1 Corse sur 5 vit sous le seuil de pauvreté. L’inflation galopante va probablement accentuer ces chiffres dans les prochains mois. Pour preuve, de nombreuses associations accueillent de plus en plus de personnes en situation de précarité et font face quotidiennement à des drames humains. Ce constat est au cœur du nouveau numéro de "Vocation" à voir ce mardi à 20h45 sur ViaStella. 3 personnalités témoignent de leur engagement auprès des plus faibles et parlent surtout d’humanité.
François Pernin le dit clairement : "C’est violent la pauvreté et ça tue !". Ancien chirurgien, membre actif de "Médecin du monde", il est responsable en Corse de la coordination inter-associative de lutte contre l’exclusion (CLE). Cette structure regroupe 14 associations et permet de coordonner leurs actions pour faire reculer la pauvreté sur l’île, mais aussi ailleurs, comme récemment en Ukraine. À ses côtés, on retrouve Marie-France Andreozzi. Infirmière en psychiatrie à la retraite, elle fait partie de l’association "Per a Pace ", créée en 1992 durant la guerre en Bosnie. Pour compléter ce trio, Sarah Dugier, infirmière, intervient dans l’équipe mobile de précarité et de psychiatrie de l’Hôpital de Casteluccio. Ils sont ce que l'on appelle communément des humanitaires. Ils consacrent leurs carrières et leurs vacances à venir en aide aux personnes exclues, aux "invisibles". De l'aveu de tous, leurs actions sont avant tout guidées par une vocation : rétablir l'humanité de tous les hommes.
Au-delà de l'aide, réhumaniser pour lutter contre la pauvreté
Par leurs témoignages, les invités de "Vocation" apportent un éclairage sur ce qui compte vraiment : établir un lien de confiance pour Sarah, passer du temps avec des personnes précaires pour Marie-France, faire bouger les lignes de la société et créer des synergies pour François. Tous s'accordent à dire qu'ils ne sont pas des sauveurs, qu'ils ne font pas ça pour le mérite et que sans l'autre on ne peut pas y arriver. Et c'est bien d'altérité dont il est question. Marie-France Andreozzi se souvient de ses premières maraudes et précise : "On n'y va pas pour donner, on y va pour rencontrer quelqu'un". Elle rajoute que son rôle, c'est aussi d'accepter la liberté de l'autre, sa volonté de ne pas vouloir une couverture, de ne pas vouloir parler, de ne pas vouloir être aider.
Sarah Dugier évoque l'exemple de "Stella Maris", une structure de jour de la FALEP ouverte à tous, endroit pivot pour les personnes précaires et sans domicile fixe. Situé au coeur de la cité des Cannes, on peut y boire un café chaud et manger un bout, mais aussi obtenir de l'aide pour ses démarches ou récupérer son courrier. Un lieu où on peut également avoir recours à des soins médicaux et psychologiques. Un retour au statut de citoyen, point de départ pour rétablir l'humanité de ceux qui sont en marge de la société.
Francois Pernin d'ajouter : "Rétablir l'humain, ce n'est pas rêver pour les autres, c'est d'abord des besoins physiologiques fondamentaux".
▶ Extrait : François Pernin définit ce qu'est pour lui rendre l'humanité à une personne en situation de précarité
Et l'engagement politique dans tout ça ? En Corse, il existe un plan pauvreté depuis 2017
Pour François Pernin "guérir un pauvre, c'est le renvoyer bien portant à sa misère". Le statut d'humanitaire permet d'agir sur les symptômes que sont la faim, le froid, la solitude... mais pas d'enrayer la cause qu'est la pauvreté. Comme le disait Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat sous Jacques Chirac et fondateur du SAMU social, "La pauvreté est structurelle, elle n'est pas dû au hasard". Elle doit être un problème politique majeur, là où actuellement elle est gérée par des associations et des structures médicales.
▶ En extrait : l'engagement politique, une des solutions de lutte contre la pauvreté ?
Dans ce domaine, la Corse fait figure d'exception. C'est la première région française à s'être dotée d'un plan de lutte contre la précarité et la pauvreté lors d'un vote de l'Assemblée de Corse le 30 mars 2017.
L'objectif est de "garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l’enfance". Un avant-goût de la politique voulue par le Président Emmanuel Macron un an plus tard en 2018, qui a annoncé la mise en oeuvre d'une stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté au niveau national. Que ce soit en Corse ou au niveau national, cette politique tarde à être mise en place.
"Sulidarità" et "Je veux aider", deux plateformes numériques à consulter
Une initiative émanant de la Collectivité de Corse est à souligner : la mise en ligne en novembre 2022 du portail Sulidarità, Ce site centralise toutes les aides et les dispositifs sociaux existant en Corse. Logement, soins, handicap, personnes âgées, emploi, jeunes, petite enfance, accès aux droits, toutes les catégories sont accessibles simplement. La navigation est intuitive et le contenu est présenté sous forme de questions, celles que nous nous posons tous. Cette plateforme facilite les démarches administratives, qui sont souvent un frein lorsque l'on se trouve en situation de précarité. Elle permet aussi de trouver le bon contact.
Il y a ceux qui ont besoin d'aide et il y a ceux qui peuvent aider. Si vous êtes volontaires pour vous rendre utile auprès des autres, n'hésitez pas à consulter le site "Je Veux Aider". Cette plateforme publique du bénévolat offre la possibilité d’aider une association, collectivité ou organisation publique, de façon ponctuelle ou régulière, en physique ou à distance. Créée il y a 5 ans, elle compte aujourd'hui 460.000 bénévoles en France. En Corse, 44 missions sont actuellement proposées dans les secteurs de la solidarité et de l'insertion, de la protection de la nature, de l'éducation ou encore de la culture.
??? "Vocation", un magazine à revoir en replay sur France.tv