Procès en appel de Joseph Aguzzi : "La haine ne m’intéresse pas, elle vous détruit”

Le procès en appel de Joseph Aguzzi pour l’assassinat de Laurent Bracconi, en juillet 2015, a débuté, ce lundi 30 janvier, devant la cour d’Assises de Corse-du-Sud. Une première journée consacrée à la personnalité de l’accusé qui a toujours nié les faits.

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Dans le box de accusés, Joseph Aguzzi, 67 ans, se tient debout devant la cour, une de ses mains dans le dos. Lorsqu’il prend la parole, ses doigts cherchent à attraper sa manche. Ce lundi 30 janvier, avant que le premier témoin se présente à la barre à l’ouverture des débats de son procès en appel devant la cour d’Assises de Corse-du-Sud, il déclare : « J'y suis absolument pour rien dans cette affaire ».

Comme lors de son procès en première instance en 2021, à l’issue duquel le sexagénaire a été condamné à 12 ans de prison pour l’assassinat de Laurent Bracconi le 21 juillet 2015, il nie les faits qui lui sont reprochés. Des faits que le retraité aurait commis, selon l'accusation, pour venger la mort de son fils, Marc, survenu en 1999.

« Neuf projectiles sont retrouvés »

Le 21 juillet 2015, Laurent Bracconi est tué par balle à la terrasse du bar l’Empire qu’il vient de racheter, Rue Napoléon à Bastia. « Neuf projectiles sont retrouvés, un dans la tête de la victime, un dans le bras, un dans le thorax et un dans le genoux », rappelle la présidente.

Selon les premiers témoins sur place, l’auteur est un individu de grande taille, portant des vêtements noirs et une casquette, une sacoche en bandoulière. Il aurait pris la fuite vers le vieux port.

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Procès en appel de Joseph Aguzzi : "La haine ne m’intéresse pas, elle vous détruit” ©Dominique Moret ; Franck Rombaldi

Il est environ 13h30. Joseph Aguzzi se trouve, selon ses dires, à quelques mètres de la scène de crime, à l’église Saint-Roch, où il assiste à des obsèques. Il porte des vêtements noirs, une sacoche, et aurait, d’après des témoins, quitté l’édifice très peu de temps avant les coups de feu.

« Ce qui le caractérise le plus, c’est l’altruisme »

Examiné en 2015 par un expert psychologue, Joseph Aguzzi est présenté comme un homme « lucide », « intelligent », « doué de bonnes capacités de raisonnement ». Si le sexagénaire « ne reconnaît aucune responsabilité dans cet événement », il « comprend que l’on puisse le considérer comme le coupable idéal ». L’accusé soutient pourtant ne « pas être obsédé par l’idée d’une vengeance ». Pour l’expert psychologue, Joseph Aguzzi est « un sujet normal ». « Ce qui le caractérise le plus, c’est l’altruisme. »

Un « altruisme » que lui reconnaissent également trois de ses « amis » boulistes, activité qui passionne Joseph Aguzzi. « Je suis président du club de boules et il demandait tout le temps si on avait besoin d’aide, d’acheter quelque chose. Il le faisait spontanément, sans qu’on n'ait rien à lui demander », souligne l’un d’entre eux.

« Joseph Aguzzi pouvait-il être colérique ? », interroge Me Sébastien de Casalta, avocat de la défense, aux différents témoins. Tous répondent par la négative. « Quand il y avait des tensions sur le terrain de boule, il était toujours le premier à faire en sorte de calmer le jeu. Il disait : ‘on ne va pas se prendre la tête ce n’est qu’une partie de boule’ ».

Pour Me Paul Sollacaro, avocat de la partie civile, “les enjeux sont énormes”. “Mr. Aguzzi se défend d’avoir commis les faits pour lesquels il a été condamné par la cour d’Assises de Haute-Corse. De l’autre côté il y a une famille qui est en attente de réponses et d’une réponse aussi judiciaire. Mr. Aguzzi dit qu’il n’était pas certain que Laurent Bracconi était l’assassin de son fils, c’est ce qu’il dit. Mais on verra au fil des débats et en examinant le dossier sur le fond que dans la réalité, il en est tout autre. Il avait jusqu’en 2015 la certitude que Mr. Bracconi était l’assassin de son fils”, détaille-t-il.

L’hirondelle

Au sein de sa famille, il semble être l’homme incontournable. Toujours disponible pour aller chercher ses quatre petits-enfants. « Dans le lotissement on m’appelait l’hirondelle, parce que je partais partout pour mes petits-enfants avant de rentrer à la maison », sourit Joseph Aguzzi. Au moment du divorce de son second fils, un temps confronté à une addiction aux jeux, et de sa belle-fille, c’est lui qui rembourse les dettes et les crédits du couple : « J’ai bradé ma maison pour ça. Mais c’est normal. »

« Normal » car ses petits-enfants sont devenus « sa priorité » après l’assassinat de son fils Marc. « Avec ma femme, on évitait d’en parler. On regardait vers l’avenir. Il nous a souri avec la naissance de nos petits-enfants. Ils sont ma raison de vivre », livre Joseph Aguzzi.

Trois hospitalisations en psychiatrie

Si Joseph Aguzzi est présenté comme « admirable », « ouvert », il est aussi profondément marqué par l’assassinat de son fils. Un ami de 50 ans, indique « qu’il parle souvent de lui ». Le témoin partage la peine de l’accusé, lui aussi a perdu un enfant, pas encore trentenaire. « J’ai une photo de Marc chez moi. C’est un drame, c’est très dur. On se croisait au cimetière, j’y vais tous les jours. Et quand on parlait d’eux, on pleurait tous les deux », livre-t-il.

Depuis le box des accusés, le sexagénaire qui se dit catholique pratiquant, ne veut pas s’étaler sur cet événement. “Ça m’étonnerait que quelqu’un, ici, ne puisse pas comprendre la perte d’un fils de 21 ans.” “Pudique”, Joseph Aguzzi livre tout de même qu’après cette mort, il développe une dépression. “J’ai été hospitalisé en psychiatrie trois fois, précise-t-il. Je n’étais pas enfermé, je pouvais sortir comme je voulais et rentrer.

Selon différents témoignage, Marc est “omniprésent” dans l’esprit et dans les conversations de son père. “Chez lui, il y a des photos partout”. Pour “ne pas l’oublier”, insiste son père. “Je ne pense pas être un père différent d’un autre père qui a perdu un fils. Il est toujours dans mon cœur. Il n’est plus là, mais je le retrouverai un jour. La haine ne m’intéresse pas, elle vous détruit, la vie m’intéresse.” Il reconnaît que quelques heures après l’assassinat de son fils il a pu dire : “Si je retrouve celui qui a fait ça, je le tue.” Il nuance : “mais entre dire et faire... c’était une parole de douleur, pas de haine.

Pour l’assassinat de Laurent Bracconi, Joseph Aguzzi risque la réclusion criminelle à perpétuité. Son procès en appel doit se poursuivre jusqu’au vendredi 3 février.  

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