Plus de lignes, un réseau connecté, une tarification "solidaire"... Les promesses de ViaBastia, le réseau de transports urbains qui est mis en place ce lundi 3 janvier, sont alléchantes. Mais les usagers sont prudents, et attendent de juger sur pièces.
André, 63 ans, guette le bus qui l'emmènera à Saint-Joseph. Entre deux taffes de sa cigarette, celui qui se vante d'être un usager quotidien depuis "cinquante ans" peste contre les voitures en double-file sur le boulevard Paoli, contre les embouteillages qui mettent les bus en retard, et contre la police qui ne se déplace que pour les meurtres et les visites ministérielles, au lieu de s'occuper de "gérer les embouteillages".
Le sexagénaire n'a pas encore bien en tête les nouvelles lignes de bus. Mais il en est persuadé, ce ne sera pas mieux. "C'était la catastrophe en 2018, en 2019, en 2020 et en 2021. Alors en janvier, vous savez quoi ? Rien ne va changer. Ce sera la catastrophe".
Opération (re)conquête
La tache de la Communauté d'Agglomération bastiaise n'est pas facile. Le dossier des transports en commun, à Bastia, comme dans le reste de la Corse, est épineux. D'abord, l'immense majorité des habitants de la ville et des alentours boude, traditionnellement, le bus, et ne laisserait pour rien au monde sa voiture au garage. Ensuite, celles et ceux qui le prennent, souvent par obligation, n'en ont pas une très bonne opinion. Et on peut les comprendre. Le réseau, pas vraiment une préoccupation majeure des politiques durant des décennies, est obsolète, vétuste et peu fiable...
ViaBastia va changer les choses, la CAB l'assure. Le réseau sera enfin à la hauteur des enjeux. Et pour en convaincre la population, elle multiplie les communications, depuis quelques jours, pour vanter les mérites de ViaBastia.
la semaine dernière, Louis Pozzo-di-Borgo, président de la CAB, Pierre Savelli, maire de Bastia, et d'autres élus de la communauté d'agglomération, ont sillonné la ville en Bus, pour une nouvelle opération séduction, en compagnie de la presse.
Multiplication des lignes
ViaBastia, qui est inauguré ce lundi 3 janvier, c'est 17 lignes. Un chiffre spectaculaire, de prime abord, mais qui englobe trois catégories de lignes différentes :
- 3 lignes principales, appelées "structurantes". L'une, déjà en place, c'est celle du Cap Corse. Elle relie Brando à la Place Saint-Nicolas. La deuxième, fera la jonction entre le quartier de Toga et Montesoro. La troisième, enfin, partira du Palais de justice pour rejoindre Casatorra.
- 6 lignes d'"intérieur", qui partiront des trois lignes principales, pour desservir des quartiers moins centraux, tels que l'Annonciade ou Cardo.
- 5 lignes "de proximité", qui connecteront des communes tels que Ville di Pietrabugno, Furiani, San Martinu au réseau. Ces cinq lignes seront gratuites.
- Plusieurs autres dessertes gratuites seront mises en place, les vendredi et samedi soir, vers l'Arinella ou le cimetière de l'Ondina.
Un réseau plus dense, loin du réseau sommaire qui a longtemps prévalu à Bastia et dans les alentours.
Mais un réseau qui implique également deux changements majeurs, qui font grincer quelques dents..
La navette gratuite, un caillou dans la chaussure de la CAB
Le premier, c'est la disparition de la navette qui partait de la gare, et qui traversait le centre-ville pour rejoindre la Citadelle. Une navette pratique, elle s'arrêtait à la demande, et surtout gratuite... Pour Louis Pozzo-di-Borgo, il n'y a même pas débat. Cette navette n'a pas sa place dans le nouveau réseau ViaBastia. "C'était une navette-taxi, on l'arrêtait à la volée, il n'y avait aucun arrêt ! Ca n'existe dans aucune ville du monde. Désormais on revient à la norme, avec des arrêts sécurisés".
Et le président de la Communauté d'agglomération de Bastia de préciser que cette navette, si elle n'est plus gratuite, existera toujours et qu'elle couvrira même un territoire plus large, puisqu'elle ira jusqu'à Toga.
Le deuxième problème, c'est la desserte de l'hôpital de Bastia, qui est sans nul doute la destination principale des usagers des bus, avec les collège et lycée de Montesoro. l'hôpital n'est plus désormais desservi par aucune ligne principale.
Pour s'y rendre, deux solutions : il faudra prendre une nouvelle ligne, qui part de la gare de Bastia et arpente les hauteurs de la ville, sans traverser le centre, avant de redescendre vers Lupinu. Ou prendre la ligne Toga-Montesoro, et changer de bus aux environs du cimetière...
Une modification qui ne semble pas insurmontable pour quiconque a pris les transports en commun sur le continent, où les correspondances sont légion, mais qui risque fort de chambouler les habitudes des Bastiais... Là encore, la CAB affirme que tout a été pensé, et que ces modifications de réseau auront des bienfaits : "la ligne qui part de la gare, plus direct, fera gagner une demi-heure de temps !"
Un réseau "solidaire"
La CAB, pour séduire les usagers, veut également mettre en avant le système de tarification mis en place. De nombreux tarifs réduits seront appliqués, en grande partie sur le critère du quotient familial. Et 6.000 personnes pourraient ainsi bénéficier de la gratuité totale du réseau sur les 70.000 personnes qui compte la communauté d'agglomération.
Un autre point positif pour ViaBastia, même s'il faudra attendre encore quelques mois pour qu'il se matérialise, c'est la modernisation du réseau, qui devrait être digitalisé et totalement connecté. Les usagers pourront ainsi suivre, en temps réel, sur leur téléphone ou des bornes publiques, l'état du trafic et la localisation de leur bus.
Une boutique en ligne devrait également voir le jour, pour acheter ses tickets ou recharger sa carte d'abonnement.