12 personnes, dont Redoine Faïd , Jacques Mariani, et un ancien collaborateur de justice comparaissent depuis le 5 septembre devant la cour d’assises de Paris pour l’évasion en hélicoptère de Réau de Redoine Faïd et un projet d’évasion qui aurait eu lieu un an plus tôt.
Une enquête pénale a été ouverte. “Tout sera mis en oeuvre pour retrouver la personne qui a fait ça”, avait assuré la présidente de la cour d’Assises jeudi 5 octobre dans la soirée, très en colère .
Il faut dire qu'en quelques minutes, vers 19 heures, tous les efforts entrepris par la cour d’Assises de Paris depuis un mois pour dissimuler l’un des accusés ont été déglingués. Le visage de Philippe, (son prénom a été modifié) est apparu sur les écrans de la salle d’audience.
Philippe, est accusé dans ce procès, d’avoir participé à une association de malfaiteurs pour aider Redoine Faïd, braqueur multirécidiviste de Creil, à mettre en place un projet d'évasion de la prison de Fresnes en 2017. Un peu plus d’un an avant que Redoine Faïd réussisse à s’évader en hélicoptère et en 10 mn du centre pénitentiaire de Réau.
Mais Philippe est surtout un accusé qui a obtenu le statut de repenti en mars 2020. En Février 2017, il rencontre “par hasard”, Jacques Mariani, personnage bien connu du banditisme, fils d’un baron du gang de la Brise de Mer dans un hôtel à la Baule. Les deux hommes ne sortent pas du même moule. Philippe a fait Sciences-Po, il a travaillé pour l’Association des maires de France, puis dans le cabinet d’un maire de banlieue, a joué les intermédiaires lors d’un voyage de parlementaires en Syrie alors en guerre en 2012. Jacques Mariani vient de bénéficier d’une liberté conditionnelle. Alors âgé de 50 ans, le Bastiais a passé plus de la moitié de sa vie en prison.
Les deux hommes sympathisent, se présentent à leurs familles respectives, déjeunent dans des restaurants chics, et partagent de plus en plus de secrets. En décembre 2017, Philippe et Jacques Mariani sont arrêtés par la police dans une enquête ouverte pour trafic de stupéfiants et extorsion de fonds.
"Comme dans Jason Bourne"
Philippe décide de collaborer avec la justice. Il obtient le statut de repenti en contrepartie de son témoignage sur le crime organisé. Il livre des informations sur des extorsions de fonds que la justice reproche à Jacques Mariani et notamment sur le double assassinat de Poretta (5 décembre 2017). Il dit aussi avoir rencontré Rachid Faïd, le frère de Redoine Faïd dans le cadre d’un projet d'évasion de Fresnes, à la demande de Jacques Mariani.
En contrepartie de ce témoignage précieux pour les juges d’instruction, Philippe obtient le statut de repenti. Sa vie bascule. Avec son épouse et ses trois enfants, il obtient une identité d’emprunt, vit dans un lieu tenu secret, sous protection. “Je disais à mes enfants que c’était comme dans Jason Bourne”, avait expliqué Philippe lors de son interrogatoire de personnalité.
“Un traumatisme”, a assuré d’un ton fébrile, la femme de Philippe dont on a entendu la voix et c’est tout, lors de son témoignage en visioconférence. Philippe a perdu son statut de repenti depuis pour des raisons restées floues. Mais il a gardé son identité d’emprunt.
C’est principalement sur les déclarations de l’ex-repenti que s'appuient les accusations d’association de malfaiteurs entre Jacques Mariani et les Faïd. Jeudi, après le couac de son apparition soudaine sur les écrans, Philippe n’a pas semblé trop bouleversé. Même si une rumeur courait qu’une photo de “l’ex-repenti” circulait déjà sur les réseaux sociaux. La présidente , après une longue suspension, et la vérification de tous les portables présents dans la salle annonce le début de l’interrogatoire de l’accusé caché derrière un paravent.
"Oui j'étais un homme de Mariani"
“Oui j'étais un homme de Mariani”, répète t-‘il . Avant de se lancer dans un interminable flux continu de paroles, entrecoupées de courts silences. “Quand je rencontre Rachid Faïd, il me parle comme s’il parlait à Mariani…Le mode opératoire, la rentrée du matériel, et suffisamment d’explosifs pour atteindre la sortie",expose t-il .
Il livre ses commentaires sur sa vie “parallèle” de voyou, affirme qu’on lui passe des commandes: “Rangers, lunettes à vision nocturnes”. “Jacques quand il m’appelle c’est sur Signal…Les recouvrements de dette c’est dur, il faut mettre des coups de pression…Mariani, il sait être convaincant…”, passe de l’extorsion de fonds, au trafic de stupéfiants sans transition, ne s’arrête jamais, énumère ses rendez-vous avec Rachid Faïd.
L’ex-repenti avait expliqué que Rachid Faïd lui avait donné une lettre écrite par son frère Rédoine dans laquelle il sollicitait l’aide financière de Jacques Mariani en échange d’un coup de main pour l’aider à se débarrasser des membres du clan ennemi. “Ces déclarations ne reposent que sur l’imagination ….Jacques Mariani n’a rien à faire dans cette association de malfaiteurs pour ce projet d’évasion à Fresnes”, répète Heidi Dakhlaoui , l’avocat de Jacques Mariani.
Au bout d'une heure trente de déclaration spontanée, Philippe s'arrête. Sa déclaration devait se poursuivre le lendemain. Mais vendredi matin, Me Clarisse Serre, son avocate a déclaré ne pas pouvoir poursuivre l'interrogatoire en raison des incidents de la veille. Le procès reprend lundi. Les interrogatoires de l’ex-repenti et de Jacques Mariani pourraient jeudi et vendredi.