Quatre fois titrée à Roland-Garros, huit fois championne de France, Gail Benedetti - née Sherriff - a longtemps brillé sur les courts de tennis nationaux et internationaux. Aujourd'hui âgée de 78 ans, la championne n'a pas raccroché la raquette, et continuer de s'illustrer dans sa catégorie d'âge. Avec toujours la même envie et la même énergie.
Il y a ceux qui aspirent aux retraites paisibles, aux grasses matinées et aux journées reposantes, un livre à la main ou un programme télévisé en fond sonore. Ceux qui s'imaginent cuisiner du matin au soir. Gail Benedetti n'est pas de ceux-là.
À 78 ans, pas question pour elle de déroger à son strict programme d'activité physique : ce mardi matin, comme trois fois par semaine, chaque semaine, Gail Benedetti fait ses exercices de musculation. Avec ses cheveux blonds peroxydés élégamment coiffés, ses yeux bleus perçants, son rouge à lèvres rose, sa tenue d'entraînement dernier cri, son charmant accent australien et son sourire communicatif, difficile de ne pas la remarquer dans cette salle de sport de Pietranera.
Soulevés de poids, tractions, un peu de cardio, et il est déjà le temps de repartir pour la sportive : elle est attendue pour échanger quelques balles avec un ami au tennis club de Miomo. Une vie peu économe en dépense énergétique à laquelle elle n'entend pas renoncer. "C'est l'exercice physique qui me maintient en forme", glisse-t-elle en souriant. Un sport tout particulièrement : le tennis, qui l'accompagne depuis sa plus jeune enfance.
Prodige de la raquette
Née le 3 avril 1945 en Australie, fille de l'entraîneur et joueur de tennis nationalement renommé Ross Sherriff, Gail Benedetti tombe à son tour dans la marmite à l'âge de 9 ans. "C'est assez tard pour commencer, reconnaît-elle. Mais avant de m'y mettre, je faisais de l'athlétisme, cela me convenait bien. Et puis un jour, j'ai vu ma sœur, qui a pourtant deux ans de moins que moi, remporter sa première coupe au tennis, à seulement 7 ans. Et je me suis dit : tiens, j'ai envie d'en gagner une moi aussi !"
"Tout tournait au rythme des cours de tennis."
Un sport qui lui réussit : rapidement, la jeune fille s'illustre dans les compétitions et tournois locaux, écrase la concurrence avec son redoutable coup droit. "On jouait tous les jours, mon frère, ma sœur et moi, se remémore-t-elle. Tout tournait au rythme des cours de tennis." Des séances intensives, dispensées par leur père, qui façonnent encore aujourd'hui la conception que Gail a du sport.
"Mon père était un très bon entraîneur, et m'a inculqué les valeurs d'aller au bout de soi-même et de se faire plaisir. Quand je jouais, il ne me demandait jamais si j'avais gagné ou perdu, mais si j'étais allée jusqu'au fond de moi, au maximum de mes capacités. Il savait que c'était le cas, parce que je le fais toujours", rit-elle.
"Mais il me le demandait quand même, et ça m'a vraiment offert une vision positive du jeu. Quand on va sur le terrain, on ne peut malheureusement pas toujours gagner. Mais ce qui est intéressant, c'est de puiser dans toute sa forme physique, au plus profond de son mental, et de chercher des solutions pour gagner et continuer de progresser, au contact de nouveaux adversaires et donc de nouveaux jeux, et de nouvelles tactiques."
"Ce qui est intéressant, c'est de puiser dans toute sa forme physique, au plus profond de son mental, et de chercher des solutions pour gagner et continuer de progresser"
Quatre fois titrée à Roland-Garros
En 1964, Gail Benedetti - alors encore appelée Sherriff - remporte une première victoire face à Billie Jean King, future première mondiale (1966), et encore aujourd'hui considérée comme l'une des plus grandes joueuses de tennis de tous les temps. "C'était un moment marquant pour moi, parce que ça m'a lancé sur le circuit, ça m'a donné confiance en moi. Et ça a fait dire à mon père que je ne jouais pas trop mal, plaisante-t-elle. C'est très important, le regard et l'avis de son entraîneur."
En 1965, elle dispute ses premiers matchs en Europe. La jeune femme a alors 20 ans, et vient de remporter la finale d'un tournoi au Caire, face à l'alors numéro un française Jacqueline Rees-Lewis.
Déterminée, passionnée, Gail enchaîne les compétitions. En 1966, elle rencontre et bat sa petite sœur, Carole Sherriff, au deuxième tour à Wimbledon. Du jamais vu dans ce tournoi depuis le match ayant opposé Maud et Lillian Watson en 1884. Un match entre deux sœurs, un événement qui ne se reproduira plus sur le gazon londonien avant 2000 et 2015, à l'occasion de rencontres entre les fameuses Américaines Venus et Serena Williams
Naturalisée française en 1969, Gail se professionalise, et inscrit son nom dans un sport qui peine encore, alors, à reconnaître à leur juste valeur ses pratiquantes féminines. Véritable diva des courts, la sportive s'illustre encore tout au long des années 70, accumule les coupes et les médailles.
Huit fois championne de France en simple (entre 1969 et 1981), Gail Benedetti indique garder un souvenir tout particulier de ses matchs et victoires obtenues en double à Roland-Garros . "J'ai joué mon meilleur tennis à Roland-Garros, analyse-t-elle. J'y suis arrivée pour la première fois en 1965 en double avec ma sœur Carole, et nous sommes arrivées en demi-finale. J'avais 20 ans, et parce que j'avais bien joué, je me sentais bien."
"Cette sensation de bien-être m'a suivie dans les compétitions suivantes que j'y ai jouées, notamment avec Françoise Dürr, avec laquelle nous avons fait une combinaison formidable, et gagné à trois reprises (1967,1970,1971), poursuit-elle. Par la suite, j'ai joué à Roland-Garros avec six autres partenaires différentes, fait neuf demi-finales, et gagné une quatrième fois (en 1976, avec Fiorella Bonicelli en partenaire)."
Au-delà des trophées, Gail Benedetti retient des matchs marquants, comme celui au cours duquel elle parvient à faire tomber au troisième tour du Roland-Garros en 1971 l'invincible Margaret Court, pourtant lauréate de trois Grands Chelems. Un exploit.
Une championne toujours en activité
Les années ont depuis passé, mais Gail Benedetti n'a jamais raccroché sa raquette. Active sur le circuit ITF séniors, le premier échelon du niveau professionnel, elle a depuis remporté à six reprises le titre de championne mondiale dans sa catégorie d'âge (2011, 2012, 2013, 2015, 2016 et 2018), ainsi que de multiples titres de championne de France.
En parallèle, la joueuse a aussi endossé le rôle d'entraîneure, prenant sous sa coupe des joueuses telles qu'Amélie Mauresmo, dernière française en date à avoir occupé la place de numéro un mondiale et désormais directrice depuis 2021 du tournoi de Roland-Garros. Aujourd'hui, c'est sur les courts de Corse que Gail Benedetti travaille ses coups droits et ses revers.
"J'adore la Corse. Les gens sont très amicaux, c'est familial, ce n'est pas superficiel. J'y suis chez moi."
Mariée depuis 2005 avec Jean-Philippe Benedetti, lui-même également joueur de tennis, Gail s'est ainsi installée depuis maintenant dix-huit ans à Ville-di-Pietrabugno. "Nous partageons notre temps entre ici et Paris, détaille-t-elle. J'adore la Corse. Les gens sont très amicaux, c'est familial, ce n'est pas superficiel. J'y suis chez moi."
Gail Benedetti le promet : aussi longtemps qu'elle le pourra, elle continuera le sport, le tennis, et les compétitions. "C'est une affaire de famille. Toute ma famille était dedans quand j'étais petite, et toute ma famille maintenant, mes enfants et mes petits-enfants, mon mari, y sont au moins passés. C'est comme une addiction."