemagne nazie. Alors l'Etat-major américain, qui a fait de la Corse sa base avancée en Méditerranée, continue de lui confier des missions de reconnaissance photographique. 

Celle-ci est sa huitième. Il décolle de Borgo à 8h25 et met le cap sur Grenoble. Son vol est censé durer entre 4 heures et 4 heures et demie. En début d'après-midi, ses camarades, restés à terre, commencent à s'inquiéter. Plus les heures passent, plus les hypothèses se font pessimistes, d'autant que Saint-Exupéry, quelques jours plus tôt, avait manqué perdre connaissance en vol en raison d'un matériel défaillant...

Alors que la nuit tombe, et que l'appareil n'a plus de carburant depuis longtemps, réduisant à néant la possibilité d'un retour à la base, l'état-major décide de déclarer le pilote "porté disparu en mission de guerre". 

Traduit en 380 langues

Les pilotes abattus, ou portés disparus, ne manquent pas. Mais la disparition d'Antoine de Saint-Exupéry revêt un caractère très particulier. On parle également d'un auteur célébré dans le monde entier, salué par la critique, adapté à Hollywood, récompensé par le prix Femina ou le prix de l'Académie Française... Et qui, un an avant sa disparition, publiait son chef-d’œuvre, Le petit prince, aux Etats-Unis. Il ne sera publié en France qu'en 1946, à titre posthume.

Qu'est-il arrivé à Saint-Exupéry ? Une avarie technique, une panne de moteur, une rencontre avec les Messerschmitts 109 de la Luftwaffe qui aurait mal tourné pour le Français ? En l'absence des débris de l'appareil, impossible de le savoir.

Jusqu'en 1998, et la découverte de la gourmette par Jean-Claude Bianco, qui va tout changer.

En 2000, un plongeur professionnel, Luc Vanrell, découvre les débris d'un appareil au large de Marseille, pas loin de l'île de Riou. Après de longues tractations administratives, les éléments de carlingue sont remontés à la surface, en 2003, et le matricule gravé par Lockheed, F-5B # 42-68223, est encore lisible. Il permet de confirmer que le F-5 Lightning était bien celui de Saint-Exupéry.

Pour autant, rien ne permet de déterminer les circonstances du drame.

Si j'avais su, je n'aurais pas tiré. J'aimais tous ses livres. C'est lui qui a donné le goût de voler à beaucoup de pilotes comme moi

Et puis, en 2008, dans le livre Saint-Exupéry, l'ultime secret, signé Jacques Pradel et Luc Vanrell, Horst Rippert, 88 ans, qui, une fois la guerre terminée, a fait sa carrière en tant que chef du service des sports de la ZDF, la chaîne publique allemande, apporte un élément nouveau. Il confie aux deux enquêteurs avoir abattu un avion allié, au-dessus de Marseille, au moment où l'auteur de Vol de nuit et du Petit Prince effectuait sa mission de reconnaissance. 

Pour autant, il précise, un peu plus tard, au quotidien suisse Le temps : "Je n'ai jamais dit que je l'avais fait, car je n'en ai jamais eu la confirmation. On m'a dit bien plus tard que Saint-Exupéry avait disparu, et que ce pourrait être l'avion que j'avais abattu. Si j'avais su, je n'aurais pas tiré. J'aimais tous ses livres. C'est lui qui a donné le goût de voler à beaucoup de pilotes comme moi".

Comme pour tous les mystères qui traversent les époques et se transmettent de génération en génération, il se pourrait bien que l'on ne connaisse jamais vraiment les raisons de la disparition de Saint-Exupéry...

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