La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, promulguée le 23 mars 2019, prévoit la création d’une nouvelle juridiction nationale contre le crime organisé. De nombreux dossiers corses seront désormais traités à Paris.
 

La circulaire du ministère de la justice vient tout juste de paraître, mais  les magistrats ne sont pas encore nommés.

La nouvelle juridiction, qui devrait être opérationnelle dans quelques mois,  traitera les affaires les plus complexes : homicides en bande organisée, blanchiment , trafics... mais également la  délinquance en col blanc, évasion fiscale ou autres escroqueries à la taxe carbone.

La tirelire de la fine fleur du grand banditisme français sera désormais scrutée à Paris, par des magistrats spécialisés.
 


Mafia ? Ou crime organisé ?

La criminalité organisée est protéiforme, elle recouvre de nombreux modèles, qui vont de l’économie souterraine à la délinquance spécialisée, du revendeur de ‘shit’, dans les caves d’une banlieue, au golden boy qui n’a jamais manié un 'calibre’, mais qui fait disparaître des milliers d’euros en tapotant sur le clavier de son ordinateur.

Officiellement, il n’existe pas de mafia en France. Le rapport du Sirasco, le service d’information et de renseignement stratégique sur la criminalité organisée, parle d’organisations criminelles. Les rédacteurs du rapport, placent le milieu corse en tête de gondole, en lien avec d’autres bandes criminelles. Des clans qui s’associent, se font la guerre, passent des accords au gré des rapports de force au sein de chaque organisation.

Le débat sur l’absence d’une ‘Mafia’ à la Française est avant tout idéologique et sémantique. La ‘Mafia’ Italienne est en effet hiérarchisée de manière pyramidale, autour de 6 groupes, du Parrain, aux simples soldats, avec,  au sommet de la pyramide, la fameuse coupole, qui est l’organe de direction de l’organisation criminelle et qui détient l’autorité suprême.

Cette organisation n’existe pas en France, où les bandes criminelles fonctionnent plutôt sur un mode horizontal, mais le produit de leurs activités représente tout de même 12% du PIB (produit intérieur brut) Français!

Si l’existence d’une mafia en France est déniée par les autorités, le crime organisé, lui, utilise les mêmes ressorts , avec une forte capacité d’innovation et d’adaptation. Les anciennes activités criminelles (machines à sous, racket, drogue) cohabitent désormais avec celles d’une entreprise traditionnelle légale (marchés publics, construction, spéculation boursière).
 

Risque de conflits entre les juridictions

En créant cette nouvelle juridiction pour lutter contre le crime organisé, le législateur reconnait implicitement que l’évolution des réseaux criminels en France nécessite de disposer d’un outil juridique centralisé et spécialisé.

Reste que cette nouvelle juridiction risque de se heurter aux dispositifs déjà existants. En 2004, le ministre de la justice, Dominique Perben va créer les Jirs, acronyme de juridictions interrégionales spécialisées. Au nombre de 8, elles sont chargées de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière. Depuis cette date, c’est la Jirs de Marseille qui traite les dossiers du grand banditisme Corse.

Quel sera l’avenir des Jirs avec la création de la nouvelle juridiction de lutte contre le crime organisé ? La chancellerie assure qu’elles ne sont pas menacées et que la répartition des dossiers se fera par ordre d’importance. Les Jirs, enquêteront sur la moyenne délinquance et la criminalité organisée au niveau local. Quant à la nouvelle juridiction nationale, elle prendra en charge les dossiers les plus sensibles, ceux qui impliquent des figures du milieu et peuvent avoir des ramifications au niveau Européen, voire international. Mais les magistrats des 8 Jirs, pourraient ne pas être les seuls à protester : ceux du parquet national financier, créé en 2013, pour lutter contre la grande délinquance économique et financière ne risquent-ils pas de se voir déposséder d’une partie de leurs prérogatives au profit de la nouvelle juridiction ?

Si la guerre des polices plane souvent sur les dossiers de grand banditisme, les rapports entre les magistrats des différentes juridictions qui instruisent ces dossiers, peuvent aussi s’avérer conflictuels. La création de cette  nouvelle juridiction est-elle un gage d’efficacité, ou au contraire, ne risque-t-on pas d’assister à un enterrement de première classe de certains dossiers criminels, minés par la complexité du système, la redondance des juridictions et les conflits entre magistrats ?

L’Italie a fait un choix courageux en centralisant la lutte contre la mafia au sein d’une structure unique au début des années 1980. La France elle, préfère se perdre dans les méandres d’une organisation judiciaire complexe, dont l’efficacité reste à prouver, si l’on réfère au taux d’élucidation des crimes par la Jirs de Marseille, en charge du contentieux Corse.
 

 
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