Un an après l'abandon du projet d'aéroport, l'ancienne zad de Notre-Dame-des-Landes vit aujourd'hui au rythme des saisons et des projets agricoles des occupants, en attente de régularisation.

C'était l'un des symboles de la situation... La route départementale 281, longtemps connue sous le surnom de "route des chicanes". De l'époque où elle était fermée à la circulation, et où des cabanes avaient poussé sur le bitume, ne restent que quelques indications, des noms, des flèches, qui entretiennent le souvenir des luttes passées.
 



La plupart de ceux qui vivaient là sont partis suite aux expulsions du printemps, après avoir vu leurs lieux de vie détruits, et pour certains, à cause des dissensions sur les négociations avec l'Etat.


Permaculture et biodynamie


À quelques kilomètres à l'ouest, au lieu dit la Hulotte, des tunnels de culture ont poussé. Le jardin vivrier qui nourrissait la lutte s'est transformé en vrai projet de maraîchage, juste à côté des cultures de blé, que fait pousser Erwan Joyeau. "L'idée,c'est de retourner chercher des blés à droite à gauche, chez des paysans qui ont gardé de vieilles variétés, et puis devoir lesquelles s'implantent le mieux ici, de les faire s'adapter. Là on voit qu'il y a des résultats différents, et puis on va faire nos propres mélanges."

Passionné par la permaculture et la biodynamie, le jeune homme a obtenu une convention d'occupation précaire pour 26 hectares de céréales, répartis sur différents lieux de l'ancienne Zad. Pour lui, l'enjeu est donc, cette année, d'obtenir un bail pérenne, et de passer d'un système vivrier, à une exploitation économiquement viable.


Des baux pour 2019?


Pour la question du bail, il a reçu au mois de décembre un courrier du département, qui se veut rassurant. En 2019, ce dernier deviendra propriétaire de 895 hectares de l'ancienne Zad, et dans cette lettre, il indique qu'il suivra une démarche en deux temps :
  • poursuite des conventions d'occupation précaire le temps que soient finalisés les projets d'installation
  • puis dans un deuxième temps, un bail rural ou environnemental.


Après avoir soutenu le projet d'aéroport, Philippe Grosvalet, président du département de la Loire-Atlantique a désormais promis de suivre les engagements pris par l'Etat, mais avec des conditions : "Pour signer des baux agricoles, il faut avoir un certain nombre de règles. En matière de formation, en matière d'installation.... Tous ceux, parmi les 15 projets, qui peuvent prétendre avoir le droit de s'installer, de signer un bail agricole, eh bien nous le ferons, bien sûr... ça fait partie des engagements."


Formations agricoles et inscriptions à la MSA


Pour montrer leur bonne volonté, Erwan Joyeau, pourtant déjà ingénieur agronome, et quelques autres, ont ainsi accepté de suivre une formation d'une vingtaine d'heures à la chambre d'agriculture. "Le thème, c'était "C'est quoi un agriculteur?". On nous a expliqué les aspects administratifs, les normes.... Pour la plupart, des choses sur lesquelles nous avions déjà des compétences, soit par notre parcours personnel, soit par les expériences acquises ici."

Depuis l'été, il s'est aussi inscrit à la MSA, la mutuelle sociale agricole.
Pour 2018, il cotisait uniquement pour les accidents du travail, soit 260 euros, mais en 2019, il devra verser près de 3000 euros de cotisations. "Ce à quoi il faudra ajouter un loyer.... On sait que 2019 sera un cap difficile à passer, et nous sommes tous en train de travailler sur des budgets prévisionnels" précise Erwan, qui cherche en ce moment des débouchés pour ses galettes et pour son pain dans les AMAP des alentours.

Cependant, le jeune homme regrette d'avoir "dû faire les choses à l'envers : d'abord une inscription comme paysan, avant d'avoir un bail pour garantir son activité agricole."

Sentiment partagé par Sarah, éleveuse de brebis qui vit un peu plus loin, dans le hameau du Liminbout.

C'est là qu'elle a trouvé refuge au mois de mai, avec son troupeau et les membres du collectif des 100 Noms, dont les cabanes et les infrastructures furent parmi les premières détruites lors des opérations du printemps, alors que les démarches de régularisation étaient en cours : "On ne l'a pas vu venir. Quand les gendarmes et l'huissier sont arrivés, on était en train de préparer le déjeuner" se souvient la jeune femme.
 

Investir, sans garanties de pouvoir rester


Comme Erwan, elle possède un diplôme d'ingénieur agronome, et comme Erwan, elle a quand même suivi la formation sur le métier d'agriculteur. " On voulait faire un geste envers l'Etat, même si en théorie, aucune formation n'est obligatoire pour devenir agriculteur." Sarah espère un bail pérenne, mais le sentiment est amer : "On doit investir en aveugle, dans des clôtures, des tracteurs, du matériel de tonte, et il faudrait quelques dizaines de milliers d'euros pour aménager une fromagerie... Si on ne le faisait pas, nous aurions été balayés, avec nos projets, et pourtant, tous ces investissements ne garantissent en rien notre pérennité.

Pour son projet, une convention d'occupation précaire lui a été accordée, mais pour 4 hectares seulement. "Il en faudrait 40. J'ai aujourd'hui 60 brebis, et pour que le projet soit viable, le troupeau doit monter à 80 bêtes. Alors, on s'arrange avec les autres", explique Sarah.


Les anciens occupants veulent racheter les terres


À court ou moyen terme, les anciens occupants espèrent être en capacité de racheter des terres. Se positionnent sur les départs en retraite d'agriculteurs, annoncés pour les années qui viennent. 152 hectares seraient ainsi concernés.

Et puis, il y a ces lieux dont les anciens propriétaires n'ont pas fait valoir leurs droits à la rétrocession. 13 endroits sur la zad, parmi lesquels le hameau du Liminbout, l'Ambazada, ou encore la ferme de Saint Jean du Tertre, des lieux historiques de la lutte, et occupés par des projets agricoles, culturels, etc...

Mi-décembre, un fonds de dotation lançait le mois dernier, le début d'une campagne, pour racheter ici des terres et des maisons. "On a fait une première vague de communication auprès de nos soutiens les plus proches pour pouvoir tester l'idée et les moyens de communication. On a déjà eu plus de 300 contributeurs et environ 200 000 euros, donc c'est un très très bon début", précise Camille, membre du fonds de dotation "La Terre en commun", qui estime cependant les besoins à près de 3 millions d'euros.


L'Etat n'est pas vendeur

Sans compter l'inconnue qui concerne les mises en vente. Après la rétrocession de 895 hectares au département, l'Etat conservera plusieurs centaines d'hectares. Et vient de dire son intention de demeurer propriétaire, pour conserver la main sur l'avenir de la ZAD.


L'avenir des cabanes?


Parmi les questions en suspens, il y a aussi l'avenir des cabanes, comme celle de la Hulotte, qui sert au collectif dont fait partie Erwan Joyeau. Construite par un groupe de soutien normand, elle sert de pied à terre à ses membres lorsqu'ils passent sur la zad, et au quotidien, elle abrite en journée le jeune agriculteur et un couple de maraîchers en devenir.

Tous dorment en caravane, et utilisent la cabane pour les repas, et la vie collective. Une structure légère, bâtie sur pilotis, et dont l'autonomie grâce aux panneaux solaires doit encore être améliorée par l'installation d'une éolienne et d'un bassin d'épuration des eaux par les plantes.

Attachés à ce mode de vie plus écologique, et qui leur rappelle le souvenir de la lutte contre l'aéroport, les anciens occupants comme Erwan négocient en ce moment l'inscription des cabanes au plan local d'urbanisme de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres. 

"Avant tout ça, c'était marqué sur les cartes "zone aéroportuaire". Et mainenant, il s'agit pour les élus de déterminer qu'est-ce qui est agricole, qu'est-ce qui est habité, zone naturelle, etc.. L'enjeu c'est de faire appliquer ici, des cadres juridiques pour des habitats autoconstruits à faible impact écologique, etc." Et transformer l'endroit en une sorte de zone expérimentale pour ce type d'habitat. 

 

 
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