Rentrée scolaire : des enseignants parfois récalcitrants à se faire vacciner contre le Covid-19

Faut-il rendre obligatoire la vaccination des enseignants et du personnel éducatif ? À quelques jours de la rentrée scolaire, et alors que le variant Delta sévit toujours, la question divise en Corse, comme sur tout le territoire français.

La case vaccin contre le Covid-19, Gisèle* a bien réfléchi : aussi longtemps qu'elle en aura la possibilité, elle n'y passera pas. cette enseignante en classe de seconde et première dans un établissement de la région bastiaise ne s'estime pas particulièrement "menacée par la maladie". 

"L'année dernière, on donnait les cours sans pass sanitaire. Certains de mes élèves et de mes collègues sont tombés malades, mais je ne l'ai pas attrapé. On est soumis à un protocole sanitaire, avec le port du masque et la distanciation sociale, et ça a suffit. Alors le recours à la vaccination, aujourd'hui, ça ne me paraît pas justifié."

Je n'ai pas à subir un traitement expérimental au nom du supposé bien commun.

Un avis partagé par Thomas*, professeur de mathématiques à Bastia, qui témoigne ne pas se sentir à l'aise "avec l'idée de [s]'injecter un vaccin sur lequel nous n'avons que peu de recul, mais beaucoup de questions". "On parle d'effort commun, de se protéger contre les formes graves du coronavirus. Mais je suis jeune, je n'ai pas de facteurs à risques et j'applique les gestes barrières. Je n'ai pas à subir un traitement expérimental au nom du supposé bien commun." 

Plus de 75% des professeurs vaccinés

À quelques jours seulement de la rentrée, ni Gisèle ni Thomas ne devraient être embêtés dans leur reprise de fonction. L'obligation vaccinale des enseignants n'est ainsi à ce jour pas envisagée par le gouvernement. 

Cela en raison de "l'important" pourcentage de professeurs déjà vaccinés : ils étaient près de 75% à l'entrée des grandes vacances, indiquait fin juillet Jean-Michel Blanquer, enquêtes ministérielles à l'appui.

Un taux plus de deux fois supérieur à la moyenne française - au 1er juillet, 35% de la population globale était complètement vaccinée contre le Covid-19, selon la base de données gouvernementales Géodes -. Optimiste, le ministre de l'Education, de la Jeunesse et des Sports, estimait même fin juillet sur franceinfo à "environ 90% l'intention vaccinale des professeurs".

Des résultats "encourageants" qui n'empêchent pas plusieurs organismes, dont la Société française de pédiatrie, de plaider depuis plusieurs mois pour la vaccination obligatoire des personnels éducatifs. L'organisation mondiale de la santé (OMS), appelle également à la vaccination prioritaire des enseignants et du personnel des établissements scolaires, afin de ne pas agraver "la perturbation la plus catastrophique de l’histoire de l’éducation".

Au sein des syndicats de parents d'élèves, les opinions divergent : Denis Lucciani, président de l'APC (Associu di parenti corsi), indique ainsi ne pas être en mesure de donner de position tranchée du syndicat. Mais glisse néanmoins que "lorsqu'une règle est décidée, elle doit être la même pour tout le le monde. On ne peut pas à la fois inciter les élèves à se faire vacciner et ne pas en faire de même pour les enseignants et le personnel éducatif".

"J'ai abandonné toute idée de débat"

Des divisions qui se poursuivent même une fois passées les grilles des établissements scolaires.

Thomas, le professeur de mathématiques, raconte ainsi avoir reçu des commentaires "peu aimables" de la part de plusieurs de ses collègues. "J'ai abandonné toute idée de débat, ça ne mène à rien. Au mieux, chacun reste sur ses positions et on a perdu du temps, au pire, ça créé des incidents diplomatiques. On vit déjà une période et un métier assez compliqué. Je peux me passer des réflexions de mes pairs sur mes choix de vie."

Résultat, pour ne froisser personne, le professeur en mathématiques préfère ne tout simplement pas aborder la question. Une position également adoptée par Emmanuelle*, enseignante en CM1 en Corse-du-Sud. "On a déjà peu de temps pour nous retrouver entre nous, alors si c'est pour parler encore du Covid, je ne rentre pas dans ces discussions là".

Avec le vaccin, on fait toujours attention, mais on est moins inquiets, on se permet plus de s'approcher des enfants.

Elle est pourtant vaccinée en schéma complet depuis avril dernier, comme "la grande majorité" des professeurs de son établissement. Une protection immunitaire qui la rassure, et qui a facilité, en deuxième partie de l'année scolaire, ses rapports avec ses plus jeunes élèves. "Ils sont petits, donc ils mettent souvent mal le masque, et c'est parfois difficile de bien aérer. J'ai des parents âgés, donc c'était parfois compliqué à gérer. Avec le vaccin, on fait toujours attention, mais on est moins inquiets, on se permet plus de s'approcher des enfants."

Emmanuelle* cite notamment le cas d'une enseignante bastiaise, la cinquantaine, qui serait décédée du Covid cet été. "Elle n'était pas vaccinée. Bien sûr, on ne sait pas si elle ne serait pas décédée quand même si elle l'avait été, mais cela aurait au moins augmenté ses chances de s'en sortir", souffle-t-elle.

Vaccinés ou non, les trois enseignants s'accordent néanmoins sur un souhait : celui de ne bientôt plus avoir à faire au Covid, et pouvoir à nouveau enseigner "dans des conditions un peu moins compliquées".

*les prénoms ont été modifiés

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