Cochée dans le calendrier de tous les Corses, la Semaine sainte s'inscrit dans la longue tradition de la foi insulaire. À la fois culturelles et religieuses, ses cérémonies ont forgé au fil des siècles la société corse d'aujourd'hui.
Toutes les traditions ne se sont pas vivantes. Mais un socle commun subsiste encore, bien ancré dans l'usage de chacun.
En Corse, croyants ou non, la commémoration de la Passion du Christ fait écho dans toutes les mémoires. Et pour cause, depuis le Moyen-Âge au moins, ces rites ont accompagné la société. Et ils sont nombreux. De nos jour c'est le vendredi Saint avec sa myriade de cérémonies qui reste le jour le plus chargé de cette semaine. De Sartene avec son Catenacciu emblématique et spectaculaire jusque dans la citadelle de Bonifacio en passant par Bisinchi et l'Incatenatu moins connu des touristes mais tout aussi atypique, les messes, les processions et les coutumes sont les témoins d'une Corse aux accents variés.
Ghjovi è venneri santu
A Dumenica di e Palme marque le début le début de la Semaine sainte mais les jours les plus attendus restent le jeudi et le vendredi Saints. Afin de préparer ces journées particulières, les autels sont nettoyés et les statues liturgiques préparées pour que les processions et les messes se passent au mieux.
À commencer par l'Uffiziu di e Tenebre. C'est par ce nom que l'on qualifie les trois derniers jours de la Semaine sainte. L'office débute le jeudi et il est chanté dès l'aube dans la pénombre.
À Bonifacio tout le long de l'office, une bougie est éteinte à chaque chant. A la fin du rite, après avoir éteint le dernier cierge, les confrères se mettent à battre le sol avec les "mazzuchi", des palmes tressées. Le vacarme renvoie aux ténèbres et au tremblement de terre survenu à la mort du Christ, comme il est indiqué dans la Bible. S'en suivent les "petites chasses", une procession au sein de la citadelle à laquelle toutes les confréries participent. Chaque lieu religieux est visité.
Une procession qui n'est pas sans rappeler celle de A Cerca à Brando, dans le Cap Corse qui se déroule le vendredi saint et où, dès le matin, quatre confréries parcourent 12 kilomètres dans le village.
C'est cependant le soir que les processions sont les plus fréquentées. On ne présente plus le Catenacciu de Sartene, véritable fierté des croyants mais aussi important atout touristique en avant saison.
Chaque année entre trois et quatre mille personnes viennent observer le pénitent vêtu de sa cagoule rouge dont seul le curé de la paroisse connaît l'identité. Sur plus de 2km, enchaîné et portant une grande croix en bois sur les épaules, il tombe trois fois, à l'image du Christ lors de sa monté au Calvaire, avant d'être crucifié symboliquement.
De la même manière, dans la nuit noire de Bisinchi, on retrouve le même incatenatu cette fois-ci encapuchonné de blanc. Il parcourt le village, station par station, à la lueur des bougies au chant du "Perdono mio Dio".
Autres lieux, autres rites : dans les villages balanins ou de Casinca, par exemple, c'est par A Granitula que l'on salue le sacrifice de Jésus. Une procession qui prend la forme d'une spirale qui s'enroule sur elle-même.
A Monticellu on commémore la descente de Jésus du calvaire, A Schjudazione. Les fidèles miment ici le moment où Jésus est tué et décroché de la croix. Une messe bien particulière au regard des autres rites. Toutes ont cependant un point commun. Après la seconde guerre mondiale, ces traditions tombaient peu à peu en désuétudes et c'est grâce au renouveau culturel et à la popularité grandissante des confréries que les célébrations de la Semaine sainte ont pu se maintenir ou même revoir le jour.
« U pane hè u primu fruttu di Diu »
Véritable musée vivant, les traditions de la Semaine sainte parlent et disent beaucoup sur l'histoire de la Corse. Par exemple, grâce à elles, nous en savons plus sur les habitudes alimentaires de ceux qui nous précèdent.
La gastronomie Pascal s'entame après une période de jeune lié au Carême, et présente un menu assez similaire dans toute l'île à quelques détails près.
Parmi les mets, on peut trouver des fritelle, fugazzi, casgiate, migliacci et campanili (caccavelli). De l'entrée au dessert, cette carte encore très présente aujourd'hui dans nos assiettes nous laisse en héritage une Corse emprunte d'une forte culture céréalière présente depuis bien avant sa christianisation.
Chaque plat a sa signification, mais le plus symbolique reste l'agneau. Comme dans la religion juive, il est consommé pendant les fête de Pâques. En Corse il fait partie des seuls aliments carnés consommés pendant cette période et le plat tire sa symbolique de différents passages de la Bible. Il est l'une des représentations du Christ.
C'est au travers de ces traditions culinaires notamment, que l'on s'aperçoit des nombreuses origines de la ferveur autour des fêtes religieuses en Corse. Outre les messes et l'aspect culturel c'est aussi un moment de partage. Un moment qui cette année arbore une dimension inédite, c'est à distance et en se basant sur les souvenirs des années passées que les Corses honoreront leur traditions.